Les technologies génétiques : opportunités ou risques ?
Lorsque l’on pense et discute des possibles innovations dans le futur, il nous vient presque toujours à l’esprit le développement de machines, de réseaux électroniques, ce que l’on nomme high-tech.
Mais il existe cependant un autre domaine très prometteur, et pourtant presque toujours mis de côté, pour diverses raisons. Ce domaine, c’est la bio-ingénierie, ou le développement des technologies liées aux gènes et aux tissus vivants.
Je devine déjà certaines de vos pensées et de vos a-priori sur ce domaine des sciences. C’est pourquoi je vous propose de découvrir les possibilités offertes par le développement de telles technologies, mais aussi les risques et dangers qui en découlent.
Un domaine entre promesses et craintes
Contrairement à ce que l’on pourrait se dire à première vue, nous utilisons déjà de telles technologies aujourd’hui. Le meilleur exemple reste celui de la chirurgie : la transplantation d’organes nécessite de comprendre et d’utiliser les capacités de nos tissus pour assurer la réussite de l’échange sur le long terme (comme éviter le rejet par le corps de ce nouvel élément).
Évidemment, si la bio-ingénierie a un immense potentiel bénéfique, elle est aussi sujette à des risques, comme sa militarisation ou de possibles accidents. Mais gardons à l’esprit que toute invention, toute innovation fait l’objet des mêmes risques. Prenez l’utilisation première de la dynamite et l’utilisation qui en a été faite ensuite par manque de contrôle.
Depuis quelques années, les recherches génétiques en tout genre ont vu leur prix drastiquement chuter (voyez comment les programmes de découverte de vos origines par une étude de vos gènes ont fleuri partout depuis peu). Ce nouvel environnement financier a eu pour effet de rendre les investissements plus accessibles, accélérant ainsi les recherches et les découvertes. Voyant ce constat, une étude a été menée à l’échelle internationale par des dizaines de spécialistes pour mettre en lumière les probables évolutions à plus ou moins long terme de la bio-ingénierie. C’est cette étude que je vais vous résumer et étayer dans cet article.
A court terme : un développement rapide sous le signe du développement durable
Ce qu’il est nécessaire de comprendre aujourd’hui, c’est que les recherches sur la bio-ingénierie sont principalement menées par des laboratoires de petites tailles, non attachés à d’imposant ensembles. Ceux-ci sont appelés “cloud-lab”, des organisations privées hautement automatisées, et qui font appel à la philanthropie pour financer leurs programmes.
Ces laboratoires vont sans aucun doute fleurir dans les années à venir, alors que déjà aujourd’hui, la plupart travaille ouvertement à trouver des solutions alternatives pour faire face aux défis du changement climatique. Il faut donc s’attendre, à l’avenir, à voir prendre forme de nouvelles variétés de plantes spécialement désignées pour être résistantes à la sécheresse, dans l’objectif de les utiliser pour faire reverdir les espaces qui se seront asséchés. Cependant, ce genre de solution fait obligatoirement face à des risques environnementaux, car l’introduction de nouvelles essences végétales ou animales à toujours des conséquences sur l’éco-systèmes déjà présent, des conséquences que nous ne savons pas / pouvons pas prévoir.
L’autre changement le plus important à sans aucun doute se profiler sera l’intérêt croissant des gouvernements et des organisations de régulation pour ces technologies. En effet, comme l’opinion publique est aujourd’hui réticente à voir des scientifiques travailler sur les gênes, et continuera sans doute à l’être à l’avenir, une régulation préventive, en partie internationale, sera sans aucun doute mise en place pour prévenir les dérives possibles. Déjà actuellement, l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques met régulièrement à jour son catalogues des substances interdites, y ajoutant surtout diverses protéines, pour leurs potentiel haut taux de mortalité si utilisées à des fins militaires.
A moyen terme : la médecine à l’honneur
Certaines des plus grandes opportunités de la bio-ingénierie concernent l’utilisation de ces technologies dans le champ médical. En effet, tout comme la robotisation va sans aucun doute amener son lot d’améliorations médicales (comme une précision chirurgicale plus importante), les recherches biomédicales annoncent déjà leurs immenses possibilités : organes ou membres reconstruits à partir de vos propres cellules, thérapie génique pour traiter des maladies rares aujourd'hui presque incurables, etc…
Un débat entoure ces technologies : leur démocratisation. Ces techniques de pointe seront vraisemblablement très chères et donc réservées à une élite. Cependant, cela n’est pas une fatalité, si assez d’efforts sont mis en place pour garder ces innovations dans le domaine public. Prenez l’exemple de la production d’insuline qui voit aujourd’hui sa production échapper aux gros groupes pharmaceutiques, au profit de petits laboratoires aux prix plus abordables.
Mais l’évolution de notre compréhension de nos gènes apportera son lot de nouvelles questions auxquelles faire face d’un point de vue éthique. Pouvoir cartographier et tirer des informations des gènes mènera sans aucun doute à la création de base de données génétiques, potentiellement accessible à l’achat ou sensible aux hacks. Que faire alors, si une entreprise refuse votre candidature pour un CDI car votre dossier génétique affiche plus de risque que vous développiez un cancer dans les années à venir qu’un autre candidat.
A long terme : d’immenses promesses, d’immenses risques
Dans les décennies à venir, il ne serait pas impossible de voir apparaître des vêtements ou autres faits à partir de matériaux bio-produits, comme une potentielle solution au plastique, au coton ou au métal. Déjà aujourd’hui, certaines recherches pointent du doigt la résistance et la flexibilité que de tels matériaux pourraient avoir. Le pétrole pourrait aussi être petit à petit remplacé par des biocarburants produits à partir de plantes modifiés génétiquement pour être d’une très grande efficacités.
L’un des points les plus discutés et qui fait couler le plus d’encre reste celui de la modification humaine. Ce débat fait rage dans le domaine des technologies mécaniques / électroniques (voir le transhumanisme). Il existe aussi dans la bio-ingénierie. En effet, même si, aujourd’hui, il ne s’agit encore que de la science-fiction, il est nécessaire de se poser dès aujourd’hui de telles questions. Si nous possédions un jour le savoir nécessaire pour modifier le génome humain, permettant à certains d’être plus sensibles aux sons et aux odeurs, d’être plus grands, plus forts, plus intelligents, seraient-ils encore humains ? Est-ce que l’essence humaine est sacrée, ou bien est-ce que passer à côté de telles possibilités serait gâcher un potentiel immense ? Comment la loi s’appliquerait dans ces cas là, en traitant d’humains qui ne seraient plus vraiment des Homo Sapiens, mais quelque chose d’autre, de nouvelles espèces au sens génétique ?
Il existe une infinité de questions, de débats, qui restent encore à prendre vie. D’ici là, qu’en pensez-vous, vous, de la bio-ingénierie ?
Nicolas Graingeot
Référence
Centre for the Study of Existential Risk (CSER), University of Cambridge, Bioengineering horizon scan, 2020