Candide à la Cop26 


Tchernobyl, Ukraine par Nicolas Vande Kerckhove

Vous savez, je lisais ce livre de Voltaire, « Candide ». Quelle inspiration. Il rejoint totalement le monde  dans lequel nous sommes, le monde dans lequel je vis : celui des idées, des professions de foi, des émotions  que je subis. Pour l’histoire, Candide était un petit être innocent et naïf. Il avait la soif de connaissances et  l’ouverture sur les autres d’un sage. D’un sage naïf. Il avalait volontiers toutes les informations qu’on lui  fournissait, parce que Candide savait qu’il ne savait rien et qu’il avait tout à apprendre. Cependant,  Candide fut abusé par ce faux érudit de chez lui, et il a dû partir. Il se retrouva seul face à un environnement  si vaste, si inconnu, et finalement si délétère. Mais Candide était enthousiaste et Candide allait se battre.  

Pourquoi je parle de Candide ? J’ai l’impression d’être ce Candide. En tant que jeune, et je pense que  beaucoup de jeunes peuvent se raccrocher à cette image : nous avons la fougue, l’envie de nous battre,  l’envie de changer les choses, l’optimisme du « conquérant », la naïveté de celui qui ne sait pas ce que  c’est d’échouer. Comme Mark Twain l’exprimait si bien « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors  ils l’ont fait. » Mais plus nous apprenons sur ce monde, et plus particulièrement à propos de cette rapidité  qui est en train d’écraser nos dernières ressources… Plus notre force se transforme et cette naïveté qui  était optimiste avant, disparaît. Je vous le dis, beaucoup, à ce point précis de leur histoire échappe à la  suite, abandonne. Non pas par faiblesse, mais par rationalité, par protection. Cet Homme, tant adulé par  les dieux, à qui nous avons octroyé la force de l’innovation, de la technologie, de la médecine. Cet Homme,  à qui nous avons administré le savoir, la culture, la religion, l’esprit critique. Ce même Homme se met des  œillères au moment où il nécessite de la clairvoyance. Et nous les jeunes, nous qui héritons de votre  planète, nous voyons ce que vous faites, et surtout ne faites pas. Comment voulez-vous continuer à vous  battre tout en sachant que nous courrons à notre perte ? Nous avons le désir de nous battre, nous en  avons la force et le courage. Mais vous nous réduisez à des échos, des mouvements de foule. Vous nous  donnez la parole, le droit d’expression, pour étouffer nos cris dès la fin de la session. Nous le voyons à  chacun de vos évènements, la COP26 n’en est l’exception. Tant de jeunes, partis avec l’enthousiasme  qu’on leur accorde, reviennent le ventre serré, les cordes vocales écorchées, l’espoir éteint à jamais. 

Je me demande quel courage ou quelle sottise il faut pour continuer le combat. Quelle est la signification  de l’optimisme dans un mode de vie aseptisé par son concept d’innovation comme messie ? L’optimisme  est-il une bien belle erreur de jugement, une ânerie, une puérilité ? Ou l’optimisme est-il une  démonstration de bravoure, de vaillance, de résiliation ? Je m’efforce à croire en son second sens, le sens  de la résiliation. Les jeunes héritent de vos erreurs, mais nous saurons trouver des solutions, non pas pour  alterner et inverser le processus que vous avez enclenché, mais bel et bien pour nous adapter à vos foutus  égoïsmes. Quand il sera temps, quand vous lâcherez enfin les rênes d’un carrosse que vous menez à la  dérive avec l’aplomb présomptueux d’un lâche. Quand enfin vous nous laisserez décider, et agir sur notre  futur sans redouter que nous fassions mieux, alors nous limiterons enfin la casse, et essayerons de rendre  les évènements un peu plus justes que ce que vous en faites. Bien entendu, beaucoup de conditions sont  meilleures qu’avant, nous en sommes persuadés. La médecine est plus avancée qu’elle ne l’a jamais été,  le confort s’améliore et s’améliore sans cesse. Nous sommes connectés les uns aux autres, hyperconnectés même. L’information est si libre, si présente, si diversifiée. Vous avez fait votre temps, et il a eu ses  merveilles. 

Le moment est venu pour vous d’arrêter le massacre. Faites-nous confiance, nous sommes bien plus prêts  que vous ne le pensez, et nous sommes bien plus prêts que nous ne le pensons. N’abandonnez pas nos  Candides à l’unique vacation de leur jardin. Ne nous laissez pas conclure notre avenir comme Voltaire  concluait à D’Alembert : « si j'ai encore quelque temps à vivre, je le passerai à cultiver mon jardin comme  Candide. J'ai assez vécu comme lui ». Il y a tellement plus à donner que de se résigner à son soi intérieur.  Notre énergie peut être généreuse, ainsi virale et secouer notre monde à tous. Nous travaillerons  ensemble dans un élan vigoureux à améliorer notre sort commun et notre nous individuel. Nous vous  l’implorons, laissez-nous le pouvoir sur notre futur, et ne tuez pas nos derniers optimistes, ils sont notre  seul espoir.  

Anaëlle Barthel 


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