L’attachement, un besoin primaire et vital du nourrisson
Pendant longtemps, les psychanalystes considéraient que l’apparition du lien affectif était en lien avec la construction sexuelle de l’enfant. En effet, ces derniers considèrent que la stimulation de la zone orale avait une connotation sexuelle, et que le besoin de créer un lien affectif avec la mère était par intérêt, pour s’alimenter.
La guerre laissant énormément d’orphelins, ou d’enfants brisés, beaucoup de penseurs se sont interrogées sur cette vision du lien affectif. A partir de là, ils ont commencé à réellement s’intéresser au développement des enfants.
En 1946, René Spitz décide d’étudier l’effet de la carence maternelle sur le développement de l’enfant. Pour cela, il a observé deux groupes d’enfants de 18 mois. Le premier était composé d’enfants nés de mères en prison mais s’occupant de l’enfant pendant la journée, avec l’aide d’une soignante expérimentée. Le deuxième groupe était quant à lui constitué d’enfants nés et placés en orphelinat, suite à un abandon ou au décès de la mère, recevant des soins de manière anonyme, sans liens affectifs, mais dans des conditions matérielles idéales. Il a pu alors mettre en évidence un trouble affectif : l’hospitalisme. Cet état dépressif se manifeste chez certains enfants qui ont été coupés précocement de tout lien affectif. Il s’est rendu compte que les enfants qui avaient encore un contact avec leur mère (même si ce n’était que quelques heures) étaient moins victimes de l’hospitalisme que les enfants sans lien affectif. Les enfants du groupe 2 développaient des retards de développement (physique, alimentaire, du sommeil mais aussi de la croissance), ainsi que certains troubles psychologiques. Spitz a pu distinguer trois phases à travers lesquelles la dépression s’installe. La première phase est une phase de pleurs, l’enfant se rend compte qu’il n’a plus de figure de référence autour de lui. Dans un contexte normal, les pleurs de l’enfant alertent la mère qui vient rassurer son bébé, sauf que pour ces enfants seuls, leurs pleurs restent sans réponse. La deuxième phase est la phase de glapissement, le nourrisson arrête de se développer, et perd énormément de poids. Il a un important retard développemental, à 15 mois il ne tient pas assis, et ne marchera pas. La troisième phase est la phase de retrait. L’enfant refuse alors le contact avec l’être humain, il entre alors en dépression, c’est la phase dans lequel l’enfant sombre dans l’hospitalisme. Il présente d’importants troubles du sommeil. La dernière phase est le marasme, l’enfant se laisse malheureusement mourir. L’hospitalisme est donc une carence affective totale, qui se passe chez les enfants âgés de moins de deux ans. L’enchaînement de ces phases et leur gravité dépend de l’âge, de la durée de la séparation, mais aussi de la qualité de la relation avant la séparation.
Ces observations ont permis une prise de conscience quant à l’importance du lien affectif dans le développement du nourrisson. Dans les années 50, l’OMS commande un rapport sur les effets de la séparation mère-enfant précoce auprès du pédopsychiatre John Bowlby. Celui-ci avait tout comme Spitz remarqué que les enfants placés en institution avaient de grosses difficultés à développer des liens. En grandissant, ils avaient plus de risque de développer des comportements délinquants.
Bowlby, de part toutes ces observations, donne une nouvelle vision du lien affectif, c’est le début de la théorie de l’attachement. Le développement affectif n’a rien à voir avec le besoin alimentaire. En reprenant la théorie de l’évolution de Darwin, il décrit la fonction d’attachement comme une fonction adaptative qui est indispensable à la survie de l’espèce. En développant le lien affectif, l’enfant survit grâce aux soins qui lui sont prodigués. Il met en place des mécanismes de recherche de proximité afin de s’auto-réguler au niveau comportemental, il veut éviter d’entrer dans une situation anxiogène. Le besoin de proximité et de lien avec l’adulte est totalement indépendant de tous les autres besoins physiologiques, loin des théories psychanalystes.
Cette nouvelle vision de l’attachement de Bowlby va permettre à la société de se rendre compte des réels besoins des enfants, et ainsi améliorer les conditions de vie de ces derniers dans les orphelinats, les services hospitaliers ou les familles d’accueil. Malheureusement, en 2021, la qualité du lien affectif n’est pas toujours respectée à travers le monde. De nombreux enfants se retrouvent privés de leur figure d’attachement, par la guerre, les catastrophes climatiques, sanitaires, ou par l’incapacité de certains adultes à assurer le rôle decaregiver.
Marine Jouin
Bibliographie :
Rousseau Daniel, Duverger Philippe, « L'hospitalisme à domicile », Enfances & Psy, 2011/1 (n° 50), p. 127-137. DOI : 10.3917/ep.050.0127. URL : https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2011-1-page-127.htm
Barbara Le Driant. (2018) « Le développement affectif et la théorie de l’attachement ». Cours, s. d.