Harry Potter, l’exemple de l’enfant maltraité


 
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Erik Witsoe

Ligne de crédit : Unsplash


L’année 1997 marqua le début d’une saga à succès : Harry Potter. En effet, ce premier livre à près de 30 millions d’exemplaire vendus nous propose de vivre l’histoire d’un petit orphelin élevé par son oncle et sa tante qui découvre le monde de la sorcellerie. En avançant dans les livres, le lecteur grandit avec Harry et retrouve ainsi les étapes de l’adolescence dans lesquelles il peut se retrouver. Malgré toutes les épreuves que subit notre héros, il reste un enfant qui essaie de trouver sa place dans ce monde compliqué.

Beaucoup vantent, et à raison, le génie de J.K Rowling qui a fait un travail important au niveau de la conception de l’imaginaire et du travail de la langue, notamment dans le nom des sorts et des personnages. Elle a réussi à créer un univers parallèle à notre monde avec ses propres particularités. La richesse et la diversité de son travail sont de véritables mines pour l’analyse que ce soit linguistique, sociologique ou encore psychologique. Savez-vous que l’histoire d’Harry est riche en symboles par rapport à l’enfance maltraitante ?

Avis à nos lecteurs qui n’ont pas eu la chance de lire les livres ou de regarder les films : la suite de cet article parlera de l’ensemble de la saga.

Harry Potter est un enfant qui a vécu un traumatisme précoce : la perte de ses parents avant l’âge de deux ans. En pédopsychiatrie, cette atteinte du lien avec la figure d’interaction privilégiée, souvent la mère, lors des deux premières années de vie va perturber la constitution de l’identité de l’enfant. Mais l’histoire d’Harry, c’est surtout celle d’un enfant qui a été placé dans une famille maltraitante. Son oncle et sa tante le faisaient dormir dans le placard sous l’escalier, ne fêtaient pas son anniversaire et l’utilisaient pour les tâches du quotidien. Harry a donc vécu une grande partie de son enfance dans une famille qui n’avait aucune compassion et aucune reconnaissance pour lui. Comment évoluer dans un monde sans figure d’attachement privilégiée ? C’est difficile pour l’enfant, il n’apprend pas à reconnaître son propre monde interne et son identité, venant perturber son développement interne et c’est le cas d’Harry.

L’enfant maltraité ne sait pas décoder ses émotions et les émotions d’autrui. Son surplus émotionnel se transforme en agressivité, et il ne sait pas comment expliquer ce qu’il ressent et pourquoi il réagit ainsi. En thérapie, on utilise une technique pour ramener l’enfant à la réalité par le souvenir d’un événement heureux. Cela n’est pas sans rappeler le « Patronus » dans Harry Potter : matérialisation protectrice créée par les pensées heureuses pour lutter contre les Détraqueurs (créatures se nourrissant de la joie pour ne laisser que la tristesse). Dès le troisième livre, Harry arrive à matérialiser son « Patronus » malgré son jeune âge montrant qu’il tente de gérer ses émotions et sa volonté de comprendre le monde.

Dans les premiers livres, on remarque le manque de nuance entre les gentils et les méchants. En arrivant à Poudlard, Harry vit dans un monde dichotomique avec les bons sorciers (Gryffondor) et les mauvais sorciers (Serpentard). Il n’y a aucune nuance dans les personnages, Severus Rogue est le pire professeur de Poudlard tandis qu’Albus Dumbledore est l’incarnation du gentil. Cette situation n’est pas une facilité d’écriture mais bien une caractéristique qu’on retrouve chez l’enfant maltraité. En effet, l’enfant vit encore dans un fonctionnement de tout-petit car il n’a pas été bien entouré et bien accompagné dans son élaboration du monde. Il y a les méchants d’un côté et les gentils de l’autre.

L’histoire d’Harry Potter est très liée à celle de Voldemort. Ils sont tous les deux liés par le destin et par une prophétie. Ils ont tous les deux étaient maltraités dans leur enfance, pour Harry dans sa famille d’accueil, pour Tom Jedusor à l’orphelinat. C’est pourquoi J.K Rowling fait beaucoup de parallèles entre les deux personnages, nous montrant deux évolutions possibles d’une personne ayant eu une enfance maltraitante.

L’enfant maltraité a également tendance à se définir par son traumatisme. C’est ce dernier qui donne son identité. Pour Harry, sa cicatrice et son histoire dramatique sont connues par tout le monde. La cicatrice est la marque de son traumatisme, la marque visible qui empêche Harry d’écrire sa propre histoire.

En plus d’être toujours impacté par le traumatisme, l’enfant s’identifie à son agresseur, ici Voldemort. Ce dernier a une place très importante dans la vie de l’enfant. Dans Harry Potter, de nombreuses similitudes apparaissent dès le deuxième livre avec le Fourchelang. Voldemort et Harry ont des caractéristiques communes, et Harry en a peur. De plus, l’enfant maltraité peut avoir des hallucinations traumatiques. Il arrive même que notre héro s’imagine à la place de l’agresseur dans ses hallucinations. Dans le cinquième livre, Harry se retrouve dans la tête de Voldemort et se met à la place du serpent qui tente de tuer Mr Weasley.

Enfin, l’enfant maltraité a une identité fragmentée. Il va s’accrocher à un objet ou à une personne qu’il va considérer comme une partie de lui-même. Les horcruxes sont des parties de Voldemort, qui a été lui aussi un enfant maltraité dans son orphelinat. Les objets ou les personnes choisies sont fondamentaux dans la vie de Lord Voldemort. Lorsqu’ils sont détruits, il vit une grande souffrance et a des réactions émotionnelles intenses avec la sensation de perte de soi. Ce sont exactement les mêmes ressentis vécus par un enfant maltraité.

Pour terminer, Harry Potter est l’exemple de l’enfant maltraité qui a été pris en charge par une institution, Poudlard. Les professeurs et ses camarades lui ont permis de changer sa vision du monde, d’où l’évolution de l’atmosphère des livres et des films au fur et à mesure. Le personnage qui a aidé à Harry à accéder à la nuance est celui de Severus Rogue. Il a été détesté puis apprécié par Harry au point que ce dernier donne son nom à un de ses enfants. Harry Potter, en grandissant, a pu comprendre le comportement de Rogue vis-à-vis de lui, tout comme le lecteur.

Cette analyse psychologique est l’une des analyses possibles que l’on peut avoir sur l’histoire de J.K Rowling. D’autres existent et sont très intéressantes. J.K Rowling permet ainsi de montrer tous les traumatismes des enfants maltraités placés, nous apportant une vision différente sur notre société. Quoi qu’il en soit, Harry Potter reste une histoire qui a marqué des générations d’enfants permettant de les accompagner dans leur construction et leur adolescence.

Marine