Les vendanges : des viticulteurs de plus en plus en difficulté


 
Claudio SchwarzLigne de crédit : Unsplash

Claudio Schwarz

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Nous sommes à ce jour le 25 septembre 2021 et l’épisode des vendanges est maintenant presque terminé. Celui-ci fut rude pour une grande partie des viticulteurs français confrontés à un certain nombre de difficultés. Parmi elles, nous pouvons distinguer deux problèmes majeurs : le problème de « catastrophe naturelle » regroupant les périodes de gel, les sécheresses, les inondations et même les champignons tels que le mildiou, qui déciment de nombreuses parcelles de vignes ; le deuxième problème, lui aussi non négligeable, est un problème lié à la pénurie de main d’œuvre. En effet, de nombreux viticulteurs en France peinent à trouver de la main d’œuvre pour cueillir le raisin et cela pour différentes raisons que nous détaillerons par la suite.

 

Penchons-nous dans un premier temps, sur le soucis de « catastrophe naturelle ». Celui-ci insuffle une véritable terreur très redoutée chez les viticulteurs. Il pourrait être défini comme étant une variable aléatoire, qui ne peut être contrôlée ou encore maîtrisée par un quelconque individu. On perçoit alors, depuis les dernières années, une frustration grandissante des viticulteurs qui ne peuvent que constater de façon passive et impuissante, les intempéries et autres phénomènes naturels détruire une partie de leurs parcelles. La météo est bien-sûr déterminante pour la récolte du raisin, si celle-ci n’est pas clémente mais mauvaise, alors les récoltes elles aussi seront à leur tour mauvaises. Selon les régions, les intempéries, diverses et variées (sécheresses, fortes pluies, gel), peuvent êtres très importantes si bien qu’elles détruisent parfois des parcelles entières. Mais un autre élément « naturel » est également à mentionner dans cette entreprise de destruction des récoltes de raisin : le mildiou.

Ce champignon très nocif pour les vignes, assèche le raisin et décime ainsi les nombreuses grappes de raisins. Il se développe en temps très humide et sa propagation est véritablement favorisée par les pluies d’été. Le mildiou est d’ailleurs l’un des principaux ennemis des vignerons après le phylloxera, apparu il y a maintenant plusieurs décennies.

 

Tous ces éléments ayant participé à la destruction plus ou moins partielle des vignes ont abouti à une « année noire » selon les termes des viticulteurs ; en effet, le ministère de l’agriculture estime que la production devrait chuter de près de 30% cette année par rapport à 2020. En Champagne-Ardenne, le bilan total, en moyenne, est d’environ 5000 kgs/ha. Ce chiffre met en avant une très mauvaise récolte dans la région puisque pour obtenir l’appellation champagne il faut que le viticulteur avoisine les 10 000 kgs/ha. C’est d’ailleurs ce que souligne le président du syndicat général des vignerons, Maxime Toubard, selon France Bleue Grand Est : « c’est une toute petite année […] Il y a eu beaucoup de déceptions dans certains secteurs parce que le mildiou a amputé une quantité importante de raisins. Certains vignerons n'ont pas fait de vendanges. Il y a beaucoup d'endroits aujourd'hui où il n'y a plus rien ».

 

Après le problème de « catastrophe naturelle », s’ensuit un problème cumulatif : le manque de main d’œuvre. Celui-ci se traduit essentiellement par 3 points : la crise sanitaire actuelle, le travail difficile ainsi que le manque de communication. Selon BFM Business, environ 400 000 saisonniers participent chaque année aux vendanges mais ce chiffre est en baisse constante depuis les dernières années, notamment à cause du covid comme l’explique très clairement Adrien Sébille, gérant de ETV Sébille, un prestataire viticole en champagne dans la Marne, selon France Bleu : « Le Covid freine les habituels vendangeurs bulgares ou turcs avec qui nous travaillons. Ils ont peur du virus et ne viennent pas cette saison ». Ainsi l’aide importante étrangère n’est plus aussi présente qu’auparavant. Les vignerons ont également tenté de se tourner vers une main d’œuvre plus jeune mais le début tardif des vendanges, à cause de la météo, n’était pas en adéquation avec la rentrée des étudiants qui a eu lieu au début du mois de septembre 2021. Les viticulteurs se tournent alors vers des personnes plus âgées et plus disponibles mais sans réel succès. Si le recrutement est compliqué depuis les 5 dernières années en particulier, c’est parce que les vendanges requièrent un effort physique important que beaucoup redoutent. Un certain nombre d’individus estiment que le travail dans les vignes n’est pas assez rémunéré par rapport à la difficulté de la tâche à accomplir. En effet, les vendangeurs sont très souvent payés au smic, ne sont pas toujours logés et le déplacement est la plupart du temps à leurs frais, notamment dans les grandes maisons de champagne. D’autres exploitations, plus modestes, tentent de s’arranger et de loger plus facilement les vendangeurs mais parfois le bouche à oreille ne suffit pas toujours.

 

Ainsi de plus en plus, pour pallier cette pénurie de main d’œuvre, les viticulteurs investissent dans du matériel plus performant mais très coûteux, permettant alors de vendanger avec peu ou sans vendangeurs, comme par l’achat des tracteurs « viticoles » qui, par de très fortes vibrations, ramassent directement les grappes de raisins.

 

Néanmoins, je souhaite insister sur le fait que le travail dans les vendanges peut se montrer être une superbe expérience, notamment lorsque nous sommes bien accompagnés et entourés. Vendanger est certes difficile physiquement, mais ce travail peut nous offrir beaucoup en retour : une rémunération honnête, la rencontre de personnes intéressantes et sympathiques, des moments et des discussions inoubliables, une cohésion sans faille, l’apprentissage des méthodes de travail, le dépassement de soi, le goût et la rigueur du travail. C’est en tout cas ce que j’ai reçu il y a quelques jours après avoir travaillé pour le champagne Graingeot, produit à Glannes, petit village dans la Marne, non loin de Vitry le François. Je tiens à remercier très chaleureusement Anne-Sophie Graingeot et Emmanuel Graingeot pour m’avoir permis de vivre cette courte mais très belle aventure.

 

Sacha Nizet