L'ONU et ses fonctions, avec Patrice Gillibert, Administrateur aux droits de l'Homme


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Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon à la fin des années 80 et titulaire d’une maitrise en droit public obtenue à l’Université Lyon 3, Patrice Gillibert avait pour objectif professionnel de rejoindre une administration internationale

Bonjour Patrice Gillibert, pouvez-vous nous partager les expériences fondamentales qui vous ont permis de lancer votre carrière à l’ONU ? 

A l’issue de mes études, j’ai effectué mon premier stage en lien avec l’ONU au sein d’une ONG américaine ‘The Human Rights Advocates’. C’est en travaillant auprès de la Commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève pour cette ONG que j’ai pu trouver plus aisément un deuxième stage, cette fois-ci au sein de la mission permanente de France auprès de l’ONU. Suite à ce stage enrichissant d’un mois où j’ai observé l’importance du multilatéralisme dans les instances onusiennes de Genève, l’opportunité de rejoindre le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU s’est présentée. 

Cette fois-ci, il n’était plus question de stage mais d’un contrat temporaire en tant qu’expert associé au sein du Centre pour les droits de l’homme de l’ONU afin d’assister un expert indépendant de l’ONU, Louis Joinet. (fondateur du syndicat de la magistrature, engagé au parti socialiste et conseiller sous la Prèsidence Mitterrand, rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’impunité, etc)

En tant qu’expert indépendant, Louis Joinet avait des missions bien définies, en lien avec sa formation de magistrat. Etant son assistant, nous avions surtout pour objet de rédiger des études sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’impunité suite à des violations des droits de l’Homme. 

Après des contrats temporaires, j’ai obtenu un contrat à durée indéterminée  au Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU en tant que Secrétaire du Comité des droits de l’homme de l’ONU, puis Secrétaire du Sous-comité pour la prévention de la torture. Avec une équipe de fonctionnaires internationaux, j’étais chargé d’assister le Sous-Comité composé de 25 experts indépendants chargés d’analyser la situation de différents pays en ce qui concerne les conditions de détention dans tout lieu de privation de liberté (y compris les lieux de rétention dans les aéroports). En fonction des conclusions établies dans nos rapports, nous formulions des recommandations et des actions à mettre en oeuvre dans les pays concernés pour améliorer l’application des droits de l’homme et prévenir l’usage de la torture

Je suis ensuite devenu Secrétaire du Comité contre la torture. Ce dernier était constituée de 10 experts indépendants chargés entre autre de mener des enquêtes dans les pays où des informations provenant de sources multiples témoignent d’un recours systématique à la torture. Si l’Etat en question reconnaissait la compétence du comité et acceptait une mission dans le pays, nous pouvions alors effectuer des enquêtes pour vérifier l’état de la situation. 

Mon dernier poste, que j’occupe actuellement est au Conseil des droits de l’homme auprès de l’Examen Périodique Universel lequel examine la situation des droits de l’homme des 193 pays membres de l’ONU.

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre fonction actuelle et sur les missions concrètes que vous effectuez ? 

Je suis ce qu’on appelle un coordinateur pays. J’ai dans mon « portefeuille » 13 pays. Pour vous donner un exemple, je travaille en ce moment sur le Bénin et la Tunisie. 

On prépare et soutient des examens périodiques universels des pays dans le cadre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. L’Etat nous fournit un rapport sur sa situation actuelle, on le confronte aux documents de l’ONU (disponibles grâce aux différentes agences de l’ONU sur le terrain, aux Comités conventionnels de l’ONU tels le Comité contre la torture, les mécanismes de procédures spéciales tels le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction …). Mon objectif est de rédiger une compilation qui va à l’essentiel, qui dresse le portrait des enjeux et des potentiels problèmes du pays en question. Je dois également rédiger le « résumé des parties prenantes » à partir des rapports des ONG sur le pays examiné.  Ce document doit faire le lien avec la compilation. 

Lors de l’Examen Périodique Universel par un Groupe de Travail de 47 Etats sur la base du rapport de l’Etat, de la compilation ONU et du Résumé des parties prenantes, les Etats formulent plusieurs centaines de recommandations, organisées de manière thématique couvrant les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. 

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU adopte ensuite après un débat interactif le rapport final. C’est ensuite à l’Etat concerné de nous indiquer comment il se situe vis-à-vis des recommandations. (acceptation ou non).

Je dois donc, après cette phase de rédaction et d’échanges, m’assurer de la mise en oeuvre des recommandations, si l’Etat s’est engagé à les suivre. Ces dernières sont envoyées par la Haut commissaire aux droits de l’homme au Ministre des Affaires Etrangères du pays soumis à l’examen,. De par mon rôle de coordinateur, je dois participer aux réunions à New York et Genève pour assurer le suivi. J’y retrouve alors à la fois des acteurs locaux, des ONG et des responsables d’agences de l’ONU. 

Propos rapportés par Emilien Pigeard

 


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