L’enseignement explicite : accompagner les apprentissages


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Dans le domaine de l’enseignement, la quête de méthodes pédagogiques efficaces et inclusives est une préoccupation constante. Face à la diversité des apprenants et à la complexité des contenus à enseigner, les enseignants cherchent des approches pédagogiques qui répondent aux besoins variés de leurs élèves tout en favorisant leur réussite académique. L'enseignement explicite est encouragée par les académies de l’éducation nationale comme une méthode structurée, reposant sur des preuves d'efficacité, visant à maximiser l'apprentissage des élèves.

Apparition du terme

Les termes d’« enseignement explicite », de la « pédagogie explicite », et de « l’explicitation des contenus » trouvent leurs racines dès les premières années du XXIe siècle. En Europe et en France, où ils sont associés aux sciences cognitives et s’inscrivent dans la volonté de réfléchir aux méthodes d’enseignement. Cependant, la multiplicité des termes peut parfois semer la confusion.

Il n’existe pas de modèle théorique préétabli pour l’enseignement explicite. Cette approche émerge plutôt de l'observation des pratiques pédagogiques, dans le but d’améliorer la réussite des élèves et particulièrement ceux qui éprouvent des difficultés avec les méthodes plus “traditionnelles”.

Issue à l’origine des observations et des ressentis du terrain, la méthode de l’enseignement explicite a ensuite fait le sujet de recherches scientifiques (études comparatives, méta-analyses). Il s’agit désormais d’une approche reposant sur des preuves scientifiques et qui continue à être étudiée.

Définition

L’enseignement explicite se distingue de l'enseignement traditionnel (magistral) puisqu’il ne repose pas sur la simple transmission de connaissances de manière unilatérale par l’enseignant. En effet, il n'encourage pas un apprentissage passif chez les élèves, au contraire.

Bien qu’il existe une part de transmission de contenu par l’enseignant, l'accent est plutôt mis sur la vérification de la compréhension des élèves, favorisée par de nombreux échanges interactifs et des activités adaptées aux objectifs d’apprentissage.

L'enseignement explicite ne se présente pas comme un modèle pédagogique figé, mais plutôt comme un ensemble de pratiques éducatives qui s'appuient sur des principes communs pour concevoir et mener des séances d'enseignement (Hughes et al., 2017). Il s’agit d’une approche basée sur l’explicitation et l’objectivation de la compréhension des élèves par des interactions avec les apprenants.

L’enseignant joue donc un rôle essentiel car il est moteur des apprentissages de ses élèves. L’un des objectifs de cette méthode est notamment de réduire les écarts entre les élèves.

Principes fondamentaux

L'enseignement explicite repose sur une structure bien définie, composée de grandes phases clairement identifiées, qui favorisent l'engagement actif des élèves et leur autonomie d'apprentissage. L'une des caractéristiques clés de cette méthode est la formulation à voix haute des processus mentaux par l'enseignant, permettant ainsi aux élèves de comprendre pleinement les concepts enseignés.

Martella, Klahr et Li (2020) soulignent qu'une erreur courante est de considérer que l'apprentissage actif s'oppose à l'enseignement direct. En effet, l’enseignement direct est majoritairement associé à une méthode magistrale principalement centrée sur l’enseignant. En réalité, dans l'enseignement explicite, l'enseignant sollicite en permanence la participation des élèves, les questionne et utilise des retours d'information pour suivre leur compréhension.

L’enseignant doit réaliser une analyse approfondie des contenus et des activités. Pour cela, il détermine les étapes nécessaires (en allant du simple vers le complexe) pour l’acquisition d’une notion. Il ne faut pas voir cette dernière comme une compétence générale qu'il faut travailler de manière globale. Ainsi, le choix des activités proposées en contexte d’enseignement doit être réalisé en adéquation avec les objectifs d’apprentissage. De plus, les décisions sont également fondées sur les besoins et la progression des étudiants dans leurs apprentissages (Archer et Hughes, 2011).

Lors des séances, l’enseignant ne doit donc pas jouer le rôle de simple facilitateur mais d’élément moteur en supervisant, en interrogeant et en vérifiant la compréhension. Pour cela, il doit être capable de mobiliser ses compétences professionnelles afin de gérer au mieux la classe et les interactions.

Structure d’une séance

  • Préparation (avant la séance) Avant chaque séance, l'enseignant élabore méticuleusement les objectifs pédagogiques à atteindre et les contenus à enseigner. Il identifie également les prérequis nécessaires ainsi que les procédures et les tâches qui seront abordées. Enfin, il prépare les documents supports qui seront utilisés lors de la séance.

  • Ouverture de l'activité Au début de la séance, l'enseignant expose clairement les objectifs visés ainsi que les notions essentielles que les élèves doivent maîtriser. Il s'assure de vérifier les prérequis nécessaires tout en veillant à ne pas surcharger les élèves d'informations inutiles.

  • Modelage Pendant cette phase, l'enseignant présente l'objet d'apprentissage en détaillant les étapes du processus de pensée. Il sollicite activement les élèves en leur posant des questions du type "Comment je fais ensuite ?" Il fournit des notions essentielles en utilisant des exemples et des contre-exemples afin de permettre aux élèves de comprendre le concept dans sa globalité.

  • Pratique guidée L'enseignant accompagne le travail des élèves en interagissant avec eux à travers des questions précises. Il vérifie régulièrement la compréhension des élèves et s'assure qu'au moins 80% d'entre eux ont atteint les objectifs fixés. Cette étape intègre également l'enseignement réciproque, où les élèves s'entraident mutuellement.

  • Pratique autonome Dans cette phase, les élèves travaillent de manière autonome sans l'aide directe de l'enseignant. Celui-ci continue cependant de circuler dans la classe pour donner de brèves explications et vérifier la compréhension des élèves.

  • Clôture Enfin, pour clôturer la séance, l'enseignant effectue une synthèse des éléments à retenir et présente les objectifs de la séance suivante ainsi que le travail à réaliser à la maison pour consolider les apprentissages. La consolidation des acquis est primordiale, et les tâches à domicile sont sélectionnées en fonction des notions maîtrisées en classe.

Une méthode pour tous ?

L'enseignement explicite s'adresse à divers types de tâches, des plus structurées aux peu structurées. Les tâches scolaires, comme la résolution d’un algorithme, ainsi que les tâches complexes telles que la compréhension de textes ou la résolution de problèmes ouverts nécessitent une approche explicite. En enseignant de manière explicite les éléments constitutifs de ces tâches, les élèves sont mieux préparés à les aborder de manière autonome.

En outre, l'enseignement explicite ne se limite pas aux contenus disciplinaires ; il peut également porter sur les stratégies d'apprentissage. Diriger et évaluer des aspects spécifiques de leur propre apprentissage favorise la métacognition et l’autorégulation des élèves. En enseignant explicitement ces stratégies, les élèves sont en mesure de les utiliser de manière régulière et autonome, ce qui les aide à gérer leurs apprentissages actuels et futurs de manière plus efficace.

L'enseignement explicite est particulièrement bénéfique pour les élèves jeunes, en particulier ceux qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour compenser ce qu'ils n'ont pas acquis en classe. Il contribue ainsi à réduire ou à limiter les écarts sociaux d'acquisition en offrant à tous les élèves un accès égal aux connaissances et aux compétences.

Cependant, il convient de noter que pour les élèves experts, l'enseignement explicite peut présenter des défis. Le risque de renversement dû à l'expertise peut se produire lorsque le modèle fourni par l'enseignant entre en conflit avec le modèle cognitif de l'enfant. Dans de tels cas, il peut être plus efficace de privilégier des approches pédagogiques qui laissent plus de place à l'initiative des élèves, comme l'apprentissage par problèmes. En effet, plus les élèves maîtrisent un sujet, moins il est nécessaire de l’enseigner explicitement. Il est cependant important de noter qu’un bon élève n’est pas forcément expert, et que dans la majorité des cas, il est toujours dans une situation d’apprentissage peu importe qu’il soit performant ou en difficulté.

Conclusion

Il est crucial de reconnaître que toute méthode d'enseignement, y compris l'enseignement explicite, n'est pas universellement infaillible et ne garantit pas automatiquement le succès de tous les élèves. Cependant, en fournissant aux enseignants des outils pédagogiques fondés sur des preuves d'efficacité, il est possible de maximiser les chances de réussite des apprenants. L'enseignement explicite offre une approche structurée et systématique qui permet de cibler les besoins spécifiques des élèves, d'encourager leur engagement actif et de favoriser leur autonomie dans le processus d'apprentissage. En intégrant des outils validés et en adaptant les pratiques en fonction des besoins individuels des élèves, les enseignants peuvent créer un environnement d'apprentissage inclusif et stimulant. Ainsi, bien que la perfection absolue reste hors de portée, l'engagement envers des méthodes d'enseignement basées sur des preuves offre une voie prometteuse pour soutenir la réussite éducative de tous les apprenants.

Marine JOUIN


Bibliographie

Hughes, C. A., Morris, J. R., Therrien, W. J., & Benson, S. K. (2017). Explicit instruction: Historical and contemporary contexts. Learning Disabilities Research & Practice, 32(3), 140-148. DOI: 10.1111/ldrp.12142.

Livret Enseignement Explicite (Paris Académie 2023)

Enseignement explicite : Synthèse de la recherche et recommandations (Bressoux, 2022)