Le mythe des digital natives

Photo de Domenico Loia sur Unsplash


Il est souvent affirmé que les étudiants actuels, les "digital natives", sont des enfants de leur époque, naturellement compétents en technologies numériques. Cependant, cette vision simpliste néglige la complexité de leur relation avec le numérique. Même s’ils ont grandi dans une société connectée et technologiquement avancée, les jeunes ne maîtrisent pas systématiquement l’ensemble des outils numériques.

En réalité, les nouvelles générations sont principalement à l’aise avec les réseaux sociaux. Sans formation spécifique, leur utilisation du numérique dans un contexte éducatif reste limitée. En premier cycle universitaire, ils se contentent souvent de rechercher des informations, produire des textes pour leurs devoirs, et communiquer en ligne. Ils ne dépassent pas nécessairement ces outils de base. Ce constat vient à l’encontre des postulats de Prensky qui considérait que les jeunes se tournaient intuitivement ver la technologie pour apprendre. En réalité, ces derniers n’utilisent pas toujours le numérique de manière efficace pour leur apprentissage.

Par ailleurs, il convient de revenir sur la classification de “digital natives” selon Prensky qui s’organisait par date de naissance. Une meilleure approche serait de les classer selon leur niveau de compétence numérique, influencé par des facteurs comme le cadre de vie, le genre et l'exposition et l’utilisation des technologies (Burton, 2015).

Ainsi au niveau de la formation, il est crucial de soutenir les étudiants dans des situations d’apprentissage ayant recours au numérique. Bien que Prensky suggère que les "digital natives" n'ont pas besoin de soutien numérique, cette notion est remise en question par des études qui montrent que la surcharge cognitive peut limiter leur efficacité en multitâche (Maton et Kervin, 2008).

2 mythes principaux en pédagogie (Burton, 2015)

Le premier mythe présume que tous les étudiants ont des compétences numériques élevées et homogènes. En réalité, il existe des inégalités d'accès et d'engagement, et l'utilisation des technologies numériques par les jeunes est souvent plus limitée que ne le suggère ce mythe.

Un autre mythe porte à croire que les outils numériques sont plus rapides et faciles à utiliser, et donc plus adaptés pour la formation. Le recours au cours en ligne peut donc paraître plus pertinent. En réalité, transposer simplement des formats d’enseignement présentiel en format numérique perdrait les étudiants qui ne verront pas l’intérêt de ces changements. Ainsi, le choix du numérique dans les apprentissages et une longue réflexion puisque cela demande de nombreuses adaptations.

Le mythe des "digital natives" a des conséquences importantes sur l'enseignement supérieur. Il peut mener à la sous-estimation des besoins en formation numérique, accentuer les inégalités d'accès et de compétences, et influencer négativement la conception des programmes d'études et les approches pédagogiques. Pour maximiser l'apprentissage, il est essentiel de reconnaître la diversité des compétences numériques des étudiants et de fournir un soutien adapté pour les aider à naviguer dans l'environnement numérique complexe d'aujourd'hui.

Marine JOUIN


Ressources :

Burton, L.J., Summers, J., Lawrence, J., Noble, K., Gibbings, P. (2015). Digital Literacy in Higher Education: The Rhetoric and the Reality. In: Harmes, M.K., Huijser, H., Danaher, P.A. (eds) Myths in Education, Learning and Teaching. Palgrave Macmillan, London. https://doi.org/10.1057/9781137476982_9

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