Les styles d’apprentissage : qu’en est-il réellement ?
Certains mythes ont la peau dure et notamment dans le domaine des apprentissages. Il n’est pas rare d’entendre des parents ou des professionnels que tel enfant a une intelligence visuelle et tel enfant une intelligence dite auditive. Ce concept est relayé partout, au travers d’articles, de quizz mais aussi par certains acteurs de l’enseignement. Il faudrait ainsi miser sur une voie d’apprentissage qui permettrait d’avoir de meilleures performances, l’éducation doit donc s’adapter à chaque enfant. Alors, réalité ou neuromythe ? Faisons un détour par les neurosciences pour résoudre ce dilemme.
Les modalités d’apprentissage renvoient à l’ensemble des éléments favorisant la réception et le traitement de l’information. Le neuromtyhe des styles d’apprentissage repose sur interprétation des travaux d’une neurologue, qui avait différencié deux profils neurosensoriels chez l’Homme : l’information pouvait être traitée distinctement, soit de manière visuelle soit de manière auditive. Des méthodes pédagogiques ont donc vu le jour en parlant de modalité d’apprentissage à favoriser selon le profil de l’enfant. Il existerait environ 70 profils d’apprentissage (Cofield et al, 2004), mais les principales modalités sont celles faisant appel aux cinq sens. Voici quelques croyances résultant de ces interprétations : pour les personnes « visuelles », l’apprentissage est plus efficace grâce à des schémas ou des illustrations, les personnes « auditives » ont une meilleure mémoire en apprenant les cours à voix haute, et les personnes « kinesthésiques », il faut manipuler pour mieux intégrer les connaissances.
Dans un monde éducatif où la performance a une part importante, ces croyances sont très populaires. Les enseignants se disent qu’en prenant en compte les particularités des enfants, cela permettrait d’améliorer les apprentissages. Malheureusement, même si leurs intentions sont louables, ils sont en réalité victimes de biais cognitifs. Ils s’attachent à des observations de leur pratique quotidienne, leur jugement est faussé par le biais de confirmation. Nous donnons plus de poids à ce en quoi nous croyons : « Ah oui, mais moi mon élève a mieux mémorisé par les schémas car il est visuel ». En réalité, l’enseignant a retenu juste les souvenirs de réussite allant dans le sens de sa croyance, alors qu’en réalité, l’enfant a été performant à un autre exercice qui utilisait une autre voie d’apprentissage.
Alors, qu’en disent les neurosciences ? Le cerveau de l’Homme est complexe, mais le traitement de l’information est en réalité multimodal. Il n’existe pas une seule modalité sensorielle, le cerveau est divisé en de multiples aires qui traitent les informations et qui s’associent pour permettre une réponse efficace et pertinente. Les informations intégrées dans le cerveau relèvent donc de différentes sources sensorielles, il n’existerait donc pas une modalité d’apprentissage plus efficace que l’autre. Une étude menée (Knoll et al., 2017) a montré que les personnes persuadées d’avoir un style d’apprentissage dominant n’avaient en réalité pas de meilleurs résultats par rapport aux autres modalités sensorielles. Il faut donc en conclure que les préférences d’apprentissage des élèves n’entraînent pas la surperformance d’un style d’apprentissage. Il vaut mieux privilégier les méthodes pédagogiques sollicitant tous les sens pour un apprentissage multimodal.
Le style d’apprentissage est donc associé à des aspects subjectifs relevant de mauvaises interprétations et de croyances éducatives faussées par les biais cognitifs. Il n’existe à ce jour aucune recherche avec une méthodologie rigoureuse montrant des résultats probants pour soutenir cette théorie des multiples intelligences. Il est donc primordial d’arrêter de relayer ces neuromythes, et surtout de vouloir mettre à tout prix des enfants dans des cases sous couvert d’augmenter leurs chances de réussite.
Marine Jouin
Bibliographie :
Coffield, F., Moseley, D., Hall, E. et Ecclestone, K. (2004a). Learning styles and pedagogy in post-16 learning: A systematic and critical review. London, UK: Learning and Skills Research Centre.
Knoll, A. R., Otani, H., Skeel, R. L., & Van Horn, K. R. (2017). Learning style, judgements of learning, and learning of verbal and visual information. British Journal of Psychology, 108(3), 544‑563. https://doi.org/10.1111/bjop.12214