Une carrière en politique avec Antoine Lefèvre, sénateur de l’Aisne
Issu d’une formation de juriste (DEA en droit public et aménagement du territoire) Antoine Lefèvre commence sa carrière publique en 1995 en devenant conseiller municipal à Laon. Il gravit rapidement les échelons de la mairie de Laon en devenant adjoint au maire à l’urbanisme en 1999 puis maire à son tour en 2001. Fort d’une base solide dans sa ville où il est réélu sans difficulté, il devient sénateur en 2008, poste pour lequel il est toujours en fonction à ce jour. A cette carrière déjà riche viennent s’ajouter d’autres fonctions comme son statut de membre à la commission des finances et de juge titulaire à la Cour de Justice de la République.
Bonjour monsieur le sénateur, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amené à la politique et nous éclairer sur votre parcours ?
Tout d’abord j’avais pu côtoyer des élus au niveau local et le maire de l’époque souhaitait rajeunir sa liste pour les élections municipales. On m’a donc proposé de participer à ce « rajeunissement » de la liste en 1995. J’ai eu la chance d’accéder à cette occasion à un poste à responsabilité; nous n’étions pas seulement choisis pour notre jeune âge. J’ai ainsi pu avec d’autres jeunes devenir conseiller-délégué. Pour ma part je travaillais sur les projets urbains et donc sur la transformation de la ville. Ce poste fut formateur et m’a permis d’acquérir une solide connaissance de plusieurs dossiers en lien avec la ville. J’ai ainsi pu être promu au rang d’adjoint, 4 ans après mon arrivée.
En gravissant petit à petit les échelons, le maire m’a proposé à la fin de son mandat de constituer moi-même une liste pour lui succéder en 2001. Ma liste et moi y sommes parvenus et avons même été réélus en 2008 et en 2014. Cette fonction municipale a été à mes yeux une des plus belles. Elle est humainement enrichissante et permet de mettre en oeuvre de nombreux projets. On travaille avec les forces vives tout en voyant le bâti et l’environnement évoluer concrètement. On a aussi un rapport très personnel avec le tissu social de la ville, que ce soient les citoyens ou les associations. A titre personnel j’ai eu de très bons liens avec les séniors de la ville, étant un maire jeune lors de mon arrivée à ce poste. Au cours de ma carrière j’ai pu avoir d’autres expériences complémentaires, comme celle de conseiller régional de Picardie. Ce poste m’a permis d’entrer en contact avec des élus de tous les échelons, de confronter ma vision de la ville à celles d’autres maires et de voir comment s’articule la région avec les collectivités.
Comment se passe la journée type d’un sénateur ? Quelles spécificités existent pour ce métier et le distinguent de vos fonctions précédentes ?
Il est important de savoir qu’en tant que parlementaire on ne voit pas toujours les résultats concrets de notre travail contrairement aux actions que l’on peut mettre en oeuvre lorsque l’on est maire. Concernant le métier de sénateur à proprement parler, la semaine est coupée en deux:
- Une partie en circonscription, du vendredi au lundi.
- Une partie à Paris, du mardi au jeudi. On a des réunions de groupe, on travaille avec les collaborateurs pour faire le point sur l’agenda et les dossiers à venir.
- Le mercredi est principalement dédié au travail au sein des commissions et à la séance au sénat qui peut s’étendre dans la nuit. Pour vous donner un exemple, j’ai rejoint la commission des finances en 2014, je suis donc en charge d’un dossier précis, comme tous les autres membres. Etant juriste de formation, j’avais pour thématique le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire. J’ai donc eu à rédiger un rapport, fournissant un diagnostic et des recommandations pour une meilleure gestion. On rencontre ainsi les personnes en lien avec le sujet, des membres du gouvernement notamment et l’on peut compléter ce travail avec des visites sur le terrain pour avoir un meilleur aperçu des problématiques. Ces recommandations peuvent être utiles pour formuler des amendements lors des propositions de lois.
Ainsi j’ai pu contribuer avec mes différents rapport à de nombreuses propositions de loi comme celle visant à autoriser le vote via internet pour les Français établis hors de France pour l'élection des représentants au Parlement européen en 2014. J’ai également travaillé sur des projets de loi notamment sur les projets de loi de finances en lien avec le domaine de la justice de 2015 à 2020.
- Le jeudi est consacré au travail en délégation, où l’on se concentre sur les réformes qu’il faut définir.
Avez-vous des conseils à donner pour des jeunes qui voudraient se lancer en politique ?
Il faut une envie de changer les choses. Je conseille de partir d’un territoire. Dans mon parcours j’ai commencé par le niveau local avec un espace que j’ai appris à connaitre et à apprécier. C’est ce territoire que l’on a envie de chérir qui nous forme et nous permet de progresser. J’ai pu constater un phénomène nouveau avec l’arrivée de certains députés Renaissance, Rassemblement National et de la Nouvelle Union Populaire. En parvenant directement au stade de « représentant de la nation », le lien avec le territoire est différent.
« A mes yeux, si l’ambition personnelle et les principes idéologiques ne sont pas néfastes par essence, ils ne peuvent pas être les seuls moteurs. Il faut que ces deux aspects se lient à un territoire et à des citoyens que l’on veut défendre avant tout. C’est là que je puise ma motivation. »
A noter que d’autres sénateurs ont des parcours différents du mien. Certains ont débuté en tant qu’assistant parlementaire mais ont toujours eu, à un moment ou un autre, à s’ancrer territorialement.
La Paresia, qui donne son nom au journal, symbolise la vertu du franc-parler et de la liberté de parole en Grèce antique. Qu’est-ce que cela vous évoque ?
« Garder une franchise dans son engagement politique est primordial. C’est au coeur du métier. Je pense que beaucoup de parlementaires qui se confrontent à des difficultés lors de leur réélection ont oublié cela. »
Les citoyens savent distinguer les discours malhonnêtes où les valeurs proclamées par certains parlementaires se révèlent fragiles et peuvent rapidement changer. On ne peut en effet donner aisément du crédit à un candidat qui passe d’un parti à l’autre d’élection en élection en trouvant toujours des justifications à propos. Il est évident que l’on peut évoluer dans ses idées politiques, qu’elles peuvent se remodeler. Cependant, il ne faut pas céder à l’opportunisme et rejoindre un parti, non pas par conviction, mais pour les probabilités de faire carrière. La sincérité c’est une vertu nécessaire. La politique c’est aussi le dialogue. Un dialogue avec une personne qui n’est pas sincère, ça ne permet pas de trouver des solutions. C’est donc une qualité qu’il est important de promouvoir !
Propos rapportés par Emilien Pigeard
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