Candide à la Cop26
Vous savez, je lisais ce livre de Voltaire, « Candide ». Quelle inspiration. Il rejoint totalement le monde dans lequel nous sommes, le monde dans lequel je vis : celui des idées, des professions de foi, des émotions que je subis. Pour l’histoire, Candide était un petit être innocent et naïf. Il avait la soif de connaissances et l’ouverture sur les autres d’un sage. D’un sage naïf. Il avalait volontiers toutes les informations qu’on lui fournissait, parce que Candide savait qu’il ne savait rien et qu’il avait tout à apprendre. Cependant, Candide fut abusé par ce faux érudit de chez lui, et il a dû partir. Il se retrouva seul face à un environnement si vaste, si inconnu, et finalement si délétère. Mais Candide était enthousiaste et Candide allait se battre.
Pourquoi je parle de Candide ? J’ai l’impression d’être ce Candide. En tant que jeune, et je pense que beaucoup de jeunes peuvent se raccrocher à cette image : nous avons la fougue, l’envie de nous battre, l’envie de changer les choses, l’optimisme du « conquérant », la naïveté de celui qui ne sait pas ce que c’est d’échouer. Comme Mark Twain l’exprimait si bien « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Mais plus nous apprenons sur ce monde, et plus particulièrement à propos de cette rapidité qui est en train d’écraser nos dernières ressources… Plus notre force se transforme et cette naïveté qui était optimiste avant, disparaît. Je vous le dis, beaucoup, à ce point précis de leur histoire échappe à la suite, abandonne. Non pas par faiblesse, mais par rationalité, par protection. Cet Homme, tant adulé par les dieux, à qui nous avons octroyé la force de l’innovation, de la technologie, de la médecine. Cet Homme, à qui nous avons administré le savoir, la culture, la religion, l’esprit critique. Ce même Homme se met des œillères au moment où il nécessite de la clairvoyance. Et nous les jeunes, nous qui héritons de votre planète, nous voyons ce que vous faites, et surtout ne faites pas. Comment voulez-vous continuer à vous battre tout en sachant que nous courrons à notre perte ? Nous avons le désir de nous battre, nous en avons la force et le courage. Mais vous nous réduisez à des échos, des mouvements de foule. Vous nous donnez la parole, le droit d’expression, pour étouffer nos cris dès la fin de la session. Nous le voyons à chacun de vos évènements, la COP26 n’en est l’exception. Tant de jeunes, partis avec l’enthousiasme qu’on leur accorde, reviennent le ventre serré, les cordes vocales écorchées, l’espoir éteint à jamais.
Je me demande quel courage ou quelle sottise il faut pour continuer le combat. Quelle est la signification de l’optimisme dans un mode de vie aseptisé par son concept d’innovation comme messie ? L’optimisme est-il une bien belle erreur de jugement, une ânerie, une puérilité ? Ou l’optimisme est-il une démonstration de bravoure, de vaillance, de résiliation ? Je m’efforce à croire en son second sens, le sens de la résiliation. Les jeunes héritent de vos erreurs, mais nous saurons trouver des solutions, non pas pour alterner et inverser le processus que vous avez enclenché, mais bel et bien pour nous adapter à vos foutus égoïsmes. Quand il sera temps, quand vous lâcherez enfin les rênes d’un carrosse que vous menez à la dérive avec l’aplomb présomptueux d’un lâche. Quand enfin vous nous laisserez décider, et agir sur notre futur sans redouter que nous fassions mieux, alors nous limiterons enfin la casse, et essayerons de rendre les évènements un peu plus justes que ce que vous en faites. Bien entendu, beaucoup de conditions sont meilleures qu’avant, nous en sommes persuadés. La médecine est plus avancée qu’elle ne l’a jamais été, le confort s’améliore et s’améliore sans cesse. Nous sommes connectés les uns aux autres, hyperconnectés même. L’information est si libre, si présente, si diversifiée. Vous avez fait votre temps, et il a eu ses merveilles.
Le moment est venu pour vous d’arrêter le massacre. Faites-nous confiance, nous sommes bien plus prêts que vous ne le pensez, et nous sommes bien plus prêts que nous ne le pensons. N’abandonnez pas nos Candides à l’unique vacation de leur jardin. Ne nous laissez pas conclure notre avenir comme Voltaire concluait à D’Alembert : « si j'ai encore quelque temps à vivre, je le passerai à cultiver mon jardin comme Candide. J'ai assez vécu comme lui ». Il y a tellement plus à donner que de se résigner à son soi intérieur. Notre énergie peut être généreuse, ainsi virale et secouer notre monde à tous. Nous travaillerons ensemble dans un élan vigoureux à améliorer notre sort commun et notre nous individuel. Nous vous l’implorons, laissez-nous le pouvoir sur notre futur, et ne tuez pas nos derniers optimistes, ils sont notre seul espoir.
Anaëlle Barthel