Chevalier
Ce dont je me souviens, ce sont des odeurs,
Le sang, la cendre, la fumée… la mort,
Mais dans ce vacarme mon ventre se tord,
Et je reste tétanisé, là, avec pour seule compagne la peur.
Des entrailles et des viscères autour de moi,
La violence ici-bas fait sa loi,
Et toutes les croyances, les traités et les serments,
Ne pourra pas apaiser mes tourments.
Je repense à ma terre et à celle que j’ai laissée,
À toutes ces bonnes gens qui de ma bravoure dépendent,
À tout ce sang que mes coups répandent,
Titubant sur le champ de bataille, blessé.
Ils gisent par centaines autour de moi, sans vie,
Du plus noble des seigneurs au plus humble piéton,
Piétinés par les bottes de bêtes en furie,
Qui n’ont finalement d’humain que le nom.
Alors je me redresse, haletant,
Jette un dernier regard à ma victime,
Puis d’un coup sec la pourfend.
Ils sont encore nombreux à se dresser,
Alors je plonge un peu plus dans cet abîme,
Et, résolu, je reprends mon épée.
Pierre Jouin