ONU : L’illusion d’un universalisme institutionnel ?
Née de la ratification de la Charte des Nations unies par cinquante Etats le 26 juin 1945, l’Organisation des Nations unies a pour objectif de succéder à la Société des Nations afin de palier à ses échecs. Prônant la paix et la sécurité internationale, cette organisation met en avant la protection des droits de l’homme, l’aide humanitaire, le développement durable et la garantie du droit international dans l’objectif d’une action collective de la part des Etats membres. Si l’ONU est composée de six organes principaux, nous porterons plus précisément notre article sur son organe exécutif -le Conseil de sécurité – ayant « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale ».
Rappelons dès lors le fonctionnement du Conseil de sécurité. L’organe exécutif de l’ONU se compose de cinq membres permanents originellement vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale - les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France – et de dix autres membres non permanents élus pour deux ans par l’Assemblée générale dans laquelle chacun des 193 pays membres disposent d’un siège. Ainsi, le Conseil de sécurité de l’ONU émet des positions ou des recommandations prises par l’ensemble des membres comme nous en témoigne la condamnation des tirs de missiles balistiques de la Corée du Nord en 2017, ou encore les sanctions économiques administrées contre l’Iran en 2010 afin d’interdire le pays d’investir à l’étranger dans certaines activités sensibles telles que les mines d’uranium.
En ce qui concerne les opérations militaires, la charte des Nations Unies prévoyait initialement la création d’une armée commune qui n’a cependant jamais vu le jour. Dès lors, le Conseil de sécurité confère l’autorisation d’une intervention militaire à un ou plusieurs Etats comme nous l’a démontré la Guerre du Golfe de 1991 dans laquelle 34 pays ont – sous la direction des Etats-Unis - combattu l’Irak qui avait tenté d’envahir le Koweït. Pour pallier à la création d’une armée commune, le Conseil de sécurité a toutefois développé des opérations de maintien de la paix par le biais des casques bleus dont l’objectif est de protéger les populations et d’aider les pays dans leur reconstruction, mais aussi de renforcer les institutions des pays en transition comme nous le démontre par exemple le cas du Soudan du Sud.
Si le Conseil de sécurité semble refléter une action des plus nobles et vertueuses, les critiques à son égard sont nombreuses. En effet, bien que l’organisme revendique une cohésion des Etats membres, tout Etat ne bénéficie pas de la même possibilité d’implication ; le pouvoir exécutif restant aux mains d’une petite oligarchie. De fait, seuls les cinq pays fondateurs de l’ONU disposent du pouvoir exécutif et par conséquent de l’armement administratif nécessaire à l’action. Ainsi, l’ONU souffre d’un grand manque de représentativité étant de plus en plus montré du doigt. En effet, le droit de véto des cinq membres permanents confère à chacun de ces derniers la possibilité de s’opposer implacablement à la volonté des autres pays. Dès lors, une action ne peut s’établir de la part du Conseil de sécurité que si les cinq pays membres s’accordent à l’unanimité sur une solution. Mais au-delà du problème de la représentativité et du partage du pouvoir exécutif se distingue également un problème de fond dans les choix d’actions des membres permanents. En effet, le Conseil de sécurité de l’ONU a -comme nous le précisions précédemment - « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale », or les choix d’interventions des cinq membres permanents semblent discutables et largement soumis aux intérêts personnels de chaque Etat.
Si l’Assemblée générale se révèle être le lieu de discussions démocratiques et équitables entre les 193 nations membres de l’ONU, il n’en demeure pas moins que les recommandations de cette dernière ne peuvent s’actionner sans l’accord unanime des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Dès lors, le Conseil de sécurité se positionne en tant que seul souverain auquel les états membres de l’ONU doivent obéissance et loyauté. Si les cinq Etats membres permanents du Conseil de sécurité détiennent indéniablement une place privilégiée, il n’en demeure toutefois pas moins que ceux-ci soient contraints de s’entendre sur les actions à mener, impliquant de fait des tensions internes. En effet, si la Guerre Froide avait déjà auparavant binarisé les membres permanents du Conseil de sécurité en deux blocs - opposant d’un côté les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni et de l’autre l’URSS et la Chine - la disparation du bloc soviétique n’a en rien laissé place à un Conseil consensuel. Dès lors, chaque Etat agit selon ses avantages personnels, avantages bien évidement fortement différents d’un pays à l’autre.
Ainsi, les oligarques se font bien souvent mauvais exemples. Citons dès lors le cas des Etats-Unis qui, en 2003 envahissent l’Irak en dépit des interdictions de l’ONU et du désaccord de la Russie et de la France. De même, si le Conseil de sécurité a pour mission de lutter contre les conquêtes de territoire, c’est pourtant la Russie qui, en 2014 envahit l’Ukraine avant de procéder à l’annexion de la péninsule de Crimée.
La multiplication de ces problématiques mène dès lors à des remises en question de l’organisation internationale. Les principes mêmes de l’ONU semblant rentrer en contradiction avec son fonctionnement, les puissances émergentes démontrent de plus en plus d’hostilité à l’encontre de la place providentielle détenue par les cinq membres permanents, accusant la structure du Conseil de sécurité d’appartenir à une époque révolue dont la situation d’après-guerre n’est plus la même qu’aujourd’hui.
Le Brésil, l’Inde, le Japon ou encore l’Allemagne sont tous des pays aux capacités démographiques, économiques et militaires comparables voire parfois supérieures à certains des actuels membres permanents du Conseil de sécurité ; c’est pourquoi ces derniers demandent à siéger en égal dans le cercle restreint des membres permanents du Conseil, au grand dam des actuels oligarques, et plus particulièrement des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine. Les membres permanents du Conseil de sécurité semblent finalement être les seuls à pouvoir agresser d’autres Etats en toute impunité et à décider de l’ordre du monde, entrainant de fait les Etats marginalisés à se détourner de l’ONU pour embrasser des alliances de proximité telles que l’OTAN, l’organisation de coopération de Shangaï ou encore la Ligue arabe, marquant le retour des logiques d’alliances régionales au détriment d’une conception universelle de la sécurité internationale.
Yoann STIMPFLING