Les enfants d’aujourd’hui, les citoyens de demain
Il y a deux semaines, nous avions entrepris de définir dans les grandes lignes ce qui caractérisait la philosophie confucéenne. Pour ce deuxième volet consacré à la pensée du vieux sage, nous allons nous concentrer sur sa perception des relations entre éducation et politique.
L’être humain, du cercle familial au cercle politique
Pour Confucius, le développement intellectuel, moral, social et politique de l’individu commence au sein de la famille. La société est en quelque sorte l’extension de la famille. Dès lors la vie de la cité ou du royaume dépend en premier lieu de l’éducation donnée aux enfants. Si leur éducation est de qualité et vertueuse, il n’y a aucune raison qu’ils n’appliquent pas ces mêmes principes dans leurs relations avec leurs semblables.
Hannah Arendt disait de chaque nouvelle génération en ce monde qu'elle pouvait être assimilée à des barbares que les adultes devaient éduquer. Cette phrase est parlante pour comprendre le projet confucéen: pour éviter que des Hommes hors de contrôle se multiplient, on met un accent particulier sur l’enseignement.
Confucius dépeint alors sa vision de l’éducation qui porte sur deux axes majeurs: d’abord le développement à l’intérieur (l’enfant au sein de sa famille, de ses amis) qui mute au fil du temps pour s’étendre à l’extérieur (l’adulte dans son entreprise ou le citoyen dans son pays). Le développement se doit d’être soutenu tout au long de la vie, en maximisant les actes vertueux. Ce processus tend, comme on l’a vu, vers l’extension et cette même extension accélère le développement de l’individu.
Mais quel est le contenu d’une éducation réussie?
Faire fructifier les 4 germes innés
Que l’éducation soit un point clé pour qu’un peuple soit prospère, c’est entendu. Se mettre d’accord sur ce qui constitue une “bonne” éducation, voilà qui nous fait entrer au coeur du sujet. En effet, pour aborder cet aspect, il faut évoquer un des grands a priori de la philosophie confucéenne: l’Homme est naturellement bon. Pour qu’un enfant devienne un Homme de bien, il faut donc que les 4 germes innés présents au sein de toute l’humanité soient chéris et mis en valeur. Ce sont eux qui permettent à l’Homme de s’accomplir pleinement. Les 4 germes peuvent être définis comme des comportements/valeurs naturels que chaque Homme possède. Confucius les distingue ainsi:
La compassion face à la souffrance
La honte face au mal
L’humilité à l’endroit des ainés
Le discernement du vrai et du faux
Ce sont ces vertus qu’il faut développer chez les enfants pour qu’une fois adulte ils les perpétuent dans la société.
On remarque « la compassion face à la souffrance » qui est un critère souvent évoqués par les philosophes lorsqu’il s’agit de définir ce qui fait l’humanité et de justifier notre besoin d’être en communauté. « l’humilité à l’endroit des ainés » quant à elle, se justifie par notre constat fait plus haut; celui d’une génération « sauvage » qui doit apprendre à se modérer au contact de la précédente.
Pour ce qui est du « discernement du vrai et du faux » et de la « honte face au mal », on peut tout de suite y voir les intérêts au sein d’une démarche pédagogique. Il s’agit d’inculquer dès le plus jeune âge à l’individu le bon chemin, de toujours peser le pour et le contre afin de ne pas se méprendre. Il s’agit également de lui faire prendre conscience de son rapport à autrui, de ce contrôle social permanent qui pèse sur lui. L’individu se pense dans ses relations interpersonnelles pour Confucius, éviter la honte est donc vital pour ne pas devenir un paria.
Que retenir?
Pour Confucius, l’éducation est l’affaire d’une vie, il est nécessaire de fournir des efforts constant pour cultiver en nous ce que l’humanité fait de mieux. Sans une rigueur de tous les instants, l’Homme ne saurait s’accomplir pleinement et risquerait même de tomber dans la médiocrité, l’ignorance ou la criminalité. Il faut donc accorder une importance toute particulière à notre enseignement, à l’image que nous donnons aux plus jeunes. Car notre environnement ne connait pas de frontière comme nous le rappelle Confucius: ce qui se passe au sein du foyer est destiné, tôt ou tard, à se reproduire en public.
À suivre…
Emilien Pigeard
Sources :
Les Entretiens, Confucius