La guerre de Sept ans, guerre révélatrice des défauts de l’armée française


 

Claudio Schwarz

Ligne de crédit : Unsplash


Le vieux continent connait une période instable au milieu du XVIIIème siècle puisqu’à partir de 1740 commence la guerre de succession d’Autriche, une guerre opposant les principales puissances européennes : la France alliée de la Prusse contre l’Autriche alliée de la Grande Bretagne. Ce conflit important se termine en 1748 par le traité d’Aix-la-Chapelle et laisse place, 8 ans après, à une nouvelle guerre, une guerre très meurtrière : la guerre de Sept Ans.

La guerre de Sept Ans est un conflit majeur se déroulant dans le monde entier entre 1756 et 1763, plus particulièrement en Europe mais aussi en Amérique du Nord, en Inde et dans de moindres proportions en Afrique. Ce conflit est d’ailleurs le premier à être qualifié de « guerre mondiale », il oppose plusieurs puissances européennes organisées en deux systèmes d’alliance : initialement la France, l’Autriche et la Russie puis l’Espagne contre la Prusse et la Grande Bretagne et plus tardivement le Portugal. La guerre de Sept Ans, est une guerre pénible et longue qui impacte fortement les puissances belligérantes sur le plan économique mais surtout sur le plan militaire comme ce fut le cas avec la France. Ce conflit semble être un véritable révélateur des défauts de l’armée française et non pas la cause de ces derniers.

En effet, il met en avant les difficultés militaires françaises, nous le constatons notamment par les nombreuses défaites que connait la France durant la guerre. Bien qu’elle connaisse quelques succès notamment au début du conflit, la France est véritablement en difficulté par la suite que cela soit contre la Prusse ou contre la Grande Bretagne. La France n’était pas aussi bien préparée stratégiquement et tactiquement que les puissances adverses. C’est pour cela qu’elle signera, sous la contrainte britannique, un traité de paix en 1763.

Il est nécessaire de comprendre en quoi la guerre de Sept ans est-elle un révélateur des failles de l’armée française, d’analyser quels sont ces divers défauts militaires français ainsi que leurs différents impacts.

Nous verrons donc dans un premier temps les difficultés de la France durant la guerre de Sept Ans qui ont mis en exergue les défauts de l’armée française ; puis nous évoquerons la crise militaire française et les nombreux défauts apparents.

1- Les défaites de la France durant la guerre de Sept Ans qui ont mis en exergue les défauts de l’armée française

1.1- Les défaites françaises en Europe

Au début de la guerre de Sept Ans, la France semble être victorieuse que cela soit en Europe ou encore en Amérique du Nord comme en témoigne la prise d’Hanovre en juillet 1757 par la victoire française durant la bataille de Hastenbeck. Mais la France connait très rapidement de nombreux échecs contre la Prusse ou encore contre la Grande Bretagne. Ces défaites sont représentatives des divers défauts de l’armée française. Elles mettent véritablement en avant l’inefficacité militaire de la France sur terre ou encore sur mer.

En Europe, la bataille de Rossbach qui se déroule le 5 novembre 1757 semble être l’exemple le plus adéquat pour illustrer ces propos. L’armée prussienne dirigée par le roi Frédéric II, bien inférieure en nombre avec environ 22 000 hommes parvient à vaincre l’armée franco-impériale du roi Louis XV de France et de la reine de Hongrie et de Bohème : Marie Thérèse d’Autriche qui pourtant comportait plus du double de leurs effectifs : environ 54 000 soldats.

C’est une bataille qui restera gravée dans les mémoires, car il l’aurait dû en être autrement. Cette défaite qui semblait pourtant impossible pour l’armée française, nous montre bien que celle-ci n’est pas assez efficace et quelle possède de nombreux défauts internes.

La bataille de Krefeld, qui a lieu le 23 juin 1758 accentue le fait que l’armée française est dépassée. Après avoir pris Hanovre en 1757, l’armée française de Louis de Bourbon-Condé est chassée par des troupes hanovriennes commandées par Ferdinand de Brunswick-Lunebourg. La France connait à nouveau un échec cuisant. Son effort militaire semble alors avoir été très peu utile. D’autres défaites françaises sont également importantes à mentionner comme la défaite de Minden en août 1759 et la défaite de Warburg en 1760, deux batailles perdues contre les hanovriens, ou encore la défaite de Lutterberg le 23 juillet 1762 contre l’armée brunswickoise

En mer, la marine française connait également des troubles, comme ce fut le cas le 20 novembre 1759 non loin de Brest, lors de la bataille de la Baie de Quiberon. La flotte française est battue et dispersée par la Royal Navy qui lui est bien supérieure en nombre et en efficacité. Le bilan de la bataille est le suivant : la marine française perd six vaisseaux et déplore 2 500 tués alors que la Royal Navy a vu deux de ses navires s’échouer et a perdu 300 hommes.

 

1.2- Les défaites françaises sur les autres continents

La France peine également à vaincre ses ennemis dans ses colonies, en Amérique, en Inde et en Afrique. La première difficulté est que ses colonies, sont très faiblement peuplées de français. On y trouve alors que très peu de soldats français. C’est l’un des principaux problèmes, de plus, lorsque la France tente d’envoyer des renforts notamment en Amérique, ces derniers sont souvent pris en chasse par les vaisseaux britanniques de la Royal Navy comme nous pouvons le constater en août 1759, après une attaque britannique sur les iles françaises aux Antilles, des renforts sont envoyés depuis Toulon mais sont très rapidement repérés lorsqu’ils franchissent le détroit de Gibraltar. Les renforts français sont poursuivis et battus à Lagos. On perçoit ici une mauvaise coordination au sein de l’armée française. Elle ne possède pas assez d’hommes dans les colonies et ne parvient pas à envoyer des renforts dans ces dernières.

Elle connait également une succession d’attaques de la part des britanniques qui engendre de nombreuses défaites que cela soit en Inde le 15 janvier 1761 avec la capitulation de Pondichéry, ou encore en Amérique du Nord avec la bataille du Fort Niagara qui commence le 6 juillet et se termine le 19 juillet 1759. C’est la dernière bataille majeure entre français et britanniques pour le contrôle de la vallée de l'Ohio, vallée qui est l’une des causes du conflit franco-britannique. Les britanniques l’emportent notamment grâce à une mauvaise tactique française qui s’est révélée inefficace. La victoire britannique est totale en Amérique du Nord.

 

1.3- Le bilan de cette guerre pour l’armée française

L’armée française est en réelle difficulté durant la guerre, bien qu’elle ait un nombre d’homme favorable, une marine et une artillerie convenable, elle ne parvient pas à s’imposer durant la guerre de Sept Ans. Subissant pleinement cette guerre, la France signe le traité de Paris en 1763. Les britanniques, en position de force, déterminent les conditions, la France perd alors le Canada, les iles au large, les territoires à l’Est du Mississipi et le Sénégal. La France a perdu la guerre, elle qui pourtant était dominante avec la Prusse au début du conflit, elle n’a pas su tirer profit des potentialités de son armée. La mauvaise organisation tactique et stratégique de l’armée française est mise en avant par cette guerre.

2- La crise militaire française, des défauts nombreux et apparents

2.1- Les défauts du commandement et des officiers de l’armée française

Les différentes batailles issues de la guerre de Sept Ans, soulignent les défaillances de l’armée française sans pour autant les expliquer. L’armée française sort traumatisée du conflit, l’on perçoit une tactique pas adaptée, une infanterie mal organisée, une cavalerie sans impact et une artillerie inefficace. Après la guerre, il est question d’une remise en cause profonde de la part de l’armée.  Il semble y avoir des défauts à chaque rang de la hiérarchie militaire à commencer dans le commandement et les officiers.

En effet ces derniers étaient très souvent incompétents du fait de leur ascension rapide dans la hiérarchie militaire, il n’avait pas de réelle expérience dans le domaine. De plus, il y avait des querelles internes entre officiers, chacun souhaitait dirigé les batailles.

Les officiers étaient également bien trop nombreux, est représentaient un handicap plus qu’autre chose, on parle d’ailleurs de « surencadrement » : en 1740, il y avait 1 officier prussien pour 29 soldats contre 1 officier français pour 9 soldats. Cela générait activement les conflits entre généraux.

 

2.2- Les défauts des soldats français

Le soldat français semble également avoir sa part de responsabilité. Il est très critiqué et n’apparait pas comme étant courageux comme on pourrait le penser lors de la bataille se déroulant à Dettingen en 1743 : les français pourtant favorables, sont défaits à cause d’une panique survenue dans le prestigieux régiment de la Maison du Roi, les gardes-françaises.

Selon de nombreux historiens tels que André Corvisier, ce ne serait pas le courage qui serait la principale faille mais le nombre d’homme. Les français était peu nombreux durant la guerre de Sept Ans : environ 270 000 hommes alors qu’on en comptait 350 000 lors de la guerre de succession d’Autriche. Les raisons sont multiples mais il est incontestable que l’armée française n’avait pas l’effectif nécessaire pour remporter la guerre. Le recrutement cantonal des prussiens était bien mieux réalisé que l’effort de guerre français. Là encore, ce système de recrutement comportait des failles, de plus les volontaires n’affluaient pas ce qui rendait difficile d’alimenter des troupes régulières.

 

2.3- De nouvelles réformes mises en place pour pallier ce manque d’efficacité de l’armée française après le conflit, montrant alors les nombreux défauts de l’armée

L’armée française connait alors une réelle crise militaire, il est nécessaire que cette armée soit améliorée. Frédéric II a montré notamment à deux reprises durant la guerre, que ce qui importe le plus n’est pas le nombre de soldats mais une meilleure efficacité de ces derniers et de l’artillerie. On perçoit dès lors une certaine fascination du modèle prussien de la part des puissances européennes et notamment de la part des français. C’est notamment par cela que l’on peut conclure que la guerre de Sept Ans est un révélateur des défauts de l’armée française. En effet, juste après la guerre, la France très ambitieuse, réforme véritablement l’organisation de son armée, qui va devenir bien plus performante les décennies suivantes.

On assiste notamment à une meilleure « régimentation » des troupes, qui a pour intérêt d’habituer les troupes à manœuvrer avec les mêmes hommes. Les régiments sont composés de 1000 à 4000 hommes, qui eux-mêmes sont composés de bataillons, ces derniers sont à leur tour sont composés de compagnies. Le régiment n’est pas une nouveauté mais l’on perçoit une tout autre organisation, bien plus préparée et rigoureuse.

L’infanterie devient par la suite bien plus flexible et adaptable grâce aux manœuvres apprises à l’entrainement, ce qui permet de conserver la cohésion dans les rangs.

L’artillerie française, issue du système Vallière, est également repensée. Jugée puissante mais pas assez mobile, elle n’était pas aussi performante que l’artillerie mobile des prussiens et s’avérait d’ailleurs assez inefficace. La France se tourne vers le système Gribeauval et va posséder une artillerie bien plus adaptée. On assiste d’ailleurs au début de l’artillerie de masse moderne par la mobilité, la standardisation de la poudre et des calibres et la réflexion d’emploi des différents modèles. L’artillerie et l’infanterie française étaient véritablement perfectibles durant la guerre de Sept Ans. Cette guerre a permis une réorganisation massive de l’armée française.

La marine française quant à elle ne connait pas de réelle remise en question mais elle se montre toute de même très inférieure à la Royal Navy qui possède une supériorité absolue car elle est la seule dans le monde qui peut se projeter sur toutes les mers de façon simultanée. De plus, elle a très largement impactée la marine française en coulant et capturant ses navires de guerre et de commerce.

 

La France connait de nombreuses difficultés sur le plan militaire au milieu du XVIIIème siècle et c’est d’ailleurs ce que va mettre en avant la guerre de Sept Ans. La série de défaites nous montre bien la présence de défauts au sein de l’armée française. Cela est dû notamment à sa faible efficacité que cela soit à cause de l’infanterie, de l’artillerie, de la marine ou encore des décisions tactiques. L’après-guerre nous montre le début d’un grand nombre de réformes de l’armée française ce qui accentue le fait qu’il était nécessaire pour la France de pallier ses nombreuses failles militaires.

Sacha Nizet