Vous êtes immortel !


 
Les Trois crânesPaul Cézanne. France, 1902-06Ligne de crédit : Olivia Shaler Swan Memorial Collection

Les Trois crânes

Paul Cézanne. France, 1902-06

Ligne de crédit : Olivia Shaler Swan Memorial Collection


La mort détruit le corps, c’est une certitude. Qu’en est-il de l’esprit? De l’âme? A ces questions, il est difficile de répondre par une preuve observable. Pas de réponse alors? Et bien ce n’est pas aussi simple. Un philosophe avance des pistes pour prouver l’immortalité de chacun. Ce philosophe, c’est Socrate. 

S’il est conscient qu’une preuve tangible, absolue, non réfutable est hors de portée des Hommes, Socrate pense les sujets de la résurrection et de la vie après la mort en se basant sur un présupposé: l’existence de l’âme. 

L’immortalité, c’est la quête de tous, cependant cet objectif se traduit de différentes façons dans le réel : la progéniture, le travail, les luttes sociales, créations d’oeuvres d’arts, les monuments, … Les Hommes ont soif d’immortalité, ils tentent de résister à la destruction et à l’oubli. Pourtant un fait semble réduire à néant tous ces efforts: la mort. 

Or selon Socrate, la mort n’est pas un fait mais un processus. Elle s’inscrit dans un cycle. On meurt avant de renaître à nouveau.


Un feu qui ne brûle pas, ça n’existe pas…

« Nos âmes ne pourraient en aucune façon naître à nouveau si elles n’avaient pas d’être »


Cette citation de Socrate servira de point de départ à notre court raisonnement, on peut la reformuler de cette façon:  Si notre âme a déjà existé par le passé, elle n’a aucune raison de cesser d’exister (comme on l’a vu) et doit se matérialiser à nouveau dans un autre corps. Pour résumer, pour qu’il y ait naissance, il faut mourir. De la mort provient la vie.

Le principe d’une âme, c’est d’ « être », de la même façon que le feu a pour principe de brûler. Un feu qui ne brûle pas, ça n’existe pas. Un feu éteint cesse d’être un feu. De la même manière, si une âme cesse d’être, ce n’est plus une âme. Autrement dit, une âme ne peut être considérée comme « morte » puisque son fondement conceptuel est la vie.

Trois ne peut être pair, le feu ne peut être froid, l’âme ne peut être morte. Ce sont des Formes intelligibles opposées. 

Quand nous mourrons, c’est notre corps qui reçoit la mort en soi car c’est lui qui est voué à être altéré, corrompu, dissous. L’âme quant à elle s’en va. Comme le froid disparaît à l’approche du feu.

On comprend donc que si une chose se confronte à son contraire (ici la mort face à la vie ou le feu face à l’eau qui l’éteint) elle préférera se retirer.

La mort appelle la vie et vice-versa.

« C’est à partir de leurs contraires que viennent à exister les choses contraires »

Cette citation continue le raisonnement précédent en apportant de nouveaux arguments. Prenons un exemple pour mettre en application la citation: Il a fallu être petit avant de grandir. Inversement il faut avoir été grand pour devenir petit. Dans un autre registre, le mensonge n’existe que parce que la vérité s’y oppose. 

De même, la mort existe uniquement parce qu’il y a la vie. Tous les contraires entretiennent des relations cycliques dans ce que Socrate nomme LE DOUBLE DEVENIR.

La vie —> Mourir —> La mort

La mort —> Naître/Revivre —> La vie

Si le monde n’était pas cyclique, il n’y aurait plus de devenir, il n’y aurait pas d’équilibre. On serait ou bien tous vivants ou bien tous morts. En se basant sur cette hypothèse, l’idée d’un monde régi par un cycle est obligatoire

La mort appelle la vie et vice versa. L’âme est le concept qui doit continuer le cycle et lui permettre de maintenir la relation entre vie et mort. Socrate considère ainsi que les gens qui ont peur que leur âme disparaisse après la mort sont des enfants puisqu’à ses yeux, il n’y a aucune raison de s’en inquiéter. 

Votre corps est donc vivant grâce à l’âme qui précède son existence (on parle souvent de mort cérébrale, preuve que sans l’esprit, on considère l’Homme comme mort)

En conclusion…

La conséquence de ce raisonnement c’est qu’il faut prendre soin de son âme car on ne s’en sépare jamais. Il faut alors viser le Juste, le Beau, la Vérité. Et comme Socrate le rappelle, même si son raisonnement est faux, celui qui est resté droit et mesuré dans sa vie n’a rien à craindre de la mort. Et si tant est qu’il n’y ait rien après la mort, notre brève existence n’en aura été que meilleure. 

Emilien Pigeard



Sources :

Phédon, Platon