La planète de toutes les convoitises
Alors que, partout dans le monde, la science fait face à une vague de méfiance et de quasi rejet, liée à la pandémie de Covid-19, l’Humanité a réussi un nouvel exploit, en posant avec fracas (seulement médiatique par chance !) un nouveau rover sur la planète rouge, Mars.
C’est le 5ème rover, ou astromobile pour les intimes, à réussir à se poser dans les difficiles conditions de Mars. Pour cette occasion historique, nous vous proposons de revenir sur les différentes missions, leurs objectifs, les conditions locales et les bénéfices, dans une société qui s’émeut souvent plus pour la dernière star de téléréalité que pour l’avancée collective de notre espèce.
Prenez place, nous partons pour l’un des plus grands défis de notre histoire.
Pour commencer, quelques chiffres
En tout et pour tout, 6 pays (URSS/Russie, USA, Chine, Japon et UE) ont envoyé 58 missions vers Mars depuis 1960, parmi lesquelles 28 furent une réussite. Et, parmi ces 58 missions, 10 ont été lancées depuis 2011. Ce qui ressort donc, c’est que Mars devient de plus en plus le centre de l’attention spatiale, à l’image de la Lune dans les années 60 et 70. Et surtout, la médiatisation est de plus en plus forte, avec comme acteurs principaux la Nasa, en recherche constante de financement, et SpaceX, le leader privé du domaine spatial. Elon Musk, son créateur et PDG, prévoit et annonce même une mission habitée d’ici la fin de la décennie.
Du chemin a été fait depuis les premières missions. En 1964, les Etats-Unis réussissent le premier survol réussi, après 5 échecs soviétiques. En Mai 1971, l’URSS corrige le tir avec le premier amarsissage, et, 2 jours plus tard, les USA mettent en orbite Mariner 9, une première. La fièvre martienne a alors pris de plus en plus de vigueur, alors que le public s'intéresse de plus en plus à la planète rouge. Mais il faut attendre 1996 pour voir le premier Rover, Sojourner, s’y poser.
Atterrir sur Mars, c’est une sacré paire de manches : entre la Terre et Mars, il y a 6 mois de trajet, et une mission ne peut être envoyée que tous les 26 mois. La fenêtre de tir est donc particulièrement courte. Mais c’est la partie la plus simple de la mission, car il s’agit ensuite de se mettre en orbite autour, puis de se poser.
La principale difficulté vient du peu d’atmosphère de Mars (environ 160x moins dense que la nôtre !). On ne peut donc pas avoir recours à l’aéro-freinage, qui utilise l’atmosphère pour perdre de la vitesse, et donc user du moins de carburant possible. Il faut donc, au lancement, prévoir une quantité de carburant assez importante pour pouvoir freiner une fois arrivé à proximité, en moyenne entre 40 et 50% de la masse de l’objet à mettre en orbite.
Les agences spatiales font néanmoins aussi appel à l’aéro-freinage, malgré son efficacité moindre, dans le but d’économiser autant de carburant que possible.
Une fois mis en orbite, il faut encore, pour se poser en douceur, perdre de la vitesse. En orbite, la vitesse moyenne est d’environ entre 5 et 6 km/s. Il faut réduire cette vitesse à 4m/s pour limiter au maximum les risques. Pour ce faire, il faut combiner l'aéro-freinage à l’utilisation d’un parachute. Mais cela reste largement insuffisant. Il faut donc utiliser des moteurs-fusée, dépensant une quantité monstre de carburant. C’est pourquoi les agences sont en perpétuelle recherche de moyen de ralentir, ou d’amortir l’appareil. Par exemple, des airbags furent utilisés à cet effet.
Mais à quoi tout cela sert ? Pourquoi envoyer des robots aussi loin ?
Pour la connaissance. Il n’y a dans les faits pas beaucoup plus de raisons à donner. Savoir, apprendre, découvrir de nouvelles choses, voilà les raisons de ces missions.
Le rover Perseverance, le dernier en date, a été envoyé dans l’objectif de rechercher des traces de vie sur Mars, d’étudier le sol, de trouver des traces d’eau liquide. car Mars fut un jour, il y a plus de 3 milliards d’années, couverte d’eau, et donc peut être de formes basiques de vie. Ainsi, découvrir si la vie a pu apparaître dans un environnement si différent de la Terre pourrait nous en apprendre énormément sur la vie sur Terre. Nous pouvons aussi y apprendre comment meurt une planète, les processus de désertification globaux, l’érosion à grande échelle.
Cependant, il ne faut pas non plus rêver de science-fiction, de terraformation de Mars, de colonie à grande échelle : les conditions martiennes sont rudes. Les nuits tâtent les -133°, le jour, les radiations solaires balayent la surface sans atmosphère pour les retenir, comme sur Terre. Les missions humaines sur la planète sont condamnées, pour très longtemps, à rester de courtes excursions.
Mais, plus que jamais, l’Humanité touche du doigt son destin entre les étoiles. La science va plus vite que jamais, les connaissances s’accumulent, même si le grand public est de moins en moins à même d’en avoir conscience et d’en profiter.
Nicolas GRAINGEOT