Paid to kill


 
Auteur : Sebastian PociechaLigne de crédit : Unsplash

Auteur : Sebastian Pociecha

Ligne de crédit : Unsplash


Pour commencer ce petit focus historique sur le mercenariat, il convient de préciser l’approche adoptée dans cet article. Oui, le mercenaire peut également être utilisé pour protéger les intérêts d’un État ou d’un particulier. Oui, la notion de mercenaire est fortement dépendante du contexte temporel et géographique dans lesquels elle est utilisée. Toutefois, le mercenaire est aussi engagé pour mener un combat, pour nuire aux personnes désignées par son employeur, et donc pour tuer.

 

 

Mieux vaut une armée fidèle !

 

L’Italie du Quattrocento, outre des joyeux massacres entre familles et grandes cités et des papes désireux de remplir leurs caisses et leurs lits, c’est un âge d’or pour le mercenariat. Ce n’est pas nouveau, l’Empire romain avait institué l’utilisation de mercenaires pour suppléer des légions débordées aux frontières. Mais la situation politique de la Botte est telle que les complots incessants représentent de multiples possibilités d’embauche qui provoqueraient une attaque chez un agent de Pôle Emploi.

 

Ainsi, c’est des milliers de condottieres qui parcourent le pays pour proposer leurs services tantôt à un duc désireux de faire disparaitre un petit cousin ambitieux, tantôt à un particulier soucieux qu’un malencontreux accident arrive à sa femme adultère. Ces tueurs, forgés par des années militaires ou issus de familles nobles désargentées, constituent des éléments non négligeables dans cette Italie en pleine ébullition. Les princes italiens sont en effet plus désunis que jamais, malgré l’attrait de leurs terres fertiles pour les royaumes de France et d’Espagne, et son incapable de créer de puissantes armées « nationales ».

 

Toutefois, ces mercenaires ne font pas l’unanimité dans les conceptions politiques développées au XVème siècle. C’est le cas du florentin Niccolò Macchiavelli, qui dresse dans Le Prince un portrait des plus désavantageux de ces troupes sans foi ni loi. Il explique ainsi que des troupes uniquement motivées par une prime ou un emploi temporaire ne peuvent permettre d’asseoir durablement le pouvoir d’un dirigeant. Le diplomate des Médicis prend l’exemple de César Borgia, duc de Valentinois et fils du Pape Alexandre VI, et de la façon dont il a su retourner la quasi-totalité des troupes mercenaires des grandes familles de la Romagne contre ces dernières. La volonté divine ou les trésors du Vatican ?

 

 

Dissuasion et protection ?

 

Le mercenariat est aujourd’hui une norme qui appartient au système international et aux relations entre les États et les acteurs privés. Il serait naïf de considérer qu’un monde sans mercenariat peut exister, car il s’agit d’un commerce, d’une activité économique à la fois légale et fortement plébiscitée. Comme l’écrivent Sidos et Bricet des Vallons dans « La France face à ses SMP », « le mercenariat n’est ni bon ni mauvais. C’est l’usage qu’on en fait qui peut éventuellement conduire à un jugement moral, et en aucun cas sa nature. Prétendre l’interdire, c’est comme interdire le soleil en été ou le verglas en hiver : un non-sens. »

 

Outre ce constat froid et tranchant sur l’inéluctabilité des mercenaires, c’est le fait de tuer qui gagne en légitimité. Encore une fois, le but premier du mercenaire n’est pas de tuer : il est là pour dissuader et protéger (un peu comme la bombe atomique…). Mais il n’en reste pas moins que son arme et son entraînement militaire ne lui serviront pas qu’à impressionner les populations auprès desquelles ils agissent. Les armes sont faites pour tuer ou tout du moins pour réduire un adversaire à l’impuissance. On peut considérer qu’il s’agit d’une déshumanisation des femmes et des hommes dont il est question ici : ils ne sont pas qu’un doigt pour appuyer sur la gâchette, mais ils restent ceux qui choisissent de la presser.

 

Le mercenariat peut ainsi se cacher aujourd’hui sous une nécessité de protection et de dissuasion pour la protection des intérêts. Mais c’est véritablement un besoin d’efficacité et de rapidité qui guide l’emploi de ces mercenaires. Bien que contrôlé en partie par les règles internationales, les mercenaires actuels ont peu évolué depuis l’Italie. Véritables électrons libres, ils restent des éléments déterminants des politiques interétatiques en cas de tensions et constituent ainsi de véritables agents de la scène internationale. Plus besoin d’un permis pour tuer James…

Pierre Jouin