Vers un nouveau paradigme économique ? (2/4)

- Vers un monde des idées, d'une économie de l'information et du réseau -


 
Anthony IndrausLigne de crédit : Unsplash

Anthony Indraus

Ligne de crédit : Unsplash


Du caractère exponentiel de la pensée libre et partagée.

 

Les principes de l'économie symbiotique reposent sur les trois sources essentielles que sont l'énergie, la matière et surtout l'information. En effet, la production de tout travail prend sa source dans la relation des ces éléments. Ainsi, la mise en mouvement de la matière ordonnée par l'information permet la création, sans quoi, celle-ci est impossible. C'est là qu'est tout l'enjeu de l'économie symbiotique : sur Terre, la matière est en quantité finie, toutefois, l'information n'est pas soumise aux normes quantitatives, celle-ci se multipliant à travers la diversification du vivant et le développement de l'intelligence collective humaine dans le temps et l'espace. L'Homo sapiens actuel est génétiquement indifférent de l'Homo Sapiens d'il y a des milliers d'années. Toutefois, celui-ci, au cours de l'histoire à su développer de génération en génération sa quantité d'informations. L'avancée technologique sans précédent dont nous avons fait preuve donne la possibilité d'une meilleure gestion de ces informations, disponibles instantanément et en quantité illimitées. La place de l'information dans une économie symbiotique est alors de comprendre et favoriser les synergies à l’œuvre dans l'ensemble du vivant. Selon I.Delannoy : « La montée de l'intelligence et de l'information partagée nous amène à ce que l'on pourrait considérer, par analogie avec les écosystèmes vivants, comme notre phase 3. Où presque toute l'efficience à produire des services vient de la capacité à diffuser et traiter l'information ». Ainsi, l'information tient une, voire la place essentielle dans la possibilité d'un futur. L'information, au contraire de la matière ne se divise pas, mais se multiplie gratuitement, par la mise en commun, générant une croissance exponentielle à chacun de ses partages entre divers acteurs. Rappelons que nous avions introduit notre sujet par les multiples externalités négatives que produisaient notre économie capitaliste extractive. Nous sommes forcés de constater qu'à travers le passage d'une économie symbiotique basée sur la multiplication d'information, les externalités, de négatives deviennent positives, de mortifères deviennent vitales. En effet, le partage de l'information donne lieu à la naissance de bienfaits n'étant pas à l'origine directe de l'action, tout comme l'apiculteur, qui par sa production de miel, offre gratuitement la pollinisation des communs. Le partage de ses informations peut être encouragé. Tout comme les botteghe de la Renaissance en Italie qui virent s'élever Botticelli, Michel Ange ou encore Leonard de Vinci, les makerspaces mutualisent les outils et les moyens de production dans le collectif en vue d'une disposition open source de l'information, des savoirs et savoirs-faire, à la différence que l'ensemble de ce capital intellectuel libre a la possibilité de se propager au bout du monde via Internet. En effet, Internet s'inscrit comme accélérateur inconditionnel de la technologie, qui, fonctionnant en réseau, pourrait nous faire adapter le même système pour nos sociétés et notre économie, tout comme nous l'expose I.Delannoy : « Gérer notre énergie en réseau local et distribué, en valoriser les formes disponibles sur chaque territoire, relocaliser les productions et diffuser l'innovation sont les différentes faces d'une nouvelle ère économique et industrielle possible, basée sur la mutualisation des équipements les plus lourds et gourmands en matière et en surface, et sur la libération de ce qui est léger : l'information, les savoirs, les idées, la créativité. ». Ainsi, si dans notre système économique actuelle nous détériorons les écosystèmes pour favoriser l'économie, l'économie symbiotique fonctionnera en tant qu'elle reproduira l'action des écosystèmes pour fonctionner au mieux.

 

De l'écosystème économique : pour une économie en réseau.

 

Une économie en réseau n'a pas besoin d'être dictée unilatéralement par les grands acteurs économiques décisionnaires traditionnels. En effet, celle-ci peut s'établir à plus ou moins grande échelle via la coopération du peuple et du pouvoir. Les habitants et les autorités locales peuvent s'unir par l'investissement et la création de coopératives. Les principes symbiotiques peuvent s'exercer au-delà de la production et de la consommation par la gouvernance elle-même. La dotation d'une structure juridique socle ouverte aux investissements favorise la création d'initiatives à visée symbiotiques. En effet, en imaginant la création d'une ferme locale, se développeront peut être à proximité une conserverie, une distribution locale pour les professionnels et particuliers, la création de nouveaux emplois, etc. L'économie fonctionne alors sous la forme d'un écosystème liant producteurs, consommateurs et autorités locales autour d'un même projet qui déclenchera, de fait, une circulation des richesses à l'échelle locale et directement réinvestie dans l'économie réelle. Mais pour voir un exemple concret d'écosystème économique, intéressons nous au mouvement des teikei japonais. Ce-dernier prend naissance en 1965 à l'initiative de 29 personnes avant d'atteindre, en 1993, près de 16 millions de membres, soit 1 ménage japonais sur 4. Le principe est le suivant : en contrepartie d'un contrat d'abonnement entre producteur et consommateur permettant à l'agriculteur d'évaluer ses besoins de production, celui-ci s'engage à mettre à disposition de chaque famille un panier hebdomadaire de fruits et légumes. Les liens sont directs, la production locale, les relations sociales favorisées, les prix affranchis des cours mondiaux. Ainsi nous pourrions imaginer le système des teikei en place dans une ville. Il serait en effet possible aux autorités locales de déployer des plans d'investissement favorisés quant à des fermes de quartier s'initiant à la permaculture, que ces dernières soient propriétés d'un agriculteur à temps complet ou bien commun et participatif des résidents souhaitant adhérer à un projet groupé.

 

De l'activité collective source des activités individuelles.

 

Le mouvement des teikei est représentatif des possibilités d'une économie moins dépendante des  flux de marchandises parcourant notre planète de milliers de kilomètres en se tournant vers le local.  Mais pour cela doit émerger une conscience collective forte, capable d'influencer les diverses entités singulières. Ainsi, tournons nous vers l'exemple de Portland aux États-Unis, pays très largement  représentatif d'un capitalisme de masse voyant tout de même émerger de nouvelles dynamiques  «vertes». La plus grande ville de l'Oregon, la plus dense des États-Unis, après s'être investie dans  de nombreuses démarches respectueuses de l'environnement, a su bercer ses habitants dans  l'imaginaire d'une ville-jardin où la gestion de l'eau, du végétal, de la qualité de vie et du  développement économique se répondent mutuellement. L'action des autorités locales a bousculé  l'ensemble des représentations culturelles singulières et collectives qui s'identifient dorénavant avec  fierté à leur dynamique au prestige de marque . Ainsi, l'agriculture n'a de cesse de s'y développer  quand les habitudes alimentaires elles-mêmes évoluent. En effet, la ville de Portland compte le plus  grand nombre de végétariens aux États-Unis. En plus d'entretenir le plus grand nombre de  végétariens des États-Unis, Portland est la ville comportant le plus grand nombre d'espaces verts et  de produits alimentaires locaux. Si depuis 1970 la population a augmenté de 60%, la politique  «verte» de la ville a su paradoxalement réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 19%.  S'émancipant peu à peu des ressources extractives, elle est autonome pour la moitié de sa  consommation énergétique via la production d'énergies renouvelables. De plus, un quart des  habitants se déplacent par les moyens de transport en commun, à vélo ou à pieds, ce qui est un  record pour les États-Unis. Ainsi, de l'action des autorités locales découle toute une conscience  collective permettant à la ville d'accomplir pleinement sa transition en faveur d'une marche  commune avec son environnement. Tous les acteurs entrent en coopération, permettant ainsi une  réforme plus efficace, complète et rapide des équilibres environnementaux, économiques, sociaux et politiques, tout en profitant d'un marketing de marque pour leur ville.


Yoann Stimpfling