Qui est l’auteur ?


Crédit image: Oscar Chevillard


     « Le nouveau Houellebecq ». Dans la presse, les médias, ou encore dans les conversations du quotidien, telle était la formule consacrée à Anéantir, le dernier roman de Michel Houellebecq. Dès lors, le lecteur ne va pas lire un roman particulier, Anéantir, mais « le nouveau Houellebecq », ne sachant pas encore empiriquement si le livre est bon ou non. Qu’importe, tant qu’il est signé du sceau de l’auteur. Auteur vedette ou plutôt, auteur public. Car sa production littéraire n’importe finalement que peu à notre contemporanéité, l’auteur vagabondant entre éloges et diffamations sous l’égide du statut de l’auteur avant même d’être considéré en tant qu’écrivain. En témoignent ceux qui déblatèrent à son insu, sans jamais l’avoir lu, et les autres aux connaissances quasiment égales, survolant ses écrits sans avoir saisi sa qualité littéraire, mais y reconnaissant « un grand auteur ». Et pour cause, l’auteur est devenu une marque, marquant la littérature et son industrie autant que la société. Invité des plateaux de télévision, de la presse et des débats politiques, l’auteur ne répond plus de son œuvre, et son œuvre ne répond plus de lui, car auteur en société, il a perdu son identité première. Or, si l’auteur jouit d’une place de choix – bien que particulière – au sein de notre société, il n’en demeure pas moins que son statut a profondément varié, tout particulièrement lors des deux derniers siècles, au rythme des différentes théories de la critique littéraire à son égard. Si la critique littéraire était au dix-neuvième siècle profondément marquée par le « beuvisme» prônant la nécessité des connaissances biographiques de l’écrivain pour comprendre son œuvre, la Nouvelle critique - dont nous ferons de Barthes le porte-parole – vient opérer un véritable changement de paradigme du statut de l’auteur allant jusqu’à l’annonce de sa mort. Pour autant, le bouleversement opéré par la Nouvelle critique n’a pas été sans bénéficier d’une aide conséquente de la part d’une discipline encore relativement jeune, la psychanalyse. En effet, celle qui fut considérée par son père comme la troisième blessure narcissique infligée à l’homme s’est emparée du champ de l’inconscient, trouvant dès lors une nouvelle dimension d’analyse de l’homme et de sa production, notamment littéraire. Le « moi » n’étant « plus maître dans sa propre maison », l’auteur perçu par la société n’est pas forcément l’auteur de son œuvre, celle-ci pouvant résulter de son inconscient et reléguant par conséquent l’auteur au statut du patient névrotique dépassé par l’inconscient créateur.

*

     Si la figure de l’auteur semble, dans le cadre de notre contemporanéité, aller de soi, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’est pas historiquement consubstantielle à la littérature. En effet, la définition d’un statut dit « traditionnel » de l’auteur semble quelque peu complexe, celui-ci s’étant construit et déconstruit au fil de l’histoire littéraire. Cela étant, si la notion d’auteur a une dimension historique, celle-ci recèle également une dimension théorique propre à la critique littéraire ayant structuré la notion d’auteur. Le statut dit « traditionnel » de l’auteur a varié en fonction des approches de la critique littéraire qui se sont succédé. Pour preuve, si Platon semble à première vue dans l’Ion valoriser la notion d’auteur à travers la thématique du poète inspiré dans une direction particulière par son dieu, la notion d’auteur ne va toutefois pas encore de soi. Or, afin de porter une réflexion sur la déstabilisation provoquée par l’interprétation psychanalytique des œuvres littéraires, il semble tout d’abord nécessaire de définir ce statut dit « traditionnel » afin d’envisager l’influence de la psychanalyse dans un contexte précis permettant de saisir au mieux la place dont celle-ci a pu jouir. C’est pourquoi une première partie de cet article se consacrera à l’évolution de la critique littéraire, partant de la critique dite « traditionnelle » de l’histoire littéraire jusqu’à la Nouvelle critique niant l’auteur, cette dernière étant d’autant plus encouragée par la psychanalyse.
Dès lors, le statut dit « traditionnel » de l’auteur semble originellement se dessiner au cours de la seconde moitié du dix-huitième siècle et du dix-neuvième siècle. En effet, le statut de l’auteur semble résulter d’une pluralité de causes permettant peu à peu l’émergence et la reconnaissance de l’auteur. Parmi ces causes, nous pourrions citer l’apparition du droit d’auteur et de la propriété littéraire – notamment avec Voltaire – mais aussi et surtout, depuis 1880, l’analyse des œuvres par le biais de l’histoire littéraire faisant de l’œuvre un moyen d’accéder à son auteur. Ainsi, la grande idée de l’histoire littéraire se porte sur un présumé double-fond des œuvres nécessitant, outre la lecture du texte dans sa singularité, la connaissance du contexte auquel répond cette même œuvre. En effet, à la suite d’une lecture immanente, le critique se doit de recontextualiser les propos afin de déceler le double-sens de l’œuvre. Et pour cause, les critiques héritiers de l’histoire littéraire semblent plaider pour une critique chirurgicale par laquelle l’unité retrouvée d’une œuvre s’accomplirait par une dissection préalable de la vie de l’écrivain. En témoigne la lecture des Provinciales de Pascal semblant quelque peu aride sans la connaissance préalable de la querelle opposant les jésuites aux jansénistes. Ainsi, la documentation historique propose un déplacement de regard transformant le regard porté sur une œuvre et son auteur lorsque ce dernier dévoile quelque chose de son temps, encourageant de fait le critique à s’intéresser à la vie de l’auteur, au contexte littéraire et historique dans lequel il a écrit et aux doctrines qui régissaient la pensée de son temps. C’est inéluctablement en ce sens qu’il conviendra de définir le statut dit « traditionnel » de l’auteur, statut à partir duquel la critique interrogera ses intentions afin de servir l’interprétation de l’œuvre et donnant de fait à l’auteur une responsabilité. En somme l’auteur embrasse son origine étymologique latine, « auctor », signifiant « garant », lui qui créant une œuvre, ajoute au réel. Et si le statut de l’auteur vient embrasser celui du « garant », c’est aussi paradoxalement car le lecteur-critique souhaite déposséder l’auteur des idées que son œuvre recèle – par la connaissance de son monde extérieur et intérieur. En outre, le critique héritier de l’histoire littéraire est à la recherche d’une « vérité » dans la fiction de l’auteur. Et si nous pourrions dénoncer un certain scientisme, il n’en demeure pas moins que la rigueur méthodologique de ces critiques part d’une bonne intention, brossant le portrait de l’auteur afin de définir un portrait de l’œuvre. Si nous affirmions que les œuvres étaient jusqu’alors abordées sous l’égide d’une histoire littéraire cherchant l’accès à l’œuvre par l’auteur, les partisans de la Nouvelle critique opéreront un véritable changement du paradigme de la critique littéraire en affirmant la nécessité de considérer le texte pour lui-même, s’émancipant de fait des ressources biographiques, analyses psychologiques et autres informations liées à la vie de l’auteur. Dès lors, à l’encontre de Sainte- Beuve pour qui l’auteur était un tempérament dissimulant une logique interne dont la connaissance était permise par la connaissance de la vie de l’auteur, arrivèrent les partisans de la Nouvelle critique, apôtres de la déconstruction et de ladite libération du texte. Ainsi, Foucault publie en 1969 « Qu’est-ce qu’un auteur ? » à partir d’une conférence donnée à la Société française de philosophie lorsque deux ans auparavant, Barthes écrivait La mort de l’auteur. En somme, Barthes et Foucault prônent une littérature sans auteur tout en étant docilement suivis par ladite avant-garde littéraire répudiant la tradition en tant que tradition. Ainsi, la place de l’auteur n’est plus questionnée, mais tout simplement supprimée en tant que représentante d’une autorité à bannir. Pour preuve, si Barthes affirmait que « Donner un auteur à un texte, c’est imposer à ce texte un cran d’arrêt », il faut ici lui reconnaître, comme chez l’écrivain, un double-fond. En effet, le Barthes critique littéraire se mêle alors au Barthes révolutionnariste. L’auteur, ce « bourgeois », ne doit plus être reconnu pour son talent ; seul le talent doit être reconnu en tant que tel, comme si le texte s’était écrit tout seul.

**

     Sainte-Beuve a sans doute porté au sommet l’inter-perméabilité de la vie de l’auteur et de son œuvre. Or, c’est bien souvent en arrivant au sommet d’une thèse que surviennent les abus de celle-ci, condamnant de fait cette même thèse à tomber en désuétude et encourageant les théoriciens portés par leurs pulsions révolutionnaristes à renverser radicalement la tendance. En effet, si Sainte-Beuve a servi la critique avec ferveur et dans un objectif de rigueur sincère, il n’en demeure pas moins que celui-ci est sans doute tombé, à force d’amplification, dans une sorte de scientisme biographique de la production littéraire. En témoignent ces quelques mots tirés de « Chateaubriant jugé par un ami intime en 1803 » :

« La littérature, la production littéraire, n’est point pour moi distincte ou du moins séparable du reste de l’homme et de l’organisation ; je puis goûter une œuvre, mais il m’est difficile de la juger indépendamment de l’homme même ; et je dirais volontiers : tel arbre, tel fruit. ».

« Tel arbre, tel fruit ». Sans doute est-ce par ce type d’assertions que Sainte-Beuve est tombé en disgrâce marqué par le sceau d’un dogmatisme asservissant l’esprit créateur à son seul vécu extérieur. C’est également à ce « Tel arbre, tel fruit » que Proust opposera sa théorie que l’on pourrait définir par une autre maxime populaire : « L’habit ne fait pas le moine ». En effet, selon Proust et son Contre Sainte-Beuve :

« un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société et dans nos vices ».

Dès lors, la pensée proustienne n’est pas sans répondre aux craintes qu’exprimait déjà Balzac dans La Peau de chagrin au sujet de la confusion du personnage – fictionnel – et de l’auteur, allant cette fois-ci dans le sens inverse de l’œuvre vers l’auteur :

« Il est [...] bien difficile de persuader au public qu’un auteur peut concevoir le crime sans être criminel !... »

Et si « l’habit ne fait pas le moine », c’est que la création littéraire n’est pas selon Proust l’œuvre du moi social perceptible de tous, mais bien celle d’un moi profond, d’un monde intérieur se créant au détriment du monde extérieur. A la suite des craintes balzaciennes et des oppositions proustiennes, sans doute ne pouvait alors qu’advenir dans l’évolution de la critique littéraire l’interprétation psychanalytique de ses œuvres dont Freud fut l’instigateur, agissant tel un véritable point de bascule dans l’histoire de la critique littéraire. Ainsi, Freud, outre le fait d’avoir été le principal instigateur de la psychanalyse, a également consacré nombre de ses travaux à l’interprétation psychanalytique des œuvres littéraires afin d’explorer la psyché des auteurs d’une part, mais aussi celle de ses personnages, le tout dans une relation de réciprocité permettant à la psychanalyse d’expliquer la littérature et à la littérature d’expliquer la psychanalyse, comme en témoignent ses propos sur Hamlet. Les successeurs de Freud lui reprocheront par ailleurs de s’être bien plus intéressé à l’auteur et ses personnages qu’aux œuvres elles-mêmes. Or, ces reproches sont en quelque sorte anachroniques, car dans l’évolution du statut de l’auteur, Freud n’est pour l’heure que le successeur de Sainte-Beuve employant aux mêmes fins l’approche de l’inconscient lorsque Sainte-Beuve se trouvait sur le plan de la conscience. Cependant, si Freud est – dans le cadre de la critique littéraire – un successeur de Sainte-Beuve celui-ci prépare toutefois un renversement radical que l’on trouve d’ores et déjà chez lui en gestation par la formule désormais célèbre :

« Le Moi n’est pas maître dans sa propre maison ».

Or, si le Moi n’est autre que le statut traditionnel de l’auteur, il se trouve que le statut de l’auteur se trouve renversé. En effet, si l’auteur en tant que Moi n’est pas le seul maître de sa psyché, alors ce dernier peut, en vertu de la théorie freudienne produire inconsciemment. Cela étant, si nous avons précédemment défini Freud comme un continuateur – toute proportion gardée – de Sainte-Beuve, celui-ci en est tout autant ou plus encore un détracteur. Ainsi, l’interprétation psychanalytique de l’auteur se paie nécessairement d’une dévaluation en ce sens que, changeant de paradigme, l’auteur n’est précisément plus – selon le sens étymologique – le « garant » de son œuvre mais l’instrument d’une entité inconsciente issue de son psychisme. Freud avait plaisir à se vanter d’opérer l’une des trois plus grandes blessures narcissiques de l’Homme. A la suite de la révolution copernicienne et de la révolution darwinienne, celui-ci affirmait le changement de paradigme radical opéré par la psychanalyse. Si nous restons quelque peu réticents au sujet de cette prédication, nous affirmerons néanmoins que la psychanalyse peut au moins se vanter d’avoir bouleversé le statut de l’auteur et sa représentation.

***

     Si le critique littéraire – ou l’analyste – change radicalement ses outils, il n’en demeure pas moins que de Sainte-Beuve à Barthes en passant par Freud, l’objectif demeure le même : une sorte de quête de la vérité littéraire. Or, ce qui change radicalement de l’un à l’autre, outre les outils employés – qu’il s’agisse de ressources historiques ou de la psychanalyse – est l’objet d’étude et sa dimension. Dès lors, si Sainte-Beuve analysait l’auteur dans le monde réel – et en quelque sorte, conscient – Freud instaure une recherche de l’auteur et de l’œuvre littéraire en général dans l’inconscient. La méthode employée par Freud est par ailleurs à bien des égards représentative de cette relégation du statut de l’auteur passant du monde réel et physique à celui du rêve dissimulant son contenu manifeste derrière un contenu latent, ou comme l’affirmait Proust, « un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes ». Dès lors, à l’écrivain pleinement ancré dans le réel, ce génie terrestre, Freud substitue le rêveur fantasmatique, soumettant son processus de création au rêve diurne, à un état de rêverie lui permettant s’assouvir, ou plus précisément de sublimer ses fantasmes par l’écriture. L’auteur, celui qui jusqu’alors donnait à voir le monde, n’est déjà plus que ce patient sous l’emprise de :

« Sa Majesté le Moi, héros de tous les rêves diurnes » (« La création littéraire et la fantaisie », L’Inquiétante Etrangeté et autres essais).

Néanmoins, l’évolution du statut de l’auteur sous le règne de la psychanalyse freudienne n’est pas encore arrivée à son paroxysme, car Freud, s’il s’intéresse à l’inconscient, reste néanmoins attaché à la figure de l’auteur et de ses personnages. C’est par ailleurs ce que lui reprocheront ses disciples et successeurs qui, peu à peu, s’émanciperont de la figure de l’auteur. Ainsi, Charles Mauron fera un premier pas dans cette direction par l’intermédiaire de sa « méthode expérimentale » en assimilant le processus de création littéraire à un rêve diurne laissant s’épanouir les désirs s’exprimant par l’intermédiaire de métaphores dévoilant une réalité intérieure latente. Autrement dit, Charles Mauron cherche à dévoiler un « mythe personnel propre à chaque écrivain et objectivement définissable » par l’analyse d’un « réseau des métaphores obsédantes» au sein d’une œuvre (Des métaphores obsédantes au mythe personnel. Introduction à la psychocritique). Dès lors, Mauron s’emploie à l’étude de « l’expression de l’inconscient, et elle seule » dans le but de déterminer « l’image d’une structure inconsciente, de son dynamisme et de son évolution » dont la biographie de l’écrivain n’intervient que « secondairement et à titre de contrôle ». Cela étant, si la biographie de l’écrivain sert au contrôle de son analyse, Mauron affirme clairement déjà la volonté d’écarter l’auteur conscient – bien qu’il analyse tout de même l’auteur – ancré dans le monde physique de ses analyses afin d’y substituer la primauté de l’inconscient. Mais à la suite de Mauron interviendront deux auteurs offrant une clef de choix aux partisans de la Nouvelle critique, Jacques Lacan et Jean Bellemin-Noël. Ainsi, Jacques Lacan, affirmant que « l’inconscient est structuré comme un langage », s’attaquera à la structure même du texte au détriment de la psyché de l’auteur. Néanmoins, ses disciples ont démontré que celui-ci s’intéressait moins à la critique littéraire en tant que telle qu’à l’usage de la littérature afin de servir la psychanalyse. Jean Bellemin-Noël, quant à lui, cherchera à tout prix à s’écarter du « beuvisme » et de la psychobiographie en ne s’intéressant plus à l’inconscient de l’auteur, mais à l’inconscient du texte lui-même. Dès lors, le texte est selon Bellemin-Noël une « force engagée dans l’œuvre d’écriture », celui-ci comportant un « effet de désir » placé sous l’égide de l’inconscient. Or, l’utilisation faite par Bellemin-Noël de l’inconscient n’est aucunement tournée vers celui de l’auteur, mais bien vers le texte lui-même, ou encore son lecteur. Bellemin-Noël affirme alors que le caractère séducteur de la littérature réside dans un « jeu des je » par lequel le lecteur, faisant plus que s’approprier le seul « je » de la fiction, le compose et le recompose au sein d’une expérience novatrice. Ainsi, Bellemin-Noël ne psychanalyse pas l’auteur mais son texte en s’employant à une psychocritique structurale partant selon ses propres mots d’une « incuriosité : à l’égard des auteurs » (Vers l’inconscient du texte), se refusant à psychanalyser l’auteur et portant son analyse sur le texte en lui-même. Ainsi, Bellemin-Noël souhaite se soustraire totalement de l’auteur, dévaluant de fait le statut lui étant associé traditionnellement. Dès lors, Bellemin-Noël semble ainsi servir la Nouvelle critique de Barthes. En effet, si Barthes affirmait d’ores et déjà dans son article La Mort de l’auteur que « l’auteur est mort » et que « la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur », la psychanalyse s’est destinée à opérer une rupture fatale de la littérature avec l’auteur, ou du moins a tenté de s’en émanciper théoriquement, en dissociant l’auteur de son œuvre, le dépossédant de sa création au profit de l’inconscient.

     Ainsi, la psychanalyse et l’interprétation psychanalytique des œuvres littéraires s’insèrent dans un long processus de changement de paradigme du statut de l’auteur. En effet, si la psychanalyse a fréquemment utilisé la littérature afin de servir ses thèses dans une sorte de pulsion psychanalytique en recherche de patients intéressants – à l’exemple de Freud ou Lacan – il n’en demeure pas moins que celle-ci s’est peu à peu frayée une place au sein de la critique littéraire elle-même. Cela étant, l’interprétation psychanalytique des œuvres littéraires a trouvé de solides alliés chez les partisans de la Nouvelle critique dans une relation d’avantages réciproques. En effet, si la psychanalyse permet aux adeptes de la Nouvelle critique de libérer le texte de son auteur en congédiant ce dernier à la place de simple outil du texte, la Nouvelle critique quant à elle, permet à la psychanalyse de déployer son arsenal psychanalytique dans le lieu de la fiction afin de s’enquérir desdits patients névrotiques. En somme, le problème relatif au statut de l’auteur va bien au-delà de la seule dimension littéraire et se trouve plus précisément dans les ambitions radicales, totalisantes et totalitaires de bons nombres de théoriciens fanatiques de ce que nous pourrions vulgairement nommer la « théorie théoricienne ». En effet, le théoricien en recherche de nouveauté semble succomber au péché totalitaire visant à englober tout élément dans une seule et même théorie, tout en répudiant les précédentes théories, au risque de briser l’apport concret dont aurait pu bénéficier une discipline, dans notre cas, la critique littéraire. Dès lors, il ne s’agit aucunement de délégitimer la psychanalyse – auquel cas, nous serions amenés à faire de même avec le « beuvisme » – mais bien d’affirmer la nécessité d’une rigueur méthodologique de la critique ne devant aucunement succomber à l’ambition d’une unique théorie dogmatique et totalisante, mais au contraire, peser prudemment les apports des différents angles d’approches théoriques dont pourrait bénéficier chaque discipline.

Yoann STIMPFLING