Comment mieux négocier ?
Comment améliorer ses capacités de négociation? Comment être sûr de toujours parvenir à un accord qui puisse satisfaire nos attentes sans pour autant entacher de manière durable notre relation avec le partie opposé ?
Une piste de réponse est proposé par Robert Fisher dans son livre Comment réussir une négociation? avec le concept de « négociation raisonnée ». Il évoque trois points sur lesquels le négociateur doit se focaliser pour perfectionner ses compétences.
La Perception
Le premier point sur lequel doit se pencher le négociateur est celui de la perception. Il doit savoir précisément mettre le doigt sur ce qui sous-tend la position et les intérêts des parties en présence.
Pour la résolution des conflits c’est souvent la thèse de « l’Homme mesure » qui prime, l’objectivité n’a aucune prise. La plupart des négociations opposent des parties qui se fient uniquement à leur pure opinion, créant un simple entrechoquement de relativisme. Exercer sa vision pour traiter d’une situation c’est donc abandonner l’utopisme d’une négociation où l’on peut amener tous les acteurs sur la voie de l’objectivité. Il y a des parties avec une histoire, des moeurs, des passions et des rancoeurs, il faut composer avec ces données.
Les exemples de querelles territoriales sont à ce titre parlante. l’Algérie n’a ainsi aucune envie de savoir si le Maroc est plus légitime qu’elle pour revendiquer le Sahara occidental, selon sa conception elle restera toujours plus légitime. Les études, les think tanks et tous les travaux d’historiens, aussi sourcés et objectifs qu’ils soient, ne constitueront jamais des moyens déterminants pour régler le conflit.
Pour prendre un exemple plus trivial, si un accident de voiture est causé par un pneu qui éclate, peu importe, personne ne veut payer pour l’autre. Bien que l’origine soit objective, indépendante des deux parties, chacun aura une bonne raison d’accuser l’autre.
« C’est en définitive la réalité telle que chacun la voit qui constitue la matière de la négociation et ouvre la voie de la solution »
Le bon négociateur doit donc suspendre son jugement et s’imprégner des idées des deux parties, les rendre légitimes toutes deux en lui. On peut légitimer sans souscrire.
« Comprendre le parti de son adversaire ce n’est pas lui donner raison. »
Le bon négociateur ne peut donc se passer d’une perception affûtée, il doit faire preuve d’une compréhension absolue et Ne jamais faire de reproche quand bien même elle serait justifiée. Cela ne ferait que cliver et décalerait la négociation sur la personne et non sur le différend. Aiguiser sa perception permet de saisir les occasions de dérouter l’adversaire en prenant le contre pieds et de voir les subtiles changement dans le discours qui permettent de voir les points à mettre en avant pour parvenir un accord.
L’affectivité, la sensibilité
Le deuxième point traduit par « affectivité » et « sensibilité » peut être assimilé à une forme d’empathie. Il faut comprendre ses sentiments et ceux des autres. Il faut comprendre le pourquoi de nos colères, le pourquoi de nos envies, le pourquoi de nos anxiétés. Le négociateur n’est en effet pas une instance en dehors de la société, il est humain comme les autres parties en présence. De ce fait, il est soumis aux mêmes biais et peut ressentir des émotions parfois nocives au bon déroulement.
L’important est déterminer vers quels sentiments ont tend et leurs conséquences potentielles sur le déroulé de la négociation. Pour palier à ces éventuelles émotions intempestives, effectuer une sorte de catharsis (se décharger de ses passions) avant d’aborder le fond peut être tout à fait bénéfique. La personne se sentira mieux voire conforter dans son orgueil après avoir dit ce qu’elle avait à dire. Il faut ainsi que les parties expriment leurs craintes, leurs rancoeurs. Rien ne sert de les garder car la négociation commencerait sur un terrain miné.
La communication
« Sans communication, pas de négociation.»
Savoir écouter est primordial, c’est sur ce point que Robert Fisher axe dans un troisième temps. On ne mesure pas l’importance de montrer des marques d’intérêt pendant l’écoute et de demander confirmation sur ce qui a été dit. On construit ainsi solidement le discours étape par étape en évitant les quiproquo. L’échange sera forcément de meilleure qualité. Par ces deux procédés très simples à mettre en oeuvre, on évite à l’autre de se sentir incompris.
Un autre aspect non négligeable de la communication est de Ne pas parler des autres mais de soi-même en priorité. On évite ainsi l’invective qui pourrait mettre un terme à la négociation. Ainsi on préférera dire « je me sens mis à l’écart » plutôt « tu n’as jamais pris la peine de m’inclure », « je suis déçu » plutôt que « tu m’as menti ».
Comme les moralistes du 17e siècle, le tout est de parler à l’autre en évitant de le viser lui seul, ça ne susciterait que défense et colère. Il faut s’inclure dans le propos autant que faire se peut.
Cette communication plus apaisée et qui mise sur une compréhension totale favorise la participation. C’est l’élément le plus important dans une négociation après le différend lui-même. En évitant de fermer l’autre, de le pousser sur une posture défensive, on l’invite à prendre part à la négociation avec nous dans une perspective de coopération.
Ainsi, pour conclure avec ce troisième point, faire participer les parties à la négociation est capital, aucune implication est synonyme d’aucune acceptation.
Emilien Pigeard
Bibliographie :
Roger Fisher, William Ury, Bruce Patton, Comment réussir une négociation - SEUIL
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