L'UE: un principe de spécialité et des compétences


 
Crédit image : Christian LueLigne de crédit : Unsplash

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Le principe de spécialité et l’évolution des compétences de l’Union européenne renvoie à une réflexion sur la distribution horizontale des compétences dans l’Union à la nécessité d’adapter les capacités d’action des institutions. Le droit européen souligne la complexité à distinguer les prérogatives étatiques et celles des institutions supranationales, car ces dernières ont atteint un niveau de compétences leur permettant de « concurrencer » le droit national, notamment aux yeux des citoyennes et des citoyens. La nécessité de créer de nouvelles normes est-elle alors un facteur à une prise d’importance des compétences européennes au détriment de celles des États ?

 

Il apparait dans un premier temps que malgré l’évolution des compétences attribuées aux institutions européennes par les États membres, ces dernières restent soumises à cette notion de compétence d’attribution définie à l’article 5 du TUE et à l’article 2 du TFUE. Ainsi, le principe de spécialité renvoie au fait que les États conservent la « compétence de leur compétence » et que les pouvoirs de l’Union sont conditionnés par leur acceptation à lui attribuer. Les trois types de compétences attribuées répondent bien à cette idée. Les compétences exclusives définies par l’article 3 du TFUE, bien qu’en apparence donnant un pouvoir illimité à l’UE sur certains domaines, peut être nuancé avec une sorte de « reprise de pouvoir » des États membres prévue à l’article 2 du TFUE. Les compétences partagées sont la parfaite illustration de cette persistance des législations nationales à travers le principe de subsidiarité.  En effet, leur attribution est conditionnée par la consultation des parlements nationaux. Enfin les compétences d’appui cantonnent les institutions européennes à un rôle de coordination voire d’observatrices. Mais le meilleur exemple pour démontrer le maintien de la mainmise nationale sur ces compétences législatives, c’est celui de la politique étrangère et de sécurité commune. La PESC, définie au paragraphe 4 de l’article 2 du TFUE est par définition délicate et n’est pas du tout intégrée aujourd’hui. Il n’est même pas question ici d’inter gouvernementalisme, mais plutôt d’une coopération constante pour aboutir à des solutions communes (ou pas).

 

Toutefois, malgré une évolution toujours soumise aux intérêts nationaux, il faut considérer que les Traités de Lisbonne et d’Amsterdam et la complexité à appréhender la législation européenne pour les tribunaux nationaux sont des moyens pour l’UE de gagner une certaine prépondérance. Cela concerne ainsi en grande partie les compétences externes, c’est-à-dire les compétences liées à la place internationale de la CEE puis de L’UE. Si la première s’était cantonnée à les limiter aux accords commerciaux, l’évolution de l’organisation et les nouvelles problématiques poussent la législation à se préciser. C’est ainsi qu’est apparue l’idée d’une compétence implicite remettant en cause le principe de spécialité. En effet, l’Union ne se voit plus contrôlée par les États, c’est elle qui estime l’action à entreprendre dans un cas international spécifique. Ce pouvoir est reconnu en 1971 par la CJUE lors de l’affaire AETR. Cette compétence implicite a ainsi permis à l’UE de gagner en capacité, notamment à travers la notion du parallélisme de compétences, qui transpose les capacités internes de l’UE au niveau international, comme le dispose l’article 3 du TFUE. Mais la plus grande avancée permettant une plus grande autonomie des institutions européennes, c’est la clause de flexibilité prévue à l’article 352 du TFUE. C’est la base juridique même, la source de la législation européenne, qui peut alors être adaptée en fonction des besoins. L’UE peut dans un certain sens, après l’approbation du Conseil des ministres et du Parlement, créer le droit dont elle a besoin.

 

            Finalement, cette question de la prise de l’importance de l’UE via l’évolutions de ces compétences peut se résumer ainsi. La forme et le principe de spécialités qui sont prévus par les textes législatifs sont autant de freins au champ d’action commun. Mais il existe des failles et des adaptations dues à la réalité des situations qui peuvent néanmoins contrer cette idée d’une Union entravée. Sa capacité à agir sur la base juridique même montre ainsi que l’évolution des compétences peut l’amener à revendiquer davantage de pouvoir.

Pierre Jouin