Laisser les enfants s’exprimer, la technique Freinet
Célestin Freinet est un pédagogue français qui a développé avec sa femme Elise Freinet une méthode basée sur des techniques pédagogiques promouvant l’expression libre des enfants. Il conçoit l’éducation comme un moyen de progrès et d’émancipation politique et civique. Revenu de la Grande Guerre mutilé et profondément marqué, il va promouvoir une éducation pacifique qui doit s’appuyer sur la connaissance de l’autre même s’il est différent. Pour lui, il fallait que l’école forme le futur citoyen responsable de lui-même et des autres.
Lors d’une visite d’une école sans autorité à Hambourg, il découvre le concept de « promenades scolaires » où l’enfant vit le moment de classe dans un milieu naturel et social, il observe et rédige ses impressions sur le monde qui l’entoure. De retour en France, Freinet a la conviction qu’il faut remodeler la pédagogie traditionnelle en aménageant différemment l’école (proche de la nature) et le mobilier dans la classe laissant la place aux travaux collectifs et aux activités manuelles. Il va s’éloigner des directives de l’époque, en refusant le manuel de lecture.
C’est le début des correspondances épistolaires entre différentes écoles qu’il initie, afin que les élèves s’enrichissent intellectuellement de ces échanges. Il introduit en 1924 une imprimerie, afin de favoriser l’expression écrite que ce soit individuellement ou collectivement mais aussi la lecture. Pour donner envie aux enfants de lire, il voulait leur faire lire des choses qu’ils aiment, et les rendre acteurs de leur lecture. Il envoyait l’enfant dans le fond avec l’imprimante pour qu’il assemble les lettres afin de faire une phrase. Il met en place également le journal scolaire, l’apprentissage du code écrit (grammaire, orthographe, lecture) va se faire implicitement par l’écriture. Cette pédagogie, dite « méthode naturelle », place l’enfant au centre de son apprentissage.
La méthode naturelle repose sur de nombreux caractéristiques, mais l’enfant est toujours au cœur du projet éducatif, ce qui s’éloigne de la pédagogie traditionnelle.
L’élève apprend grâce à l’expérimentation, il tâtonne. Contrairement aux autres méthodes plus traditionnelles, l’enfant ne reproduit pas juste ce qu’on lui inculpe. Il réalise lui-même ses propres expériences, il va réfléchir face à l’échec lui permettant de progresser par lui-même. Grâce à l’expérimentation, l’enfant mémorise mieux puisqu’il est acteur, loin du « par cœur » que l’on retrouve dans nos établissements scolaires.
Proche de la méthode Montessori, Freinet laisse une grosse importance au rythme de l’enfant, chaque enfant a son propre fonctionnement cognitif. L’élève définit ses propres activités en fonction de ses capacités, le poussant à avancer à son propre rythme d’apprentissage.
A cela s’ajoute l’autonomie, l’enfant se responsabilise en élaborant son propre planning hebdomadaire. Il collabore avec les autres élèves grâce aux travaux collectifs. La coopération entre pairs est la base même de la pédagogie Freinet. Les élèves dialoguent, s’organisent et s’écoutent tout en travaillant ensemble dans des groupes de travail. Pour favoriser cette entraide, Freinet a remodelé l’organisation de la classe en favorisant les entretiens et les temps d’échanges collectifs.
Célestin Freinet a expérimenté la pédagogie alternative, c’est-à-dire qu’il ne voulait plus que le professeur soit sur une estrade, pour dominer sa classe, mais au niveau des élèves. En effet, face à l’enseignement traditionnel basé sur une relation hiérarchique avec l’enseignant qui sait et l’élève qui écoute, Freinet voulait plutôt que l’enseignant soit un accompagnateur qui poussait l’enfant à construire son propre savoir. Pour cela, il propose des ateliers d’expression libre. Et c’est là que Freinet a décidé de mettre en place le journal scolaire et aussi la correspondance scolaire pour que chaque enfant puisse s’exprimer librement.
L’évaluation est souvent source de stress pour les élèves, et est l’objectif unique dans l’enseignement comme on peut le voir avec les fameuses remarques « on vous prépare au brevet/au bac ». Sauf que pour Freinet, l’évaluation n’est pas une fin en soi. Il veut que ce soit un suivi individualisé qui valorise les progrès de l’enfant tout en lui proposant une consolidation de ses acquis.
Dans le système éducatif français, ce genre de pédagogie permettrait de répondre aux nombreuses problématiques concernant le niveau du langage écrit et de la lecture des élèves. Malheureusement, la méthode Freinet nécessite des moyens financiers et humains qui ne sont pas réalisables dans le fonctionnement actuel. Cependant, des enseignants s’intéressent à ces méthodes innovantes mais qui existent depuis longtemps, il est donc important de les encourager dans leurs démarches pour que nos enfants s’épanouissent pleinement.
Marine