Dooz Kawa, celui qui voulait se faire la belle


Aujourd’hui, je vous propose une découverte. Découverte qui fut marquante pour moi il y a quelques mois, et que je brûle d’envie de faire découvrir ! Je vais vous parler de Dooz Kawa.

Dooz Kawa est un chanteur strasbourgeois, que beaucoup mettent dans la case du Hip-Hop voire du rap, mais qui est en réalité inclassable (pour le meilleur). Écrivain de grand talent et réceptacle de nombreuses influences, entre sonorités d’Europe de l’Est, de musique bohémienne et de jazz manouche.

Si Dooz Kawa fait parler de lui et de ses titres, c’est d’abord et avant tout pour sa maîtrise du verbe. Il est incontestablement un virtuose dans ce domaine, qu’il sait aussi mettre parfaitement en musique et en rythme, avec l’apport de talent comme Biréli Lagrène ou Mandino Reinhardt.

Mais trêve de blabla et de considérations théoriques. Bien que je vous conseille en priorité d’aller écouter ses morceaux, je vais tout de même tenter de retranscrire ici certains de ses thèmes principaux et de vous donner des exemples de cette plume hors du commun (encore une fois, l’écouter vaut encore mieux !).

L’amour

Chez Dooz, l’amour est central. Il explique dans une interview en 2018 qu’il n’y a que pour ça que nous nous levons le matin. Et il met en avant cela dans de nombreux morceaux, que ce soit l’amour joyeux, l’amour déçu, l’attente, la tristesse, les liens entre ceux qui s’aiment.

Dans le morceau “Le temps des Assassins”, Dooz Kawa nous présente une chanson formée à partir de lettres d’amour restées sans réponse.

“A ta santé toi l'arrache-cœur

Fait pour enorpheliner à coup de baisers mitrailleurs”


“Les muses sont peut-être des déesses attirées par des vains mots

Mais comme les poètes elles disparaissent et Verlaine tire sur Rimbaud”


La misère

Né dans un quartier défavorisé de Strasbourg, Dooz Kawa a à cœur de parler des inégalités induites par la société, des injustices qui écrasent et sont renouvelées constamment, de la difficulté quasi insurmontable de sortir de ces schémas.

Il l’exprime avec brio dans “Brako”, un morceau qui retrace une tentative de braquage qui tourne mal. Mais non pas un braquage comme on pourrait le voir dans un morceau de rap contemporain. ici, ce n’est que la dernière extrémité de personnages poussées par la faim, l’amour et la colère :

“Juste une fois

Et on quitte le froid pour toujours

Je me souviens toujours de ce fameux jour où à noël y avait pas de cadeaux

Mon père noël est mort alcoolo”


“L'agent ne fait que son devoir

A grand coups de pieds dans les reins”


“Dieu m'a pas dit si les bandits qui meurent et qui n'ont pas fait de mal vont au paradis

Comme les riches sur Terre vont au paradis fiscal


“Bien sûr la police est calme quand c'est l'Etat, EDF, les banquiers qui nous rackettent

pour eux pas de prison

Quand t'es pris en otage à travers ton livret A

et qu'on te renvoie sans raison”


Un chanteur engagé

Dooz Kawa utilise sa musique non pas pour s’attirer les applaudissements, la gloire ou l’argent, comme il l’explique dans cette même interview, mais d’abord et avant tout pour faire passer des messages, pour changer les choses à son échelle, comme il le peut.

C’est pourquoi tous ses textes possèdent un ou plusieurs niveaux de lecture contestataires, dénonciateurs.

Dans “Dieu d’amour”, en 2011, il s’attaque aux extrémistes religieux qui fleurissent de plus en plus :

“Et si les mots que j'argumente sont une attaque envers les cieux

Est-il possible pour vous d'entendre que je ne puisse pas croire en Dieu ?”


“T'énerve pas, j'devine, vous êtes tous excusés du fait d'une loi divine

Enfin plutôt par la traduction qui va dans le cadre de la cause”


“Moi j'représente pour tous ceux qui prient un dieu d'amour

Celui qui fait qu'on s'aime dans les cages en bas des tours”



“Ode à l’état” est un morceau tout entier destiné à dénoncer les gouvernements, leur fonctionnements, la sclérose qu’ils représentent pour les peuples.

“Là où finit l'État commence l'arc-en-ciel

Ce monde dégoût des demi-dieux qui fait qu'j'les défie comme Ulysse

Car les égouts d'la politique évitent les filtres d'la justice”


“Tu trouves qu'c'est un cartoon, qu'mes critiques sont des rancœurs

P't-être bien car c'est un clown qui a dû créer Les Restos du cœur”


“Les injustices d'aujourd'hui feront les Mandela de demain

Les Martin Luther King, pour faire la violence en paix”


“La politique c'est l’avènement des démagos

Ils sont venus dans l'hémicycle juste pour partager le magot

Leur démocrasse c'est une censure intellectuelle

Une manipulation des masses pour leur carrière personnelle”



Je ne vous ai parlé ici que d’une infime portion de ce que Dooz Kawa a pu écrire, dire et transmettre au travers de ses 6 albums et recueils. Loin de vouloir être exhaustif, je souhaite uniquement que vous donniez sa chance à cet artiste hors du commun, à titre personnel ma meilleure découverte de ses dernières années en chanson française.

Car nous parlons ici de quelqu’un qui cite dans le désordre la mythologie grecque, Nimrod, Babylone, Verlaine et Rimbaud, Ruy Blas, Socrate, Mayakovsky, les chants de Maldoror, Edward aux mains d’argent, Matisse, Gargantua et la Danaïdes, Dani le Rouge...

Pouvez-vous citer beaucoup d’artistes contemporains qui peuvent faire de même ?

Nicolas Graingeot


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