Le fœtus entend-il ?


 
Ligne de crédit : Unsplash

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« Faites écouter de la musique classique à votre bébé quand il est dans votre ventre, ça le rendra plus intelligent ». L’audition fœtale, mise à l’écart pendant de nombreuses années, est maintenant au cœur des conseils donnés aux parents. Cependant, les informations transmises sont en majorité inexactes et imprécises. Les parents se renseignent au travers de livres sur la grossesse ou sur des pages Webs qui reprennent dans les grandes lignes des études scientifiques omettant ainsi de nombreuses précisions. Le terme « d’apprentissage fœtal » revient régulièrement et ajoute une pression supplémentaire. Nous vous proposons aujourd’hui de comprendre un peu mieux le véritable fonctionnement de l’audition fœtale.

L’audition fœtale n’est pas figée dans le temps, elle varie en fonction de l’âge gestationnel. Le fœtus commence à percevoir les sons entre la 26 et la 28ème semaine. Il est entouré d’un bruit de fond utra-utérin composé des bruits placentaires et maternels (la digestion, la respiration, les battements du cœur et les vocalisations). C’est vers 5 -6 mois que l’enfant perçoit certains sons de l’extérieur, qui sont fortement atténués. La musique a une atténuation de 10dB et le fœtus ne la perçoit pas dans sa totalité, il y a des distorsions. Les voix masculines et féminines ont une atténuation dans les alentours de 20 dB. C’est une intensité comparable à celle d’un chuchotement. Les études ont montré que le fœtus réagissait particulièrement à la voix humaine et perçoit plus facilement les fréquences plus graves. Cependant, la voix maternelle n’est pas beaucoup atténuée grâce à la double transmission à la fois aérienne et interne. Les sons émis par la mère permettent l’activation du système auditif fœtal au cours de son développement. Vers 36-38 semaines, le fœtus est sensible à la différence des hauteurs et de la fréquence de la stimulation. Il manifeste des réponses différentes, cette capacité de discrimination sont des prérequis pour la perception de la musique et de la parole. Cependant, le fœtus est sensible, il convient de faire attention à ces actions. Si l’émetteur est en contact direct avec l’abdomen maternel, les composantes du son ne sont pas aussi bien filtrées. Le corps maternel peut jouer le rôle de caisse de résonance, le son pourrait être amplifié. Cela peut être dangereux, car la protection de l’oreille moyenne n’est pas encore fonctionnelle.

Cela nous amène donc à venir alerter sur les techniques d’enseignements prénatales. La médiatisation des études fœtales vient perdre les futurs parents qui pensent bien faire en surstimulant leur enfant. Les mères pensent que leur enfant embryonnaire arrive à percevoir les émotions, l’environnement, la parole ou la musique dès les premiers mois de gestation. Ce qui est totalement faux puisque le fœtus n’entend pas encore. Pourtant, il n’est pas rare de voir des parents stimuler leur enfant en pensant développer ses capacités musicales, de comptage ou alors d’apprentissage de langues étrangères. On entre alors dans une spirale infernale. Les parents s’inquiètent à tort de l’absence de réaction de leur enfant après l’avoir exposé à des bruits intenses. Il convient donc de rassurer les parents concernant tous ces conseils « bull-shit » qui ne font qu’accroître un manque de confiance parental. Arrêtons de vouloir rendre nos enfants encore plus intelligents, la nature est bien faite, ne mettez pas la pression à votre futur bébé avant même qu’il ne soit né…

Oui, la nature est bien faite. Le fœtus est entouré de nombreuses stimulations prénatales, il va discriminer par lui-même au fur et à mesure de son développement. De nombreuses études se sont intéressées à l’impact de la voix maternelle. Ils ont pu observer qu’à partir de 32 semaines, les fœtus réagissent différemment pour la voix de la mère par rapport à une autre voix féminine. Et fait intéressant, le bébé prématuré lors du sommeil diminue son rythme cardiaque quand il entend la voix maternelle. Pendant qu’il est en éveil calme, à l’écoute de cette voix, il va avoir une réaction d’attention soutenue. Cela permet de créer une relation primordiale avec la mère. Les nouveaux-nés arrivent à reconnaître le timbre et la prosodie particulière d’une personne, mais aussi le contour mélodique et les traits structuraux de la langue maternelle. Cette capacité de discrimination est un prérequis pour l’apprentissage du langage par la suite. Cependant, les enfants n’auraient pas de préférence pour la voix paternelle par rapport à celle d’un autre homme. Ces résultats s’expliqueraient par le peu d’interaction avec la voix paternelle par rapport à la voix maternelle. N’hésitez pas à parler à votre enfant alors pour inverser cette tendance !

Alors, faut-il faire écouter du Mozart ou du Johnny ? Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises musiques à faire écouter au fœtus. Des études montrent qu’un stimulus musical répétitivement présenté au cours de la grossesse modifie le comportement et l’attention du nouveau-né. Le fœtus développerait une habituation spécifique et durable à des bruits récurrents de forte intensité (maison à proximité d’un aéroport). Les enfants exposés ne se réveillent pas au bruit d’un avion émis à 90dB mais pleurent pour une musique diffusée à 80 dB. Tout n’est qu’une question d’accommodation à l’environnement. 

Au final, que devons-nous retenir de tout cela ? Le fœtus a une perception auditive précoce mais très sensible. Il ne faut donc pas surexposer son enfant au source sonore. La voix maternelle est primordiale car elle permet de créer un lien avec l’enfant, le père et la famille ont un rôle aussi très important. Alors, n’hésitez pas à parler à votre enfant. L’écoute de musique classique ne rend pas intelligent, oubliez tous ces conseils trouvés dans les magazines. Les stimulus auditifs sont déjà nombreux, le fœtus est naturellement exposé à des stimulations appropriées. Il n’y a donc pas de raison de lui apporter des stimulations supplémentaires !

Marine


Sources

B.Chanoufi, & D.Chelli. (2008). Audition fœtale. Mythe ou réalité ?Fetal audition. Myth or reality? 37 (Issue 6), 554‑558.  https://doi.org/10.1016/j.jgyn.2008.06.007

Granier-Deferre, C., & Busnel, M.-C. (2011). L’audition prénatale, quoi de neuf ? Spiralen° 59(3), 17.

https://doi.org/10.3917/spi.059.0017

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