L’Ecosse et son indépendance, le même débat depuis des siècles + INTERVIEW Euradio


 
Les ruines du château de Kilchurn, ÉcosseLigne de crédit : Unsplash

Les ruines du château de Kilchurn, Écosse

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L’Écosse penchent de plus en plus vers l’indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, mettant en péril le fragile équilibre des îles britanniques. Mais son histoire est remplie de telles tendances, et le Covid-19 accentue toutes les problématiques les plus sensibles. Le Parrhésiaste vous propose de faire un retour sur la quête d’indépendance de l’Écosse, puis de revenir sur l’actuelle situation et ses possibles conséquences en Europe, dans les milieux politiques en particulier.

Entre l’Écosse et l’Angleterre, une histoire de « Je t’aime, moi non plus »

Pour comprendre la position de l’Écosse actuelle par rapport à l’Angleterre, il nous faut nous pencher rapidement sur son histoire complexe, et sur ses liens avec le Sud.

La position de l’Écosse à l’extrême Nord des îles britanniques en fait un bastion difficile à prendre, où subsistent toujours une culture particulière et qui cherche à survivre coûte que coûte. Déjà durant l’Antiquité, quand le pays s’appelait Calédonie, y résistait un peuple de culture celte, les Pictes. Jamais intégrés à l’Empire romain, il firent face à de nombreuses attaques en provenance du Sud, qu’ils repoussent à chaque fois, mettant à mal le modèle romain, et préservant de fait leur indépendance, au contraire du reste de la Grande Bretagne. A cause de leur incapacité à conquérir la Calédonie, les Romains préfèrent camper sur leurs positions, construisant un mur d’Est en Ouest, séparant dans leur esprit le monde civilisé des barbares. Ce mur, le Mur d’Hadrien, est la frontière la plus au Nord de l’Empire, et représente l’extension maximale d’un État devenu trop grand.

Lorsque les Romains se retirent, ils laissent la Grande Bretagne sujette à de nombreuses invasions qui apportent sur l’île des héritages ethniques et culturels qui font aujourd’hui pleinement partie de la société locale. Nommons par exemple l’arrivée des Anglo-saxons, qui prennent le pouvoir au Sud et seront les créateurs de l’Angleterre, et celle du peuple Scot, en Écosse même, et qui donnent aujourd’hui leur nom au pays, Scotland.

Durant tout le Moyen Age et après, le pays se fait influencer par les mouvements d’Europe, au Sud. C’est ainsi que le pays se christianise vers le IVème siècle, puis embrasse la Réforme après 1603.

L’histoire de l’Écosse se fait durant le Moyen Âge autour de son unification puis, lorsque l’Angleterre devient un pays puissant au Sud, une lutte pour l’indépendance face à un voisin expansionniste. De nombreuses guerres opposent les deux pays, menant l’Écosse a sceller une alliance avec la France, l’Auld Alliance, qui prévoit d’ailleurs de faire de tous les ressortissants écossais des ressortissants français et inversement, statut supprimé seulement en 1903 en France, et pas encore en Écosse.

Cependant, malgré cette bonne entente, le pays reste moins puissant que son voisin, et de nombreuses crises dynastiques l’affaiblissent encore plus. En 1296, l’Angleterre envahit l’Écosse et en prend pleinement le contrôle, mais doit faire face à un certain William Wallace, qui résiste contre les armées anglaises. Malgré sa capture et la torture qu’il subit, Wallace n’acceptera jamais de reconnaître l’Angleterre comme la suzeraine de l’Écosse. C’est ainsi qu’en 1304, le pays regagne son indépendance par les armes, et continue de lutter contre son voisin du Sud. Une nouvelle tentative anglaise en 1329 réussit, et durant 30 ans l’Écosse est occupée, avant que la Guerre de Cent Ans ne débute et détourne l’Angleterre du Nord.

C’est ainsi que naît la dynastie des Stuart, une famille écossaise qui, en 1603 hérite de l’Angleterre et de l’Irlande, scellant l’unification des îles britanniques, qui deviennent en 1707 le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande, bien que, durant la Glorieuse Révolution en Angleterre, l’Écosse regagne son indépendance pendant plus de 20 ans après la chute de la République de Cromwell en 1659.

Le destin de l’Écosse est, à partir de cet Acte d’Union unifiant les parlements anglais et britanniques, étroitement lié à celui de Londres et de l’Angleterre.

Aujourd’hui, l’Écosse et son peuple penchent de plus en plus pour cette indépendance.

En effet, le dernier siècle a vu apparaître un fort et constant mouvement indépendantiste en Écosse, et qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Le Parti National Écossais, ou SNP, le plus important de ces mouvements, existe ainsi depuis 1934.

Notons que, depuis 1998, l’Écosse jouit d’une grande autonomie, en étant dotée de son propre gouvernement, Premier Ministre et Parlement, tout en restant à part entière une composante essentielle du Royaume-Uni, élisant ses représentants au parlement de Londres.

Mais la volonté indépendantiste ne saurait disparaître si facilement : depuis 2007, le SNP est devenu le principal parti d’Écosse, en remportant 47 sièges au parlement. En 2011, il obtient la majorité absolue. En 2015, il obtient 56 des 59 circonscriptions écossaises lors des élections générales britanniques, contre 6 en 2010, ce qui en fait la 3ème organisation politique de Grande Bretagne.

C’est avec ce constant succès qu’en 2014, il obtient l’organisation d’un référendum sur l’indépendance, lors duquel, le 13 septembre 2014, le non remporte, avec 55,3 % des voix. Suite à ça, le SNP enregistre un inattendu et spectaculaire bond dans ses adhésions, passant de 25700 membres le jour du référendum à plus de 93 000 en janvier 2015, 4 mois plus tard. En Mars 2021, il compte environ 125 700 membres.

Ce succès du mouvement indépendantiste continue à se ressentir, de manière toujours plus forte : alors que la monde est en proie à la crise sanitaire du Covid-19, et en particulier en Europe le Royaume-Uni, les élections du 6 Mai 2021 ont entériné les volontés écossaise, avec une victoire du SNP, qui remporte 64 sièges sur les 65 nécessaires à la majorité absolue, inaugurant le 4ème mandat d’affilé au gouvernement du pays. Avec le Parti des Verts écossais remportant 8 sièges, aussi en faveur de l’indépendance, une alliance à majorité se dessine face au parti conservateur de Boris Johnson, largement vainqueur ailleurs dans le pays, mais remportant seulement 31 sièges en Écosse.

Le nouveau gouvernement, en la personne de Nicola Sturgeon, la Première Ministre, appelle Londres à autoriser un nouveau référendum, expliquant que le peuple écossais a largement exprimé sa volonté d’indépendance durant ces élections. Il risque d’y avoir des tensions entre les deux gouvernements, alors que Boris Johnson avait déjà déclaré en 2019 lors de son arrivée au pouvoir qu’il n’y aurait pas de nouveau référendum en Écosse avant 40 ans. Et, sa position n’ayant apparemment pas changée depuis, le gouvernement écossait va selon toute vraisemblance devoir lutter pour forcer la main au Parlement Britannique pour obtenir ce référendum national.

Il nous faut souligner que ces tensions et cette volonté indépendantiste ont été beaucoup influencés par la crise sanitaire actuelle et par la gestion hasardeuse du gouvernement de Johnson. En effet, si la tendance existait déjà auparavant, elle a connu un important bond alors que la presse écossaise, entre autres, ne cesse de dénoncer les erreurs et le laissé allé des conservateurs de Londres, préférant sauvegarder la santé économique plutôt que de mettre en branle de grandes mesures de restrictions. Sachant que l’Écosse avait été, durant l’ère Thatcher, mise en grande difficulté par les politiques néo-libérale de la première ministre, et dont les effets négatifs s’y font encore ressentir, la continuation, ne serait-ce que dans l’esprit, de ce genre de politique a de quoi hérisser la sensibilité écossaise.

L’avenir nous dira si cette élection, si le Covid ou quoi que ce soit d’autre a eu une importance dans le destin de l’Écosse en tant que pays, mais il faut désormais garder un œil dessus, car les choses ne semblent pas prête à se calmer, les écossais étant depuis des millénaires sujets à ce genre d’histoire.

Nicolas GRAINGEOT


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