Une langue à part entière, la LSF


 
Ligne de crédit : Unsplash

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Les discours télévisés pendant la crise sanitaire ont permis à une communauté d’avoir plus de visibilités : la communauté sourde. Savez-vous que les personnes que vous voyez signer ont des diplômes ? En effet, « signer » ce n’est pas juste mettre des signes les uns après les autres. Dans l’imaginaire populaire, la surdité est souvent associée à la LSF (Langue des Signes Françaises). Or, le monde sourd est beaucoup plus riche, avec ses particularités et sa culture. Car, il existe une culture sourde avec sa grammaire, sa littérature mais aussi sa communauté.

Mais, avant toute chose, petit détour historique. Communiquer au travers de signes existe depuis l’Antiquité, de nombreux témoignages et d’écrits ont été retrouvés. Par exemple, au Moyen-âge, certains moines avaient l’interdiction de parler et ont développé une communication gestuelle. Mais c’est au 18ème siècle, et notamment avec l’abbé de l’Epée, que la langue des signes commence à être structurée. Pierre Desloges est le premier sourd à écrire un livre pour montrer l’importance d’utiliser la langue des signes. Et l’abbé de l’Epée fonde à Paris la première école pour enfants sourds, ces établissements s’implantent alors un peu partout en Europe. Les sourds apprennent à lire et à écrire, ils ont des cours en langue des signes ou en français signé. Cependant, la communauté sourde connaît une grande répression dès la fin du 19ème siècle. En effet, la République Française interdit les langues minoritaires et le monde médical acclame les bienfaits de l’oralisation. Les enfants sourds ont alors interdiction d’utiliser leurs mains, des générations entières ont été forcées à oraliser. Certains ont connu de la maltraitance à l’école et dans les pensionnats, qui utilisaient diverses méthodes pour les pousser à parler (mains ligotées, bain d’eau froide pour les faire crier…). Heureusement, dans les années 70, un mouvement a été initié, c’est le « réveil sourd ». Cela a permis de mettre fin à l’oppression et à obtenir une meilleure reconnaissance de la langue des signes. En 1991, les jeunes sourds ont désormais le droit de choisir leur langue (LSF ou communication orale). Et c’est seulement en 2005 que la langue des signes est reconnue comme langue à part entière, permettant ainsi des formations universitaires et des métiers autour de la LSF.

Cependant, tous les sourds ne pratiquent pas la LSF, car elle est très complexe. Pour la maîtriser, il faut soit être né dans une famille la pratiquant soit se former à son utilisation. En effet, cette langue a une structure très particulière qui se veut descriptive. Les signes ne suivent pas le schéma « sujet – verbe -complément ». L’utilisation de mimiques, de l’espace et de mouvements du corps sont codés, car ils permettent parfois de faire la différence entre deux signes. Les entendants ont souvent une vision un peu simpliste de la LSF en pensant que ce sont des signes qu’on met les uns à la suite des autres en se calant sur le français. Or, ce dialecte, c’est du français signé et non de la LSF. Et malheureusement, des personnes entendantes sur les réseaux sociaux apprennent du français signé à leurs abonnés en disant que c’est de la LSF. Il faut donc être très vigilants au contenu que vous trouvez. Prenons l’exemple de la chanson de Florent Pagny, « Savoir aimer ». Cette chanson a eu le mérite de mettre en avant la communauté sourde, mais elle a reçu des critiques de cette dernière. En effet, contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas de la LSF qui est signée, mais du français signé. Cela montre les méconnaissances du monde entendant sur la culture sourde. 

Comme dans toute communauté, il existe des variations générationnelles et notamment quant à la place de l’apprentissage de la LSF. Les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à utiliser la langue des signes. Arrivés à leur majorité, certaines décident de refuser de porter des appareils. En effet, les appareils auditifs sont parfois vus comme une entrave et une obligation d’appartenir au monde entendant. Pour certains jeunes, la découverte de la communauté sourde (via les réseaux sociaux, les rencontres entre sourds...) est vécue comme un nouveau départ, un baptême. Cela peut créer des tensions dans certaines familles notamment dans celles où les parents sourds ont connu la période de répression et où on les a forcés à oraliser. Ils veulent que leurs enfants soient « normaux » et qu’ils s’intègrent dans le monde entendant (école, bac, université).

La langue des signes française est donc une langue à part entière mais qui est gestuelle. C’est la langue d’une communauté qu’il faut respecter. Se moquer en singeant revient à dévaloriser toute une culture. Seriez-vous contents de voir des personnes sur les réseaux se moquaient de la langue française ? C’est la même chose pour les personnes sourdes. Pour que nos deux mondes puissent travailler ensemble, c’est à nous de nous adapter à eux, car ils le font déjà beaucoup.

Marine