Métaphysique de la dés-bandade
Bander au hasard, se faire mouvoir par ses désirs les plus profonds (entre-jambe !) de façon hasardeuse (quelle belle vie ! boutiques envoûtantes ! corps subtils ! objets magnifiques ! quelle vie de Prince ! vie d’éternelle insatisfaction où le vide est inéluctablement au rendez-vous...). Alors allons-y... vaquons ! Qu’importe ! (quoiqu’ ?... couac !) : « J’aime flâner sur les grands boulevards / Y a tant de choses, tant de choses / Tant de choses à voir / On n’a qu’à choisir au hasard / On s’fait des ampoules / A zigzaguer parmi la foule »... Ah Yves, ce monde enchanteur ! La foule : ces multiples corps qui bandent, en admiration constante devant les autres corps... Ils reconnaissent la beauté par un cannibalisme des yeux. Avec les passages illuminés, avec les galeries féeriques, le corps entretient un rapport physico-urbain (déambulation marchande !). Pour le flâneur-bandant, la rue elle-même est lascive car éveille les désirs et ouvre le champ des possibles attractivités bandantes (triste esthétique ! la verge molle !).
L’être humain est un être vivant mû par le non-bander du monde (comme tous ! mais lui seul est conscient de cette terrible projection sans finalité !). Dispersé dans un univers de plaisirs infinis, il court et se débat sans interruption vers des étoiles inaccessibles. Force immense ! Toute chose : dépassée par la grandeur de la débandade (dés-bandade !) et quiconque ne veut pas l’admettre est un fou pensant être pourvu d’une raison supérieure (il n’a seulement pas assez de passions pour que sa raison cède : voilà le constat, voilà l’expression juste !)... Une raison excessive refuse le non-ban-dés du monde ; une conscience réfléchie surdéveloppée et passionnée le dévoile... La débandade vient en partie du fait que l’être humain essaye désespérément de saisir sa propre conscience, or la conscience est toujours conscience de. Ah le sagouin angélique ! Ah le bougre ! Ah les élégantes garces ! Mais parfois, tout de même ! la conscience est saisie... Non ?
L’humain bande (à coup sûr !) et le monde finit par le faire débander (illusions perdues ! paradis enfouis !) et alors ! au-delà de son corps sensible se dessine une forme destructrice, ravageuse, engloutissant son être même, autrement dit ses désirs et son esprit (es-pris ! par le mouvement fondamental du conquérant victorieux qu’est la désorganisation interne). « L’effort pour mettre l’ordre dans les choses, c’est une forme de la lutte pour l’existence. Le désordre est une souffrance, une blessure ; c’est l’être diminué, la conscience affaiblie. De là les théories de la science, les systèmes de la philosophie ; de là nos révoltes contre l’inintelligible, nos négations de l’absurde qui s’impose, notre optimisme entêté, les tentatives toujours renouvelées de redresser l’univers par des hypothèses métaphysiques et religieuses »... Eh oui mon Gabriel... eh oui ! L’être humain est raisonnable car son existence ne l’est pas... alors ne soyons pas raisonnables ! Il a tout misé sur sa raison (ahah ! il l’a mise et la met encore sur un piédestal, une Olympe !). Il s’invente des mondes rationnels, des mythes, des religions, des théories (en veux-tu ? en voilà !) et y croit seulement pour ne pas débander, or tout cela n’est qu’un refuge réconfortant et bien douillet où il oublie sa faiblesse et la dureté qui l’environne... Mais sans tous ces artifices, pas de vie humaine possible !
« Dieu ne joue pas aux dés »... Quoi ? Dieu ? Dieu est joueur ! C’est un fêtard s’a-Muse-ant de notre condition ! Grimace ! Farces ! Oui... les dés sont assurément jetés ! et la dés-bandade se répand, se développe dans les moindres recoins (reins ! muscles ! cœur du corps et cœur du monde !). Dieu est lanceur de dés ! et nous laisse dans la dés-bandade (place indéfinie !), dans un asile de fous, dans un jeu sans règles ni but. ...Lancer les dés, c’est toujours être submergé par les flots (précipice ! abîme ! comique ou terrible ? hallucination ?). Existerait-il, avant le lancé de dés, un Nombre unique ?... Constellation ! Oui, car le coup de dés revient au hasard (az-zahr ! la Fleur gagnante...), et le hasard « n’est que ce qui est » : la muette simplicité du monde ! Je te rends hommage, toi l’Hermétisme incarné : « Toute Pensée émet un Coup de Dés. » Tout cela ne résulte que de l’incapacité métaphysique de l’être-devenant devant le réel, devant ce qui est commun, devant la vie monotone de la quotidienneté. Être métaphysique donc être-bandant-débandant : voici la conséquence de cette coexistence d’un univers infini et muet avec l’être humain, être fini et être de langage (absence !). ...L’incompréhensible est notre destin (est le réel lui-même !) et l’énigme est notre loi individuelle.
Problème (vous l’aurez compris !) : l’Être-bandé n’est pas à tous les coups (bien profonds !) le moteur de l’être-bandant (esprit vaincu !). Le premier principe ? Ah ! le voici, le cruel, le presque démoniaque : le non-principe ! Pas de principe premier... Tout s’effondre, mais tout se métamorphose encore et encore, que ce soit dans les vastes territoires de l’univers ou dans l’infiniment petit d’une cellule cachée. Alors, il ne reste plus qu’à se laisser emporter par les chemins (prophétiques...) qui ne mènent nulle part (part-itions ridicules et réjouissantes !).
Le sentiment d’anéantissement total (mollesse absolue !), ce n’est pas la mort car les morts ne sentent pas qu’ils le sont, mais c’est que la vie perde son sens, que la vie ne soit plus qu’une dés-bandade sans fin... Et ce qui est incroyable ! c’est le fait que ce désespoir et cette souffrance n’empêchent pas le corps de bander encore ! et parfois même de bander mieux ! Même quand ça ne vit plus, ça vit encore ! et le corps attend l’inattendu…
Dés-bandade ! Ennui ! C’est la remise en question du désir lui-même ; c’est la fuite du monde, celui-ci devenant objet (par excellence !) de haine... Pas de dieu ! pas de point fixe ! alors, comme Stig, traquons la consolation ! Par l’art ? Oui, cela est possible ! car par l’art, le monde passe du mutisme à une expression parlante (la verge retrouve de la vigueur !) ...Les Gourmands, quant à eux, ouvrent grand leurs bouches et jouissent dans l’orgie ouverte à tous...
Jean
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