Bagatelles
Aujourd’hui, je n’ai rien à dire… Et je vous le dis, que je n’ai rien à dire. Pourquoi vous dire cela si je n’ai rien à dire, me diriez-vous… Si on n’a rien à dire, on se tait, on n’écrit pas, on est présent sans se manifester d’aucune sorte. Alors, à qui cela s’adresse ou à quoi fait-il référence, si je ne dis rien ? Pourquoi écrire ceci ou pour quoi ou pour qui écrire cela ? Je pourrais vous dire que j’écris ceci parce que, au sein de cette revue, nous nous sommes fixés des jours pour publier un article… Mais ce n’est pas cela. Je pourrais vous dire que j’écris cela pour quelqu’un ou pour moi-même ; ce serait alors une sorte de jeu… Mais ce n’est pas cela. Je pourrais vous dire que j’écris ce truc (bizarre !) pour vous faire réfléchir au fait que le langage est insuffisant, qu’il découpe et hache notre pensée alors même que celle-ci est à l’origine un mouvement continu… Mais ce n’est pas cela. Je pourrais vous dire qu’en ne vous disant rien je vous dis tout et par un tour de passe-passe, je passe pour un collectionneur de vérités contradictoires qui dit tout en ne disant rien… Mais ce n’est pas cela non plus. Que veut-il nous dire ce vilain sagouin ?
Dire que je n’ai rien à dire, c’est déjà quelque chose. Ecrire sur quelque chose, en voilà une histoire ! Ecrire, c’est encore écrire, et c’est écrire dans la difficulté. Vous me direz que je souhaite en écrivant ce charabia combler une page blanche simplement pour la remplir d’encre noire… Mais le noir, n’est-ce pas la malédiction de celui qui écrit ?
Un trait… un seul trait pour tout tracer spontanément, inconsciemment, naïvement, innocemment. Qu’importe ce sur quoi on écrit, pourvu qu’on écrive bien. Je laisse une trace, une trace qui se suffit à elle-même, une trace qui se trace elle-même et qui ne renvoie qu’à elle. Car il faut bien en laisser une, de trace, afin de propager ses puissances au-delà de son être. Mais tout de même, on n’imagine pas tellement ce que donne cet art de parler pour ne rien dire… à part peut-être la joie de pisser dans la mer à côté de son ami imaginaire.
Jean
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