L’ascension du parti communiste chinois (de 1921 à 1949)


 

Claudio Schwarz

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Le parti communiste chinois de 1921 à 1949, s’impose progressivement et va devenir le parti majeur de la Chine à la fin de cette période au détriment du parti anciennement dominant : le KMT (Kuomintang).

Le PCC est le parti dirigeant la République populaire de Chine depuis 1949. Exception faite des 8 partis minoritaires et sans pouvoirs, il est le parti unique de la République populaire de Chine (RPC). Énorme structure sociale, il dirige la politique de la Chine populaire à tous les niveaux depuis son accession au pouvoir en 1949.

Ce parti politique représente un groupe de personne, réunie en association, autour d'idées politiques communes axées sur le communisme. Celui-ci, issu du latin communis – commun, universel, peut-être défini comme étant un ensemble de doctrines politiques, issues du socialisme et, pour la plupart, du marxisme, s'opposant au capitalisme et visant à l'instauration d'une société sans classes sociales.

En 1921, le Parti communiste chinois (PCC) est fondé à Shanghai par une poignée de militants. Parmi les treize délégués de ce premier congrès figurait Mao Zedong, personnage incontournable de l’histoire du PCC. 28 ans plus tard, le Parti communiste chinois devient la courroie de transmission du pouvoir central après la proclamation à Pékin de la République populaire de Chine (RPC), le 1er octobre 1949. Le PCC quadrille alors le pays en étouffant toutes les oppositions extérieures.

La question qui se pose est la suivante : En quoi le PCC, créé presque à partir de rien, devient-il progressivement et relativement rapidement le parti majeur et incontournable de la Chine ?

 

1- Le parti communiste chinois connait des débuts compliqués dès sa création (1921-1927)

1- Le PCC nait difficilement

Le premier congrès eut lieu dans le plus grand secret, le 23 juillet 1921 au sein de la concession française de Shanghai dans une maison de briques grises de l'actuel Xintiandi appartenant à Li Hanjun, un sympathisant de la première heure. Cette bâtisse accueillit treize délégués venus de six provinces et municipalités, représentants un effectif total de 57 adhérents pour l'ensemble de la Chine.

Les deux plus importants personnages de ce congrès sont Chen Duxiu et Li Dazhao. Mao Zedong, quant à lui fait partie des 13 membres fondateurs, en tant que chef de la province du Hunan, mais n’a pris aucune part active aux débats, face aux autres participants impliqués depuis plus longtemps que lui dans la cause révolutionnaire.

La police française étant sur le point d’intervenir, la réunion dû être interrompue en catastrophe. Le Congrès acheva ses travaux peu après à bord d'un bateau naviguant sur le lac Nan en plein centre de la ville de Jiaxing, dans la province du Zhejiang, entre Shanghai et Hangzhou. Le 1er bureau central du Parti qui s'y tient le 31 juillet 1921, désigna Chen Duxiu comme secrétaire général et Zhang Guotao comme directeur de l'Organisation d’après les historiens Jean Chesnaux et jacques Gernet dans Chine-histoire jusqu’en 1949 .

Pendant ses premières années d'existence, le PCC est soutenu par l'Internationale communiste (Komintern) ainsi que par le Kuomintang (KMT) de Sun Yat-sen.

 

2- Le PCC tente de développer ses idées marxistes et léninistes

Li Dazhao et Chen Duxiu, se sont ralliés au marxisme en 1919-1920, se séparant nettement de l'aile droite du 4-Mai ; celle-ci, étant alors représentée par Hu Shi. Les cercles d'études du socialisme, apparus spontanément dans les grandes villes universitaires après le 4-Mai, se transforment en 1920 en cellules communistes. Il s'agit d'une évolution idéologique interne, appuyée par l'intervention du Komintern en Chine. En 1920, Voitinski (bolchévique, membre du Komintern), envoyé de Moscou, prend contact avec les groupes d'intellectuels de gauche ; quand les délégués de ceux-ci fondent en juillet 1921 le Parti communiste chinois. On perçoit alors que ces derniers sont déjà en relations régulières avec le mouvement communiste international.

Li Ta-chao, premier défenseur du marxisme à Peita, pensait que la révolution devait se faire dans la classe paysanne. Il devient avec Ch'en Duxiu, l'un des précurseurs du mouvement communiste chinois. Le PCC avait donc pour rôle de permettre à l'homme du peuple de participer à la politique : il compte environ 20 000 membres en 1925 selon l’historien John King Fairbank dans La grande révolution chinoise 1800-1989.

De nombreux étudiants vinrent grossir les rangs du PCC après les incidents du 30 mai et du 23 juin 1925 (fusillades lors de manifestations). Wang Jingwei (proche de Sun-Yat-Sen) dirigeait alors l'aile gauche du KMT et assurait la coopération du PCC à l'intérieur du parti.

En appliquant la doctrine du centralisme démocratique, les agents du Komintern aidèrent le PCC à mettre en place une organisation disciplinée pour la lutte des classes. C'est d'ailleurs le Komintern qui organisa le KMT afin de permettre au PCC de pouvoir, par la suite, le dominer. Cela fut un échec, le KMT affaiblit considérablement le PCC en 1927.

 

3- Le PCC voit en ses ambitions un échec conséquent

En l'espace d'une génération, le KMT était devenu un problème et non une solution car la tension monta progressivement avec les étudiants patriotes et les forces gouvernementales des seigneurs de la guerre.

Dans les années 1920 : on perçoit une lutte constante entre le KMT et le PCC (faisant pourtant parti du KMT), le KMT devait unifier la Chine mais rencontrant quelques difficultés, il est aidé financièrement par la Russie, qui leur fourni également des armes. Sun Yat-sen n'avait plus qu'à obtenir le soutien du peuple pour réussir mais celui-ci meurt en 1925. En 1926, l'anti-impérialisme balaya le pays en 1925-1926 : la Révolution était dans l'air.

Entre 1927 et 1949, la politique chinoise allait etre dirigée par Chiang Kai-shek (successeur de Sun Yat-sen), sa force résidait dans ses atouts politiques et militaires. Il avait noué de nombreuses relations comme avec la société secrète de la Bande verte (Ch'ing-pang) qui lui serait également utile pour sa carrière.

Chiang était parfaitement conscient de l'infiltration du PCC et va alors évincer certains de leurs dirigeants. Il va conduire son armée au Nord et va triompher de 34 seigneurs de la guerre en Chine du Sud. Il cessa d'etre révolutionnaire le 12 avril 1927, et se retourne contre son ancien allié (PCC), en détruisant le mouvement ouvrier du PCC grâce à des gangs de la pègre de Shangaï qui a fait des milliers de victimes.

Le PCC apprit durement que sa seule chance d'arriver à s'emparer du pouvoir était de s'assurer d'abord une base territoriale avec hommes et nourriture en quantité suffisante pour pouvoir soutenir un effort militaire.

 

 

2- Le parti communiste chinois exerce par la suite une tentative d’accession au pouvoir (1927-1937)

1- Le PCC se détache du KMT pour se lancer dans sa quête de pouvoir

Le KMT après 1931, s'est retrouvé accablé par les problèmes de l'ancien ordre établi alors que le PCC dû, pour survivre, créer un ordre nouveau.

En 1932 : Chiang affirme que : "La Révolution chinoise à échouée" à cause de la corruption à l'intérieur du parti et les nombreux infiltrés ne se battant que pour le pouvoir. Le KMT est devenu une véritable terreur blanche (exécution, emprisonnement des individus en désaccord) et se coupa de toute tentative révolutionnaire.

Déçu de son parti, Chiang entreprit de créer un parti fasciste connu sous le nom de Chemises bleues et laissa le KMT sous la direction des frères Ch'en Kuo-fu et Ch'en Li-fu. Tandis que le gouvernement nationaliste se battait dans les années 1930 pour édifier sa puissance militaire, le PCC se battait pour survivre dans les villages en créant des zones de base en Chine.

Après 1927, quand on chassa Ch’en Tu-hsiu qui avait présidé à la quasi-destruction du PCC, le Komintern soutient le PCC via l’envoi de jeunes hommes. Ils ne sont alors plus qu’environ 20 000 au PCC (60 000 au début de 1927). En 1931, 28 bolcheviques prennent la tête du PCC et ont un objectif bien différent : créer des provinces indépendantes mais le KMT contrecarrait tous leurs plans ; et c’est Mao Zedong qui devient la figure emblématique du PCC comme le souligne l’historien Jacques Guillermaz dans Histoire du parti communiste chinois.

Mao, enfant prodige et meneur né, s’intéresse aux masses paysannes, à l’unification des personnes solidaires pour pouvoir vaincre avec elles (modèle utilisé par son prédécesseur : P’eng P’ai, il fonde en 1924 l’institut national du mouvement des masses paysannes). Il commence alors par dénoncer leurs conditions.

Comme le PCC n’avait pas de forces armées, son mouvement paysan fut rapidement détruit après la rupture PCC-KMT en 1927. Mao comprit qu’il avait besoin d’une armée pour vaincre les impérialistes. En 1931, il devient président de la République soviétique du Kiangsi qu’il a créé et mena de nombreuses guérillas.

 

2- Le PCC dans « La longue marche »

Fin 1934, le PCC contraint de trouver un refuge, partit pour la Longue Marche, qui commença avec 100 000 hommes, et qui se termina un an plus tard alors qu’ils n’étaient plus que 4000. Malgré la longue distance (10 000km en 1 an), les adhérents du PCC en savaient plus long sur leurs ennemis que ces derniers sur eux.

Ils entament une guerre de mouvement (choix de Mao) après l’échec de la guerre de position prônée par Chou En-lai, ex supérieur de Mao et désormais un de ses fervent partisan. Il sera d’ailleurs son premier ministre et son plus proche collaborateur, car Mao dirige alors le PCC (1935). Les vétérans de la Longue Marche allaient former l’aristocratie de la Révolution (incarnation de la République populaire)

L’armée de Mao est aidée par une autre armée rouge, celle de Chang Kuo-t ’ao (supérieure en nombre) à la fin de la Longue Marche : ce qui renforce grandement son pouvoir militaire. En 1936, Chiang Kai-shek est capturé par un général rebelle et admet, avant d’etre relâché, l’organisation d’un front uni.

Dès 1935, le PCC se libère de l’emprise du Komintern, et est soutenu par le peuple. Liu Shao-ch’i est l’un des plus grands organisateurs qui dirigea l’effort communiste dans les villes de la Chine du Nord, il rallie Mao en 1937.

Quand le KMT et le PCC aboutirent finalement à un accord de front uni en avril 1937 contre la menace japonaise, Mao commençait à l’emporter sur les 28 bolcheviques du PCC.

 

3- Le PCC se développe au détriment des nationalistes et prend de l’ampleur

L’invasion de la Chine par le Japon a duré 8 ans, la population était répartie dans trois divisions :

-Japon

-KMT

-PCC (plus petite zone qui a pour capitale Yenan)

Durant cette période la Chine était en grande difficulté ; le régime nationaliste avait recours pour résoudre les problèmes qui se posaient à lui, à des expédients à court terme qui ne lui donnait guère de force pour l’avenir.

L’infiltration de la Chine par le PCC était de plus en plus forte à mesure que la situation se dégradait (les intellectuels rejoignent le mvt). Le KMT s’isole, ce qui entrainera sa chute.

Les relations entre le KMT et les étudiants ainsi que l’élite sont détériorés mais ce n’est rien à côté des relations entre le KMT et les paysans qui sont très mauvaises, même critiques (famine, taxes élevées : rébellions)

 

3- Le parti communiste chinois entre dans la guerre de résistance et dans la guerre civile (1937-1949)

1- Le PCC dans la lutte contre l’invasion japonaise (alliance avec le KMT)

Le PCC et le KMT restent unis durant la guerre contre le Japon malgré leurs différends. Le PCC continue à prendre de l’ampleur entre 1937 et 1945 :

-40 000 membres en 1937 / 1 200 000 en 1945

-92 000 soldats en 1937 / 910 000 en 1945

Le PCC est mythifié et est très bien vu par la population en particulier par les masses paysannes qui vont lui fournir un appui colossal. Le peuple pouvait construire un avenir meilleur, si les efforts de tous s’organisaient dans une nouvelle unité : le PCC. Le parti comprend le peuple et apporte la démocratie.

Durant l’invasion japonaise, les japonais étaient bien organisés (en réseaux : voies ferrées…) mais le PCC exerça une grande attaque menée par P’eng Te-huai : l’Offensive des Cent Régiments. La victoire du PCC était imminente malgré les dures répressions des japonais.

Après avoir repousser les japonais, les nationalistes prirent en embuscade les soldats communistes, engendrant de lourdes pertes du côté du PCC. On appelle cet évènement « l’incident de la Quatrième armée ». Mao va s’affirmer dans les années 1940, en sinisant le marxisme léninisme (Pensées-Maotsetung) et va prendre de l’ampleur surtout chez les fonctionnaires (en plus des masses paysannes)

En effet, il y avait suffisamment de concordance pour permettre au marxisme d’etre l’outil de la Révolution et pour propager le nouveau système d’analyse de l’histoire mondiale qu’il représentait.

Les lettrés quant à eux se répartissaient en deux groupes, ceux de la fonction publique et ceux de la critique publique (Lu Hsun).

 

2- Le PCC de nouveau en conflit avec le KMT mais parvient à se renforcer au détriment de ce dernier

Juin 1945 : un congrès du parti communiste chinois se tient à Yenan, on y adopte une nouvelle constitution. Les E-U vont aider la Chine Libre à lutter contre les japonais (Pearl Harbor), ils veulent se servir de la Chine comme base pour la lutte contre le Japon. Le programme d’aide tourna au désastre.

Les E-U ne connaissaient pas assez bien le PCC et ses idées, si ils en savaient plus, il est possible qu’ils n’auraient pas apporter leur soutien.

Après la reddition du Japon, en aout 1945, Chiang et Mao se rencontrèrent et collaborèrent dans une assemblée représentative, ils fusionnèrent également leurs armées. Cependant les conflits demeuraient entre PCC et KMT, les E-U (Marshall, anti-communiste) soutenaient le KMT alors que la Russie de Staline soutenait le PCC (jusqu’aux accords de Yalta). Le KMT a aussi collaboré avec les japonais pour repousser les communistes.

Chiang Kai-shek continuait de creuser sa tombe en appliquant à la guerre civile une stratégie dépassée (le pouvoir dans les capitales)

Les deux partis s’étaient servis des négociations pour faire une concession au mouvement de paix, tout en se préparant à une lutte acharnée.

Marshall continuait de soutenir les nationalistes par le biais d’aides financières : 500 millions de dollars et venda du matériel militaire d’une valeur de 900 millions pour seulement 175 millions. Les forces armées du KMT sont 2x supérieure en nombre que celles du PCC (après la paix signée en 1945)

Le KMT reprends les provinces libérées des japonais et aggrave la situation, en réduisant l’activité et en alourdissant les impôts ; de plus les citoyens étaient malmenés ce qui va rendre le KMT impopulaire. On était ici en présence de la pire forme de « capitalisme bureaucratique » pour reprendre les mots de l’historien Fairbank dans La grande révolution chinoise 1800-1989, qui permettait aux fonctionnaires de s’enrichir aux dépens de la population. Le KMT réprime aussi le mouvement pacifiste populaire.

Le PCC quant à lui se renforçait, il était perçu comme le seul et unique sauveur. Du côté de la classe dominante (à cause de la « réforme de la monnaie » en 1948) le KMT n’était que déception, cependant les membres de cette classe ne se tournèrent pas non plus vers le PCC.

La guerre entre nationalistes et communistes continua, le PCC se battait par le biais de guérilla afin de pouvoir étirer les forces du KMT et de les écraser. Lorsque le KMT prit Yenan et la capitale provisoire du PCC : les dirigeants communistes devinrent des fugitifs.

La bataille du Nord Est était dirigée par Lin Piao (coté communiste) et infligea de lourdes pertes aux nationalistes, ces derniers se retrouvaient rapidement dans les villes qu’ils détenaient. Les chinois du Nord Est, répondirent aux mots d’ordre de nationalisme et de révolution sociale en soutenant l’effort de guerre du PCC.

 

3- Le PCC domine complètement le KMT et assoie sa domination

Le KMT réussi à survivre et parvint finalement à se réformer à la suite de la défaite totale qui lui infligée sur le continent (début 1947). Le PCC lança sa contre-attaque au milieu de l’année 1947 et parvint à récupérer de nombreux territoires. De plus, les communistes parvenaient de plus en plus à s’emparer de l’équipement américain des nationalistes et à enrôler dans de nouvelles armées communistes les troupes qui s’étaient rendues.

Chiang Kai-shek conserve sa stratégie et laisse ses troupes dans les villes malgré la menace grandissante. Ses meilleures troupes se rendent avec leur matériel. Le KMT est isolé et démoralisé face à la puissance stratégique et tactique du PCC. En 1949, les forces communistes encerclèrent Pékin, les nationalistes se rendent. Dans la meme année, lors de la bataille décisive de la région de Hai-hai, les nationalistes se retrouvèrent encerclés, au milieu des tranchées creusées par les millions de paysans mobilisés par certains chefs du parti comme Teng Hsiao-p’ing.

Les américains écœurés, continuèrent d’envoyer du matériel mais retirèrent les Marines. Le PCC gagna finalement la guerre en utilisant les armes des japonais vaincus et les armes américaines (donnés aux nationalistes). Mao avait bel et bien conquis la Chine avec le PCC, jusque-là sous-estimé.

Après 1949, Taiwan abritait des dirigeants sino-libérale de la République chinoise qui n’avait pas voulu suivre le PCC, cela compromettait évidemment le bien-fondé de la revendication du PCC. 

Le KMT était en réalité formé de deux équipages, l’un modernisateur et l’autre réactionnaire, qui tiraient malheureusement dans deux directions opposées ce qui laissa le PCC accéder au pouvoir en 1949, lorsque Mao proclame la République populaire de Chine (Chine continentale + Tibet en 1951)

 

 

Le PCC, petit parti à sa naissance, s’impose progressivement malgré de nombreuses difficultés entre 1921 et 1949. Il devient le parti majeur et assoie sa domination en proclamant la République Populaire de Chine en 1949, laissant alors le KMT dans l’échec. Ce parti, basé sur les idées communistes, tente de faire évoluer la Chine et de supprimer les classes sociales ainsi que les nombreuses disparités qui y sont présentes.

 

Sacha Nizet