Un art de la guerre, un héritage pour la vie
Enfin un article sérieux de la part du comique du vendredi qui tient lieu d’essayiste du Parrhèsiaste ! Et tressaillez de joie chères lectrices et chers lecteurs, cet article se base sur un ouvrage fondamental du patrimoine culturel mondial. Laissez-nous vous présenter une petite analyse de L’Art de la guerre par Sun Tzu.
Un militaire pour conseiller les puissants…
Comme souvent dans les travaux historiques, il est compliqué de dater avec certitude la vie de cet énigmatique personnage. Toutefois, les travaux de certains de ses contemporains et des analyses plus récentes permettent de positionner la vie de Sun Tzu à cheval sur le sixième siècle et le cinquième siècle avant notre ère. L’Art de la guerre serait donc ainsi l’un des ouvrages de stratégie militaire les plus anciens jamais rédigés.
Et oui, comme de nombreux hommes, Sun Tzu a laissé son empreinte dans l’histoire par le biais d’une activité aussi complexe que courante, la guerre. Il est ainsi connu pour avoir été un brillant général de l’État de Wu au cours d’une des périodes troubles de la Chine connue sous le nom de Chunqiu ou Période des Printemps et des Automnes (bel exemple de traduction littéraire). Il aurait donc servi le roi He Lu et serait le grand architecte de sa victoire contre l’État rival de Chu.
L’Art de la guerre aborde alors de manière humble et hiérarchisée les différentes stratégies et les nécessités permettant la conduite d’une armée afin d’obtenir une victoire rapide et surtout peu coûteuse en hommes et en matériels. L’ouvrage est ainsi divisé en treize articles qui constituent des réflexions courtes, argumentées et illustrées sur la manière de mener des combats, d’organiser une campagne militaire ou encore de déstabiliser son adversaire.
Chaque réflexion est marquée par les expériences militaires de Sun Tzu, allant de la traversée des différents reliefs qui caractérisent la Chine continentale à des épisodes d’entraide inattendue entre des adversaires souffrant de la traversée d’un fleuve. Le suivi des opérations militaires, les négociations avec des alliés ou encore la discipline dans un camp, le stratège parvient à travers des conseils et des observations à nous plonger dans son quotidien et dans celui de ses hommes.
… mais des conseils pour le commun des mortels.
La première impression que donne L’Art de la guerre, c’est celle d’une incroyable simplicité d’accès et de compréhension. Retranscrit en français en une très petite centaine de pages seulement, cet ouvrage est également disponible sous forme d’un livre audio en accès gratuit sur Youtube. Quant à la question de la compréhension, personne ne pourra dire « c’est du chinois ». Certes denses, ces treize articles sont rédigés et traduits de manière à exprimer l’idée même du conseil, c’est-à-dire expliquer et illustrer pour convaincre. Il semble ainsi que Sun Tzu n’avait pas seulement prévu les mouvements de ses ennemis, il s’adaptait il y a plus de deux mille ans à la compréhension du monde entier.
L’héritage de L’Art de la guerre est profond, et cela évidemment sur l’aspect stratégique. Ainsi, il n’est pas rare que des étudiants en école de commerce ou en sciences politiques trouvent dans leurs programmes de lectures pour en tirer des leçons sur la gestion d’une entreprise ou sur la concurrence politique. Cela demande évidemment une adaptation, il n’est certes pas question de mettre le feu aux usines d’une firme rivale pour réduire ces capacités de production, mais ces conseils restent pertinents dans des milieux tout autres que la guerre.
Mais le point final et, je le crois, le plus profond de cette courte analyse, c’est l’idée d’une dimension gestionnaire de ces conseils. D’une part, et ce qui peut paraître évident, c’est le fait qu’il existe bien des moyens autres que la simple confrontation négative pour assurer une victoire. Cet enseignement peut particulièrement s’adresser aux dirigeants politiques et syndicaux qui peuvent alors faire le choix d’une réflexion posée et argumentée lors de négociations sociales. D’autre part, ces articles peuvent illustrer le vieil adage « la fin ne justifie pas les moyens ». Le sacrifice des hommes pour Sun Tzu, tout comme celui des libertés pour l’Union européenne, ne doit pas être négligeable dans l’aboutissement d’un projet fort. Il s’agit ainsi de savoir s’adapter afin que l’établissement de relations commerciales ne soient pas le fruit d’une ignorance de certaines conséquences fâcheuses, comme la participation à l’exploitation d’une minorité religieuse.
Sun Tzu et L’Art de la guerre ont été la source d’inspiration de nombreuses personnalités politiques notamment Mao Zedong. N’est-il pas étonnant qu’une des maximes récurrentes du stratège concernant le bon traitement des populations vaincues et occupées aient été quelque peu, oubliée ?
Pierre Jouin