La recette du bonheur
Suis-je heureux? Et si je ne le suis pas, comment le devenir?
Ces questions, vous vous les êtes sûrement déjà posées un jour, peut-être même que ce sont-elles qui vous ont amené à philosopher.
La quête de la vie heureuse guide bon nombre d’Hommes, mais combien parviennent à l’obtenir? Est-ce seulement possible? Se pourrait-il qu’une mauvaise définition de ce qu’est une vie heureuse condamne à une recherche infinie, qui rate sa cible indéniablement?
Passer sa vie à courir après un mirage, personne ne le souhaite. Epicure, dans sa Lettre à Ménécée, donne des pistes et des éléments de réponses sur ce qui permet, selon lui, de mener une vie heureuse et d’éviter de se fourvoyer dans des philosophies de vie vouées à la peine.
Les saveurs simples apportent un plaisir égal à un régime d’abondance
La simplicité est l’un des maîtres mots. L’importance accordée à ce terme n’est pas surprenante quand on connait l’aversion des grecs pour l’ubrys, ce péché mortel qui consiste à vivre dans une arrogance folle dénuée de limite et qui finit toujours par engendrer le pire.
La tempérance, la modération et la sobriété constituent, par opposition, des clés de la vie heureuse.
« Les saveurs simples apportent un plaisir égal à un régime d’abondance. »
Par cette maxime, Epicure confronte nos désirs naturels à nos désirs artificiels. Illustrons ce point par un exemple; la pomme cueillie au détour d’un chemin donnera un plaisir à la fois plus simple et plus accessible qu’un plat à plusieurs milliers d’euros. En effet les deux vont satisfaire le désir « se nourrir » mais là où la pomme est acquise avec facilité, le plat de luxe nécessite de constituer un capital financier suffisant pour se permettre son achat. Il faut de plus avoir la possibilité d’accéder à un lieu où sera vendu ce type de plat. Ainsi, pour satisfaire le désir « se nourrir », je vais devoir fournir de nombreux efforts, sans être certain d’y arriver pour un résultat in fine similaire à l’ingestion d’une simple pomme.
Pour autant, les plats luxueux existent, car ils ne répondent pas uniquement, comme vous pouvez vous en douter, au désir « se nourrir ». Ils assouvissent d’autres désirs « de prestige social », « d’ego »,… On comprend donc qu’un désir naturel peut être parasité par d’autres désirs artificiels qui vont rendre son accomplissement bien plus complexe et par conséquent plus susceptible d’être non assouvi et source de malheur.
Une richesse à laquelle on n’a pas assigné de limites est une grande pauvreté
Ainsi, l’intérêt premier de modérer ses désirs en conformité avec ce que la nature offre est de rencontrer des limites. Le désir artificiel lui, n’en connaît pas. Le plat de luxe pourra toujours être plus cher, les montres de luxe, les œuvres d’art pourront toujours être plus chères. Si on reprend le désir du « prestige social » on ne peut que se rendre à l’évidence, si on n’en définit pas clairement les limites, on est voué à une quête insatiable et, de ce fait, à une frustration perpétuelle.
Cette surenchère infinie est manifeste au sein des désirs qu’Epicure qualifie de non nécessaires. Ils sont la principale source de souffrances et de malheur de l’Homme.
« Une richesse à laquelle on n’a pas assigné de limites est une grande pauvreté »
Il en faut peu pour être heureux alors? Globalement, c’est l’idée défendue par Epicure tant que ce « peu » apaise l’âme et empêche la souffrance et possède un fondement naturel.
Il n’est en rien semblable à un vivant mortel l’Homme qui vit au milieu de biens immortels.
Un deuxième intérêt que l’on peut trouver à mesurer ses passions est de créer un terreau favorable à l’essor de la prudence dans notre comportement.
C’est la prudence qui pèse le pour et le contre des situations et prévient l’emportement, qui cherche les raisons des choix et des refus. En d’autres termes, la prudence permet une suspension du jugement hâtif qui, soumis aux passions, engendre le trouble qui éloigne de la vie heureuse.
Elle rejette ainsi les opinions ou le bruit qui court, les précipitations qui trainent bien souvent dans leurs sillage l’agitation et la confusion.
Pour résumer les idées et conseils contenues dans cette lettre d’Epicure, j’emploierai une dernière de ses citations :
« Il n’est en rien semblable à un vivant mortel l’Homme qui vit au milieu de biens immortels. »
La recette enfin trouvée?
Ainsi, contre les désirs luxurieux souvent sans limites dans un monde qui lui connaît des limites, le mieux reste de se tourner vers ce qui demeure simple, naturel voire immatériel.
Philosophez, prenez soin de vôtre âme, fixez vous des objectifs avec un but défini et atteignable. Tendez vers l’apaisement et la modération. Voilà ce qui n’est pas à exclure pour respecter la recette de la vie heureuse selon Epicure.
Emilien Pigeard
Bibliographie :
Lettre à Ménécée, Epicure
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