Séparatisme: le rire comme solution


 
Titre : James Meredith laughing in carLigne de crédit: Restricted gift of Artworkers Retirement Society

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Qui n’a jamais entendu parler du fameux « Castigat ridendo mores » (corriger les moeurs par le rire) que ce soit au collège ou au lycée? Souvent employé pour parler des comédies, cette phrase révèle un aspect primordial du rire : il est punitif. 

Rire c’est la plupart du temps se moquer; d’une posture, d’un comportement, d’une pratique, … Le rire agit donc comme un frein envers les comportements jugés déviants. Le rire est social dans la mesure où il exerce une pression sur les individus qui pourraient s’éloigner de la “normalité”. 

À ce sujet, Bergson, prix Nobel français de littérature, écrit ceci : 

« Le rire a justement pour fonction de réprimer les tendances séparatistes. Son rôle est de corriger la raideur en souplesse, de réadapter chacun à tous, enfin d’arrondir les angles. »

« Réadapter chacun à tous », voilà surement la meilleure formule qui retranscrit l’objectif du rire. C’est ce qui en fait un véritable gardien de la paix social. Chaque individu en société est naturellement et involontairement porteur de cet outil qu’est le rire. 

Le meilleur exemple qui tend à démontrer cette utilité du rire, c’est de se tourner vers les comédies de Molière. La façon dont il ridiculise les médecins dans nombre de ses pièces explicite complètement le propos de Bergson. Ils apparaissent comme une secte proche du charlatanisme. Ils croient en leurs propres dogmes sous l’égide du serment d’Hippocrate en utilisant leurs « remèdes » comme des automatismes sans prendre en compte la particularité du patient. Ainsi ils deviennent nocifs pour la société en tant que telle. Ils engendrent le séparatisme dans une moindre mesure puisqu’ils se dissocient de la société en partageant entre eux un système de pratique et de réflexion qui leur est propre. 

C’est là que le rire montre toute son utilité pratique. En effet, en les tournant en dérision, Molière jette l’opprobre sur eux, les moque en affligeant leur profession de honte. Ce faisant, la société rie d’eux et prouve ainsi que le comportement des médecins devrait changer sous peine d’être toujours pointé du doigt et jugé ridicule. 

Le rire est donc avant tout un blâme que la société appose sur toute personne ou groupe de personnes qui se distingue. Sa mission est toujours la même :

« Obtenir la plus grande sociabilité possible des caractères »

Molière est à nouveau la meilleure source d’exemple. Il suffit de se pencher sur les titres de ses pièces : L’Avare, L’Étourdi ou encore plus explicite le Misanthrope. Il est question de rire de celui qui par son défaut, s’isole, s’ostracise, se place plus ou moins à l’écart de la société. La moquerie vient freiner ce processus d’éloignement en dirigeant la pression sociale sur l’individu visé. 

Rire c’est donc un moyen pacifique, bien qu’un peu insultant, de maintenir une cohésion dans la société sans qu’il n’y ait de violence physique pour corriger la conduite d’un individu. 

Pour conclure cet article sur le séparatisme et le rire, je vous laisse sur ces mots de Bergson :

« Il faut que chacun des membres (d’une société) reste attentif à ce qui l’environne, se modèle sur l’entourage, évite enfin de s’enfermer dans son caractère ainsi que dans une tour d’ivoire. Et c’est pourquoi la société fait planner sur chacun, sinon la menace d’une correction, du moins la perspective d’une humiliation qui, pour être légère, n’en est pas moins redoutable. Telle doit être la fonction du rire. Toujours un peu humiliant pour celui qui en est l’objet, le rire est véritablement une espèce de brimade sociale. »

Emilien Pigeard

 


Bibliographie :

Le Rire, Bergson


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