Téléphone et sommeil - qu’en dit la recherche ?
Le sujet de cet article est tiré d’une réflexion au moment du coucher : dois-je mettre mon téléphone en mode avion ou l’éteindre ? Ou le laisser tel quel ? De ces questions ont découlé une discussion sur la place du téléphone dans la chambre. Certains, à mon instar, préféreront le garder activé au cas où (appel important de ses proches). D’autres préfèrent le mettre en mode avion ou l’éteindre par peur des ondes électromagnétiques. D’autres, encore, se serviront du mode “sommeil” proposé par leur smartphone. Tant de pratiques différentes basées sur ses propres représentations ou ses idées subjectives, menant à la problématique finale : Et alors, qu’en dit la recherche ?
Les ondes électromagnétiques
Les ondes transportent de l’énergie, qui peut être utilisée pour transmettre des données (comme retrouvé dans le domaine des radiocommunications).
💡 Fréquence : nombre d’oscillations du champ électromagnétique en une seconde, calculé en Hertz.
Nos téléphones, les émetteurs de télévision, de radio ou WI-FI, émettent des ondes dont la fréquence se classe entre 1O KhZ à 300 Ghz environ. L’énergie produite étant faible (inférieure à la lumière visible), ces ondes sont considérées comme “non-ionisantes” et n’endommageraient pas l’ADN.
L’arrivée des smartphones a apporté son lot de questionnements et de complots sur leur impact sur la santé humaine. Leur omniprésence inquiète.
Les ondes électromagnétiques et leur impact
L’association Les Robins des toits affirme que les ondes pourraient causer des perturbations sensorielles comme des troubles visuels et auditifs, une modification cardiaque ou encore des nausées.
Cependant, ces manifestations ne sont pas scientifiquement prouvées. L'ANSES ne considère que les effets thermiques, c'est-à-dire le réchauffement des tissus, comme pertinents. En effet, des niveaux élevés d’exposition aux ondes peuvent provoquer un échauffement des tissus biologiques (peau ou tissus internes). C’est pourquoi les autorités de santé veillent à ce que les constructeurs limitent la puissance des smartphones avec une valeur seuil de la DAS. Il s’agit du débit d’absorption spécifique, la quantité de puissance absorbée par le corps. Les smartphones doivent respecter des valeurs limites en fonction des zones du corps fixée à 0,08 W/kg pour le corps entier et 2 W/kg pour la tête ou le tronc. Les niveaux d'émission des téléphones étant bien en dessous des seuils de réchauffement (10 à 20 fois en dessous), l’OMS juge qu’il n’y a pas de risque avéré pour la santé avec des communications mobiles de type 4G, ou Wi-Fi, tant que les réglementations sont respectées.
Il est à noter que des effets biologiques chez l’être humain et l’animal ont été démontrés. Une étude américaine en 2018 a montré qu’une forte exposition aux ondes électromagnétiques 2G et 3G avaient provoqué des tumeurs au cerveau chez des rats mâles. Ses résultats ne sont pas généralisables car la durée d’exposition était supérieure par rapport à celle des utilisateurs.
💡 Niveau de preuve faible : il s’agit en recherche d’une étude qui présente des limites méthodologiques soit par sa population peu élevée ou par la présence de biais. Les résultats sont donc à prendre avec précaution.
Par ailleurs, dans les dernières expertises de l’ANSES (mais avec des niveaux de preuves faibles), certains changements biologiques au niveau du sommeil ou des performances cognitives ont été mis en évidence. Cependant, il s’agissait principalement de changements réversibles dans le fonctionnement interne de l’organisme, comme il est courant de voir lorsqu’on est exposé à différents stimulis.
Attention, cependant, l’absence de manque de preuve ne signifie pas qu’il n’existe pas de risques. En effet, le manque de données ou de recul rend difficile de prouver l’inexistence de conséquences nocives. Pour simplifier, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de preuves que ça n’existe pas. C’est pourquoi les champs électromagnétiques produits par les téléphone portables sont classés dans la catégorie des cancérogènes possibles par l’OMS.
Les situations à risque
Laisser son téléphone en mode veille et ne pas l’éteindre au moment du coucher ne présenterait donc pas plus de danger en termes d’ondes électromagnétiques. En absence d’appel téléphonique ou de transfert de données, l’exposition aux ondes reste relativement faible. Attention, il ne faut pas mettre son appareil directement sous l’oreiller. Le rayonnement des ondes diminuant en fonction de la distance, il est préférable de le déposer plus loin.
💡 EN BREF :
Limiter les communications en déplacement grande vitesse
Utiliser un réseau wi-fi local en déplacement (mais attention aux données personnelles qui seront plus exposées)
Eviter de mettre le téléphone collé à l’oreille et utiliser un kit mains libres
De plus, les situations à risque d’exposition aux ondes sont celles où le signal est plus faible ou lorsque l’individu est en déplacement grande vitesse (voiture ou train). Le téléphone basculera d’une antenne à une autre, entraînant une plus grande énergie pour se connecter à une antenne éloignée et donc une plus grande exposition aux ondes et un risque de réchauffement.
Pas d’impact sur le sommeil, vraiment ?
Au cours de mes recherches sur l’impact des ondes électromagnétiques, j'ai pu lire des articles portant sur la relation entre l'utilisation d'écrans et la qualité du sommeil. Cela m'a éloignée de ma question initiale. Mais, même si les ondes du téléphone ne semblent pas affecter le sommeil, l'utilisation du téléphone avant le coucher peut avoir un impact significatif.
Utilisation du téléphone avant le coucher
Le sommeil est essentiel pour la santé et son dérèglement affecte de nombreux domaines du fonctionnement (cognitif, thymique, émotionnel). La durée de sommeil recommandée n’est pas toujours respectée et particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes (18-24 ans). Pourtant, ces publics sont dans des période de développement neuronal intense nécessitant des performances cognitives optimales.
Une enquête (citée par Nicolle-Mir, 2019) révèle que les adolescents se couchant avec le téléphone allumé dorment moins bien que ceux qui l’éteignent. A l’origine, cela pourrait être dû à des difficultés à trouver le sommeil poussant l’adolescent à prendre son téléphone au lit pour s’aider. De plus, les résultats ont mis en évidence une corrélation entre les réveils liés aux alertes du téléphone et à deux troubles du sommeil : les difficultés d'endormissement et l'agitation. Une autre étude (citée par Duraccio et al., 2021) a remarqué que restreindre l’utilisation du téléphone une heure avant le coucher est lié positivement à une durée de sommeil plus longue, contrairement aux adolescents sans limitation.
💡 Les rythmes du sommeil sont fortement dépendants des cycles lumière/obscurité. L’obscurité augmente la sécrétion de la mélatonine signalant le début du processus d’endormissement du cerveau.
Par ailleurs, un des facteurs contribuant à un comportement de sommeil peu optimal chez des jeunes adultes (18-24 ans) est l’exposition à la lumière à l’heure du coucher. La lumière blanche des smartphones retarde la sécrétion de la mélatonine altérant le cycle du sommeil et donc l’endormissement. C’est pourquoi il est recommandé de ne plus s’exposer aux écrans une heure précédant le coucher.
Zoom sur les fonctions des smartphones filtrant la lumière
Les nouvelles générations de smartphones proposent des fonctionnalités visant à limiter les émissions lumineuses, et selon les constructeurs optimiser le sommeil. Cependant, la littérature est mitigée sur l’efficacité de ces fonctionnalités. Une étude menée sur le mode Night Shift de l’Iphone (Duraccio et al., 2021) n’a pas montré d’effet positif de ce dispositif par rapport à un groupe utilisant son téléphone sans Night Shift. Seul le groupe n’utilisant pas son téléphone avant le coucher a eu des différences significatives au niveau du sommeil. Les auteurs suggèrent qu’en plus de la lumière blanche, l’excitation psychologique des réseaux sociaux serait également un facteur dans les problèmes du sommeil.
Que retenir au final ?
Après toutes ces recherches, il est temps de conciser les résultats et de répondre à la problématique de départ. J’espère ainsi apporter des éléments concrets qui vous permettront d’en discuter autour de vous.
Au niveau des ondes électromagnétiques des téléphones, les données actuelles ne montrent pas de risques majeurs. Eteindre ou ne pas éteindre son téléphone pendant la nuit revient au même résultat s’il n’y a pas de transfert de données. Il faut cependant veiller à mettre une bonne distance entre le téléphone et vous pour éviter une durée d’exposition trop longue ou un risque thermique.
Au niveau de la lumière blanche, il faut limiter le recours aux écrans au moins 1 heure avant le coucher. Le tenir éloigné ou le mettre hors-ligne permettrait d’éviter toute tentation et d’être dérangé par des notifications.
Il est cependant difficile de changer les habitudes d’endormissement et d’autant plus à l’âge adulte. Sensibiliser les adolescents sur leurs habitudes d’endormissement et les accompagner est essentiel. De la qualité du sommeil dépend le développement cognitif mais aussi le repos physique - émotionnel.
Marine JOUIN
Bibliographie
Nicolle-Mir, L. (2019). Temps passé devant un écran, portable allumé la nuit : impacts sur la qualité du sommeil et l’état de forme des adolescents. Environnement, Risques & Santé, 18, 309-310.
K.M. Duraccio, K.K. Zaugg, R.C. Blackburn, C.D. Jensen, Does iPhone night shift mitigate negative effects of smartphone use on sleep outcomes in emerging adults? Sleep Health, 7 (4) (2021), pp. 478-484, 10.1016/j.sleh.2021.03.005
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