Petite histoire de la poudre
C’est à ce moment précis que les lecteurs du Parrhèsiaste perdent foi dans les valeurs morales de notre équipe. Toutefois, même si le terme de « poudre » renvoie non pas à la poudre noire explosive mais à un psychotrope mondialement connu non moins explosif, il s’agit ici d’en dresser un bref historique. Voici donc un diptyque de moments historiques autour de la cocaïne.
Quand la poudre et l’herbe ne faisaient qu’un
Les cultures des civilisations d’Amérique latine sont encore assez méconnues dans leur complexité et constituent bien souvent la source de fantasmes et de mythes. Toutefois, s’il y a bien un élément qui s’est mondialisé alors même qu’il s’agit d’un élément culturel fondamental, c’est la feuille de coca.
Les premières traces de la culture et de l’usage de cette plante remontent au troisième millénaire avant notre ère. Traditionnellement, la coca est cultivée entre 300 et 1500 mètres d’altitude sur les plateaux andains. Ces feuilles possèdent de nombreuses vertus curatives et sont particulièrement riches en calcium, des qualités qui sont alors rapidement assimilées à une bienfaisance divine.
La feuille de coca est donc considérée dans les civilisations précolombiennes comme un moyen essentiel d’assurer une forme de connexion entre les hommes et les divinités. La Mama Coca devient alors la fille de la terre nourricière, la divinité Pachamama. L’étude des cérémonies religieuses des Incas montre que la feuille de coca est également un puissant stimulant, utilisé pour entrer en transe (et en communication avec les dieux).
Les premiers aspects psychotropes de la coca sont donc plus ou moins visibles, même si sa consommation actuelle et journalière par des millions d’habitants des Andes ne fait pas de l’Amérique du Sud un continent de junkies…
Plata o plomo
Comment parler de la cocaïne sous sa forme poudreuse sans évoquer l’histoire des narcotrafiquants colombiens ? À travers la série Narcos ou le film Escobar, il semble qu’il y ait un regain d’intérêt pour la vie rocambolesque des barons de la drogue, notamment celle du célèbre Pablo Emilio Escobar Gaviria. Il est question ici d’évoquer la cocaïne et son trafic à travers l’histoire du cartel de Medellin.
Les activités du cartel et de ses « pères fondateurs » s’étendent sur une décennie entre les années 1970 et 1980. L’idée ici n’est pas de réduire la cocaïne à un simple business rentable et ingénieux, mais plutôt de questionner son intégration dans une relation malsaine entre la Colombie et les États-Unis.
En effet, la lutte contre la cocaïne est devenue une priorité pour l’administration américaine et pour la Drug Enforcement Administration dans un souci de lutter contre les sources du financement des guérillas communistes. Après le rouge, il s’agit de chasser la poudre blanche composée d’un alcaloïde tropanique issu de la feuille de coca.
Toutefois, outre cette glorieuse mission, l’alliance avec le cartel de Cali ou avec les groupes paramilitaires d’extrême-droite, ainsi que la consommation grandissante de la cocaïne notamment dans les grandes villes de la Côte Est questionne sur cette croisade. Le cartel de Medellin a certes construit son empire sur la violence, la subversion et le terrorisme, mais les méthodes américaines diffèrent peu, en particulier en ce contexte de Guerre froide.
Finalement, la cocaïne interroge à la fois sur la transformation d’un héritage culturel ancestral quelque peu bouleversé, mais également sur l’ensemble des valeurs morales qui « guident » sa lutte. Les effets et l’ampleur du trafic de cocaïne, ainsi que le nombre de morts qu’il cause doivent nous questionner sur l’ensemble de la « chaîne du production » et sur la responsabilité des consommateurs.
Avant de consommer, pourquoi pas y penser ?
Pierre Jouin