La diplomatie culturelle franco-allemande sous le prisme de la jeunesse
1. Mise en perspective historique
La diplomatie culturelle franco-allemande sous le prisme de la jeunesse : une dénomination longue et pompeuse mais qui a pourtant une chronologie très précise et qui peut faire l’objet aujourd’hui d’une mise en perspective historique. Si la construction européenne est un aspect inhérent de cette diplomatie franco-allemande, malgré les divergences entre le projet initial et les buts de l’Union européenne actuellement, il est intéressant de l’analyse à travers le prisme de la jeunesse et des initiatives prises de part et d’autre du Rhin.
Comme évoqué plus tôt, le rapprochement franco-allemand post-1945 n’a pas attendu le traité de l’Élysée de 1963 pour se mettre en branle, notamment avec le cas des jumelages des villes. Dès le départ, les responsables politiques, et notamment les futurs Pères de l’Europe, prennent conscience de la nécessité d’impliquer la jeunesse, bientôt active, dans la reconstruction de l’Europe et le lancement du projet européen. Toutefois, on peut donner comme date de naissance à cette diplomatie sous le prisme de la jeunesse le discours du Général de Gaulle, le 9 septembre 1962 à Ludwigsburg, dans le Baden-Württemberg, et connu depuis sous le nom de « Discours à la Jeunesse allemande ». Si ce discours n’annonce pas de politiques concrètes, elle place la jeunesse des deux pays comme principal acteur du rapprochement entre les nations.[1]
Cette volonté se concrétise alors le 22 janvier 1963 lors du Traité de l’Élysée, lorsque le chancelier Konrad Adenauer et le Président Charles De Gaulle entérinent la création de l’Office franco-allemande pour la Jeunesse avec les objectifs de rapprochement linguistique et académique. Aujourd’hui, l’OFAJ présente ainsi ses objectifs[2] :
- Renforcer la coopération franco-allemande et la connaissance réciproque à tous les niveaux de la société
- Transmettre des compétences pour l’Europe
- Susciter l’intérêt pour la langue du partenaire
- Favoriser l’apprentissage interculturel, dans la vie personnelle et professionnelle
- Transmettre à des pays tiers les expériences des échanges franco-allemands et de la réconciliation
L’OFAJ fonctionne d’une manière assez similaire avec de nombreuses agences de l’Union européenne, en fournissant des fonds et en proposant des accompagnements pour des projets, ce qui l’a poussé au cours de la construction européenne à s’investir de plus en plus hors du seul champ franco-allemand.
L’aspect culturel a été, quant à lui, développé en parallèle, mais a connu un véritable essor vers la fin du XXème siècle avec notamment la création du Haut Conseil culturel franco-allemand en 1988 qui s’est instauré comme un nouvel interlocuteur, parfois plus professionnalisant pour la jeunesse franco-allemande et plus largement européenne.[3] Ses objectifs sont également bien définis[4]:
- Conseiller les gouvernements français et allemands en matière de politique culturelle.
- Mettre en œuvre, par l’intermédiaire de ses membres, des initiatives franco-allemandes dans différents domaines de la culture.
- Encourager, notamment par le parrainage (sans aide financière), des initiatives franco-allemandes culturelles remarquables.
En 2022, la diplomatie culturelle franco-allemande sous le prisme de la jeunesse a connu un nouveau souffle, avec bien sûr la PFUE, mais également la présidence du G7 par l’Allemagne. Ainsi, au cours de la journée anniversaire de l’amitié franco-allemande, madame Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports chargée de la Jeunesse et de l’Engagement a déclaré qu’ « en lien avec l’Année européenne de la jeunesse, nous avons décidé de faire de la jeunesse une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Pour les jeunes, l’Europe et ses bienfaits sont une évidence, mais après deux ans de pandémie qui les a particulièrement touchés, l’Union européenne doit agir concrètement pour leur avenir. Il est aujourd’hui fondamental d’intensifier nos échanges et de renouer les liens de confiance entre les politiques publiques et les jeunes. En cette année si particulière, je souhaite rappeler ici notre ambition commune avec l’Allemagne pour la jeunesse : rendre à chacune et chacun la maîtrise de son destin. Dans cette période difficile, nous devons travailler de toutes nos forces à offrir à notre jeunesse européenne de l’espoir et de la confiance. Et l’amitié franco-allemande en est un moteur indispensable. »[5]
2. Des objectifs fixés : le traité d’Aix-la-Chapelle
Le traité d’Aix-la Chapelle, signé le 22 janvier 2019 par la chancelière Angela Merkel et le Président Emmanuel Macron, a marqué l’établissement de nouveaux objectifs pour le franco-allemand sur un plan européen mais également international ainsi que la création d’une assemblée commune aux deux pays.
Comme le souligne Claire Demesmay, « Le nouveau traité de coopération et l’accord parlementaire franco-allemand sont d’abord un symbole. Ils veulent apporter un message d’espoir à un moment où l’UE traverse une grave crise de légitimité et est soumise à de violentes attaques – internes et externes. » Or, plus qu’un symbole et dans la volonté d’apporter des solutions aux situations de crise externes et internes à l’Europe, les aboutissements de ce nouveau traité doivent avoir un réel impact : « en aidant les acteurs politiques et administratifs des deux États à mieux se comprendre et, ainsi, à mieux jouer la carte de la complémentarité, souvent invalidée par des malentendus, ils la rendraient plus efficace. Quant au renforcement de la coopération transfrontalière qu’ils appellent de leurs vœux, il permet de répondre aux préoccupations des citoyens tout en contournant les nombreux blocages intra-européens ; autrement dit, de redonner au ‘franco-allemand’ son traditionnel rôle de laboratoire de l’intégration européenne ».[6]
En ce qui concerne la diplomatie culturelle franco-allemande sous le prisme de la jeunesse, le traité d’Aix-la Chapelle vient fixer deux grandes priorités[7] :
- Élargir les programmes de mobilité, par exemple dans le cadre de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), notamment pour les jeunes ayant des besoins spécifiques, les stagiaires et les apprentis, et fixation d’objectifs quantifiables.
- Mettre en place un Fonds citoyen commun destiné à appuyer les projets conjoints d’acteurs de la société civile, notamment les initiatives citoyennes et les jumelages de communes. Cela comprend ainsi les initiatives telles que le Miniparlement à long terme, puisque le projet pourrait ainsi bénéficier d’une aide annuelle basée sur la collaboration entre Stuttgart et Strasbourg.
Par ailleurs, la création d’une assemblée parlementaire commune franco-allemande peut être considérée comme une solution crédible et efficace pour juguler l’abstention des jeunes en proposant une démocratie directe à l’échelle de la coopération franco-allemande. Plus proche, non dépendante d’un parti politique en particulier ou d’un gouvernement, et tournée vers des perspectives internationales, elle peut constituer un marchepied efficace pour redonner confiance dans les institutions politiques au niveau national, mais également européen avec un parallèle assuré avec le Parlement européen.
[1] https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/de-gaulle-et-lallemagne/discours-devant-la-jeunesse-allemande-ludwigsburg-9-septembre-1962/
[2] https://www.ofaj.org/institution.html
[3] https://www.france-allemagne.fr/La-jeunesse-et-l-Europe-Commencons-par-la-culture-13-09-2021.html
[4] https://www.france-allemagne.fr/Le-Haut-Conseil-culturel-franco-allemand-1139.html
[5] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/2022-annee-particuliere-pour-la-cooperation-franco-allemande/
[6] DEMESMAY Claire, « À la recherche d’un nouveau souffle – un traité 2.0 pour la coopération franco-allemande », Allemagne d'aujourd'hui, 2018/4 (N° 226), p. 19-32. DOI: 10.3917/all.226.0019.
[7] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco/
Pierre Jouin