Anathème
Vilain sortilège ! Malédiction ! Perfidie ! Tel est donc le poids des maux dont tu m’accables ? Suis-je donc damné par ton prêche à l’éternelle fidélité du cœur ?
Au cadeau empoisonné je ne sus opposer un refus, maladie incurable dont les effluves assiégèrent le royaume et firent tomber les barricades. La capitale fut ravagée par le belliqueux étranger, qui sans pitié prit le trône et se mit à siéger. Les citoyens devinrent esclaves du tyran déifié, qui réécrivit le passé d’une effroyable maxime à jamais répétée : « Déjà terminé et toujours interminable ». Pillés et souillés, les fidèles tentèrent la vaine révolte, fastidieuse bravade contre la vigoureuse vérole qui vit s’abattre l’orageuse rasade sur ladite auréole. Sur les ruines du soleil dernier, le despote établit la nouvelle cité et parsema les terres de ses fécondes récoltes, preuve d’accomplissement et de son éternel établissement.
Les oraisons insuffisantes à alléger le deuil du cœur, ce dernier fit appel à la raison, jugeant le meilleur ennemi seul capable de se faire meilleur ami. Mais en amont de la capitale, la raison elle-même se raisonna de l’issue d’un combat que jamais elle ne remportera. Dès lors, celle-ci jugea préférable de raisonner le monde plutôt que de raisonner le cœur, par l’attaque des idoles vagabondes et non de leur demeure.
Ô vilain anathème qui par tes mots m’a chassé, je suis esclave de mon baptême devant l’idole glorifiée. Bienheureuse soit la femme nouvellement déifiée, car le dévot à son dieu s’est toujours sacrifié. Apôtre de ton sourire et de tes yeux attendris, j’irai jusqu’à la mort en ode à ta vie.
A jamais damné du culte à la bien-aimée, j’ai succombé aux voyages pour m’enivrer de paysages. J’ai parcouru terre et mer de mes yeux carnivores, en souvenir de ces heures où je dévorais ton corps. Mon salut, ta gloire, ma maudite destinée : extraire la beauté du monde et la mettre à tes pieds.
Yoann STIMPFLING