Un jeu sans échec


 

Michal Vrba

Crédits: Unsplash


En décembre 2020, alors que les étudiantes et les étudiants doivent rester chez eux pour la plupart, un jeu fait quant à lui une sortie fulgurante. Est-ce la conséquence de la sortie d’une série à succès Netflix proposant un cocktail drogue-alcool-jeu de plateau ? Ou tout simplement le fait qu’il y ait plus de temps à tuer en ligne ou seul chez soi ? Quoiqu’il en soit, voici une petite analyse du jeu d’échec.

 

 

1. Un (très) vieux jeu, une symbolique pas si traditionnelle.

 

L’apparition du jeu d’échec est difficile à situer, tant par ses origines chronologiques que par son lieu de création. S’il dériverait du chatrang perse et du chaturanga de l’Inde classique, les règles du jeu toujours en vigueur sont fixées aux alentours du XVème siècle. Et nous sommes en 2020… depuis plus d’un demi-millénaire, le jeu n’a pas bougé d’une case.

Un jeu mondialisé, un jeu qui est aujourd’hui associé à de nombreux films comme Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton ou d’ouvrages comme Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig, mais surtout un jeu de guerre ! Plus précisément, il s’agit d’un jeu de stratégie militaire, où l’objectif est de prendre un maximum d’unités ennemies pour entraver définitivement et mettre à bas le roi.

Et quelle symbolique ! Des noirs contre des blancs, des pions à sacrifier, un roi tout puissant et une reine à son service, prenant tous les risques : que d’observations, qui, sorties de leur contexte, pourraient appuyer un manifeste communiste ou une rhétorique « progressiste ».

Toutefois, la pratique des échecs enseigne que chaque pièce a son importance, chaque élément permet d’obtenir la victoire : des pions nécessaires pour donner une constance à un jeu de plateau, une reine toujours dans les bons coups et des fous capables de renverser le jeu. En ce qui concerne les couleurs des pièces, cette distinction entre des couleurs claires et foncées serait un héritage des différentes terres utilisées pour façonner les premières pièces : tu es poussière, et reviendras à la poussière !

 

 

2. Les échecs : à contre-courant de notre société ?

 

L’un des grands enseignements de la pratique des échecs est une qualité qui semble assez anachronique : la patience. Notre société actuelle n’est en effet pas caractérisée par sa capacité à prendre le temps qu’il faut pour trouver la meilleure solution (sauf peut-être pour les mesures environnementales, pas si urgentes visiblement). Nos transports, nos messageries instantanées ou encore une recherche Wikipédia, tout est fait pour nous permette d’obtenir des résultats rapides.

Pourtant, les échecs n’ont surement jamais été autant d’actualité que dans notre société moderne. Nous avons besoin de trier les pièces de notre vie, d’élaborer nos stratégies de réussite ou encore de faire des choix difficiles et des sacrifices.

Cela est valable à toutes les époques ? Mais toutes les époques étaient-elles confrontées à des catastrophes écologiques imminentes ? Connaissaient-elles une surabondance de l’information ? Nos modes de vies actuels nous poussent à prendre garde à toutes les brèches que nous pouvons laisser dans la défense de notre vie privée comme avec les réseaux sociaux. Notre vie est une vaste partie d’échecs, ou la fatalité du endgame doit nous pousser, novices ou expérimentés, à nous battre jusqu’au bout.

Pierre Jouin