Le nucléaire civil : explications et démystification
Depuis des années, il est devenu clair que la connaissance que nous avons de l’énergie nucléaire n’est, au mieux, que parcellaire et, au pire, gangrénée d’idées reçues. Celles-ci sont souvent nées de cette même méconnaissance, de la peur viscérale qu’ont créée les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima, et les explosions de Hiroshima et Nagasaki.
Cette même connaissance est, de plus, en recul constant, pour des raisons politiques avant tout : la montée de l’écologisme dans les conscience, les débats et les actions n’a fait que de remettre en cause, en France comme ailleurs, la place qu’a pris le nucléaire dans notre production d’électricité. Beaucoup jouent sur la peur pour attaquer ce domaine, sans avancer de quelconque argument scientifiquement valide, sans même, en général, ne savoir vraiment comment tout cela fonctionne, quels en sont réellement les risques, mais aussi les avantages.
C’est pourquoi nous nous risquerons aujourd’hui à traiter de ce sujet certes controversé, mais central dans les interrogations sur le futur de nos sociétés et de notre environnement. Commençons en douceur par expliquer ce qu’est l’énergie nucléaire civile.
Qu’est ce que l’énergie nucléaire civile ?
L’énergie nucléaire civile désigne l’utilisation de l’uranium, matériau radioactif souterrain, pour produire de l’électricité. Plus en détail, une centrale nucléaire détruit des atomes d’uranium, ce qui libère une quantité d’énergie et de chaleur importante, ce qui fait s’évaporer de l’eau. La vapeur ainsi produite met en mouvement des turbines. Ce sont ces turbines qui créent l’électricité, d’une façon assez analogue au fonctionnement des turbines de barrage. Ainsi, la fumée blanche que l’on voit sortir des tours de refroidissement n’est que de la vapeur d’eau, rejetée après avoir rempli son objectif, sans jamais n’avoir été en contact avec le moindre atome d’uranium.
Suite à ce cycle d’utilisation, l’uranium n’est plus qu’un déchet toujours radioactif, qui finit dans une usine de traitement, où il est trié puis stocké ou enterré profondément dans des sites d’enfouissement spécialement dédiés.
Ce fonctionnement est celui de toutes les centrales nucléaires du monde, appelées centrales à fission. Mais cette technologie n’est pas la seule existante. En France, à Saint-Paul-lès-Durance, dans les Bouches-du-Rhône, un projet international s’est installé : l’ITER (International thermonuclear experimental reactor). Celui-ci consiste à mener des recherches sur la fusion nucléaire, une réaction où deux atomes fusionnent pour créer un atome plus lourd (c’est d’ailleurs cette réaction qui fait briller les étoiles). Comparé à la fission aujourd’hui en service, la fusion produit bien plus d’énergie et de chaleur, et peut donc, si contrôlée à grande échelle, permettre une production d’électricité virtuellement sans limite. Mais le projet ITER, comme les projets de réacteurs à fusion chinois, sont encore loin de maîtriser cette technologie. Il nous faudra donc encore attendre un certain temps pour voir arriver cette révolution énergétique très attendue car en mesure de réduire à des proportions infimes les rejets de gazs à effet de serre, et donc de mettre un frein à l’évolution climatique actuelle.
L’énergie nucléaire civile n’est pas plus dangereuse que les autres
En effet, l’énergie nucléaire est l’un des secteurs les plus surveillés au monde. Rien qu’en France, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) effectue en moyenne 600 inspections par an dans les installations. C’est sans compter de plus sur les nombreuses enquêtes privées et publiques dont font chaque année l’objet les infrastructures nucléaire française.
L’une des peurs les plus communes autour de cette énergie est celle de l’explosion et du rejet de matériaux radioactifs dans l’environnement. Tout d’abord, une centrale nucléaire n’est en rien l’équivalent civil d’une bombe atomique : l’uranium utilisé dans une centrale n’est riche qu’à 4% d’éléments radioactifs, alors qu’une bombe utilise un produit pur à 100%. Les événements de Tchernobyl et de Fukushima en eux mêmes n’ont jamais été des explosions : à Tchernobyl, ce fut un emballement du réacteur, à cause du manque de moyen d’une Union Soviétique moribonde, et d’un manque de formation des employés pour des raisons similaires. Et, à Fukushima, un séisme suivi d’un tsunami ont fragilisé les installations, provoquant une fuite du système. Ces deux évènements ne sont que deux des nombreux scénarios auxquels sont aujourd’hui préparés les installations civile du monde entier, comptant entre autre des cyberattaques, du terrorisme, etc… sous l’égide du contrôle mondial de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA), fondé en 1957 par l’ONU.
Le nucléaire n’est pas destiné à disparaître avec l’arrivée des énergies renouvelables
De nos jours, les débats sur l’écologie et l’énergie tournent presque exclusivement autour du développement des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique) et du remplacement des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon).
Tout d‘abord, il ne faut pas confondre énergie fossile et énergie nucléaire : en effet, le nucléaire ne repose pas sur des ressources fossiles, l’uranium étant un minerai non carboné, à la différence du charbon et du pétrole. En Mars 2021, le Joint Research Center a publié un rapport sur l’impact environnemental de cette énergie. Il conclut que le nucléaire est une énergie verte car non émettrice de CO2. Pour autant, ce n’est pas non plus une énergie renouvelable, car l’Uranium, comme toute ressource, existe en quantité finie.
De plus, une étude du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) expose l’émission d’équivalent CO2 par kWh selon la source de l’énergie. Le nucléaire émet ainsi 12 grammes d’équivalent CO2 par kWh, contre 820 pour le charbon, 490 pour le gaz, 41 pour le solaire et 12 également pour l’éolien. Le nucléaire se pose ainsi comme l’une des sources les plus propres de production d’énergie actuellement disponible à grande ampleur.
Continuons sur notre lancée en remarquant que, dans le monde, jamais nous n’avons construit autant de centrales : plus de soixante actuellement. Et, comme le nucléaire nécessite de larges investissements en termes d’infrastructures sur le long terme, cela témoigne d’une véritable politique de développement nucléaire globale. Et, dans ce mouvement global, la France se place comme une marque d’excellence. Partout, les ingénieurs et savants français sont demandé pour aider au développement de ces nouveaux projets : en Inde, 6 réacteurs sont construit en coopération entre la France et les autorités locales, ainsi qu’en Chine, où le premier des réacteurs nouvelle génération (EPR) est le fruit d’une coopération sino-française.
De plus, une sortie du nucléaire visant à un remplacement totale de la production électrique avec des énergies renouvelables aurait un lourd prix à payer : en nous basant sur l’exemple allemand, qui a amorcé sa sortie en 2002, un changement si brutal pousse à recourir en urgence à des sources d’énergie fossile. En 2020, malgré une diminution constante des centrales à charbon allemandes (63 aujourd’hui contre 84 en 2010), le pays a ouvert une nouvelle centrale de charbon à lignite. L’Allemagne donc, après 20 ans de volonté politique de fin du nucléaire, ne peut toujours pas compter sur ses énergies renouvelables pour couvrir sa consommation, et émet donc toujours de très larges quantités de gaz à effet de serre, à contre-courant de sa politique première, sans parler même de l’augmentation du coût de l’électricité pour les foyers, augmentant de 74% en 15 ans.
Finalement, qu’avons-nous appris de tout cela ? Assez simplement, nous avons vu que l’énergie nucléaire n’est pas plus dangereuse qu’une autre. Et même plus, que cette énergie est la plus efficace lorsqu’il s’agit de traiter des thématiques écologiques qui forment notre quotidien.
Avec du bon sens, une gestion raisonnée et une diffusion de ce genre de connaissance, l’énergie nucléaire civile pourrait à terme reprendre la place qu’elle mérite en tant qu’énergie du futur, une base solide pour le réseau électrique mondial, accompagnée des différentes formes d’énergies renouvelables, parfaits compléments à celle-ci.
Nicolas Graingeot