L’industrieux
C’est là, devant nos yeux, et pourtant il arrive à nous distraire avec ses gestes sans queue ni tête. C’est là, juste devant nos yeux, et pourtant on s’engouffre mal, on choisit toujours le chemin le moins évident, on se fait sérieux et, par cette sériosité, on se trompe. On le considère comme un homme en costard bien soigné, et lui a en lui un Arlequin débrouillard, et fourbe aussi, qui jouit de nous voir partir dans la mauvaise direction, qui se moque de notre inconséquence et de nos divagations mélancoliques.
C’est là, devant nos yeux, une bulle, que l’on prend de prime abord pour du béton incassable, pour une matière immortelle avec un contenu universel. C’est sans doute folie que de considérer celle-là comme n’étant pas un peu folle… N’oublions pas que devant nos yeux se trouve un habitant de l’absence qui vagabonde, qui vagabonde, qui se retourne contre lui-même en plein désert alors même qu’aucun regard ne le fixe.
L’industrieux nous surprend, est un tiers entre moi et le monde ; il est ce surgissement imprévu qui me sépare du monde, qui abolit mon union sereine avec lui. Il me décale, intellectuellement ou affectivement, comiquement ou tragiquement (ou les deux à la fois !). Il me donne le vertige aussi car, par ce décalage, je vois le monde comme un objet extérieur à moi-même, et je le vois tel qu’il est, dans sa pleine incohérence. Nous n’en ressortons pas indemne… L’industrieux n’est pas industriel. Il tient sur un fil en rigolant et les gens, trop loin pour l’entendre rire, le considèrent gravement. Il faut dire qu’il ne répète pas souvent… du moins c’est ce qu’il laisse croire. Ces personnes-là, on ne les rencontre pas souvent : il faut dire qu’elles en prennent des risques à jouer les équilibristes au-dessus du vide…
Jean
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