Les simulations des institutions européennes : projets essentiels pour la dynamique d’intégration de l’Union européenne
Si les premières simulations des parlements ou des institutions sont apparues dès les années 1920 aux États-Unis, il s’avère que c’est en Europe qu’elles prennent une dimension certaine notamment dans le cadre de la logique d’intégration de la construction européenne, dans les années 1960. Elles constituent un moyen efficace d’investir la jeunesse, et cela très tôt, dans un rôle concret pour l’Union européenne.
1. Le principe et les modalités des simulations des institutions européennes
Le principe des simulations des institutions européennes est d’inviter des jeunes, généralement âgés de 18 à 30 ans, à participer sur une durée déterminée à jeu de rôle pédagogique et formateur leur permettant de s’investir dans une responsabilité spécifique d’une des institutions européennes.
Les simulations des institutions européennes se sont développées à l’initiative du Collège d’Europe de Bruges dans les années 1950 afin de les intégrer progressivement comme des éléments complémentaires des formations académiques sur son campus. Comme le souligne Philippe Perchoc, « le Collège d’Europe est probablement le premier établissement à avoir intégré des simulations européennes dans son cursus, mais la question se pose de savoir s’il a participé à leur développement en dehors de ses murs. Deux modalités au moins de diffusion peuvent être explorées : celle des étudiants participant à des simulations organisées en dehors du Collège pendant leur année d’études, d’une part, et celle des anciens étudiants et assistants organisant des simulations dans d’autres institutions après leur passage au Collège d’Europe, d’autre part. »
Ainsi, la diffusion des simulations des institutions européennes s’est faite par les étudiantes et les étudiants eux-mêmes, mais également par les personnes chargées de l’organisation de ses simulations : ceci implique donc un transfert des savoirs et des connaissances sur le fonctionnement institutionnel de l’Union européenne, mais également un transfert des compétences techniques pour l’organisation de tels projets. Philippe Perchoc conclut ainsi que les simulations « se situent au croisement entre savoir académique et socialisation à l’Europe, découvrant ainsi le rapport ambigu des formations européennes à leur objet. Partant de cette expérience, plusieurs générations d’anciens étudiants se sont saisies de ces méthodes pour les appliquer, les transformer dans d’autres contextes, et en ont fait un atout professionnel. » (1)
Finalement, l’objectif des simulations européennes et du jeu de rôle est de transformer les participants en acteur de la politique communautaire européenne et de leur faire comprendre concrètement le fonctionnement des principaux organes de l’Union européenne. Cette expérience peut également se doubler d’un réel apport à la politique européenne, puisque certaines simulations sont organisées par les institutions elles-mêmes et cherchent ainsi à récolter certaines pistes de réflexion.
2. Un levier d’intérêt pour la jeunesse de tous les milieux
Si la francophonie n’est pas directement inscrit dans cette histoire des simulations européennes, elle y a aujourd’hui toute sa place, notamment au vu des partenariats existants entres les différentes universités et établissements de l’enseignement supérieur. C’est le cas par exemple en 2018 lorsque des entretiens franco-allemands de Nancy, où des étudiantes et étudiants issus du programme franco-allemand du campus local de Sciences Po Paris ainsi que des jeunes actives et actifs de France et d’Allemagne se sont rencontrés pour simuler le modèle Conseil des ministres de l’Union européenne et discuter ainsi des thématiques de biens communs et de relance économique et industrielle (2) . Les thématiques ne sont donc pas centrées uniquement sur des considérations politiques, mais bien sur des enjeux concrets pouvant concerner des étudiantes et étudiants et des jeunes actives et actifs de tous les horizons.
Il est toutefois clair que la tendance est aux simulations majoritairement anglophones, s’inspirant des simulations des institutions des Nations Unies comme le Model United Nations (3). Même l’Union européenne, dans un souci de pouvoir intégrer le plus grand nombre de participantes et de participants, décide de lancer en 2011 sa propre simulation, le Model European Union qui rassemble près de 180 jeunes de toute l’Europe et propose une simulation du Parlement européen ainsi que du Conseil des Ministres.
Toutefois, il existe un exemple notable de simulation des institutions européennes qui peut agir comme un cas d’école pour alimenter cette question d’une diplomatie culturelle européenne, à travers la francophonie. En 1998, des étudiantes et étudiants de l’Université Laval à Québec décident de créer une simulation du Parlement européen francophone, et d’inviter des délégations d’étudiantes et d’étudiants du monde entier à y participer pendant une semaine. La Simulation du Parlement Européen Canada-Québec-Europe (SPECQUE), rassemble ainsi chaque année, alternativement entre le Canada et l’Europe, près de 120 jeunes entre 18 et 30 ans afin de participer à cette expérience rassemblant des représentantes et représentants de la francophonie internationale. Il est toutefois intéressant de noter qu’en 2022, une forte présence allemande (plus d’un quart des participantes et participants) lors de la XXIVème à Québec démontre que cette simulation maintient une forte dynamique basée sur l’amitié franco-allemande et sur l’apprentissage de la langue française (4).
Pierre Jouin
1 PERCHOC Philippe, « Les simulations européennes. Généalogie d’une adaptation au Collège d’Europe », Politique européenne, 2016/2 (N° 52), p. 58-82. DOI : 10.3917/poeu.052.0058.
2 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03198390
3 https://unric.org/fr/ressources/simulation-onu/