“Asperger”, un passé bien obscur


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Erik Witsoe

Ligne de crédit : Unsplash


Le terme « Asperger » décrit dans l’imaginaire collectif une personne autiste avec un QI très élevé, qui relève presque du génie. La culture cinématographique a toujours mis en avant ce type de profil, faussant ainsi la définition de l’autisme. Mais connaissez-vous l’origine du terme « Asperger » ? Savez-vous qu’il est en lien avec le nazisme ?

Le terme a été utilisé dans les années 1980 sous l’impulsion d’une psychiatre britannique Lorna Wing. Elle a découvert la thèse d’un pédopsychiatre autrichien écrite en 1944 sur quatre enfants autistes doués de « facultés spéciales ».

D’un point de vue social, l’étiquette « Asperger » est attribuée aux personnes autistes qui sont capables de s’intégrer dans la société, d’avoir un emploi ou qui ont des capacités supérieures. Cependant, ce terme tend à disparaître des classifications médicales officielles. En effet, deux classifications s’affrontent concernant la définition de l’autisme. Selon la CIM-10 (de 1993), l’autisme est classifié Trouble Envahissant du Développement. On y retrouve le syndrome de Rett, le syndrome d’Asperger, des troubles hyperactifs avec un retard mental et stéréotypé. L’autre classification est celle du DSM-5, on parle alors de Trouble du Spectre de l’Autisme. Cette définition est plus récente car elle date de 2013. Elle tend à supplanter celle de la CIM-10, d’où la disparition du terme « Asperger ».

Mais, au-delà de cette déviance entre les classifications, le terme « autisme Asperger » est au cœur d’une polémique historique, et plus particulièrement au cœur de l’histoire nazie. En effet, elle tient son nom d’Hans Asperger, un psychiatre autrichien né en 1906. Ce serait le premier à avoir mis en évidence les profils particuliers d’enfants qu’il appelait « les petits professeurs » dans les années 40. Il les appelait ainsi car ces enfants parlaient de leur centre d’intérêt avec beaucoup de détails. Pendant longtemps, Hans Asperger était considéré comme un héros ayant sauvé des enfants du programme d’euthanasie nazie. En effet, selon l’idéologie nazie, les personnes handicapées devaient être exterminées car elles coûtaient à la société.

Mais, des recherches récentes ont dressé le portrait d’un homme partisan de la doctrine nazie basée sur le tri des individus. En juillet 1939, le premier programme d’extermination de masse lancé par Hitler est mis en place : l’euthanasie des enfants considérés comme un poids pour la société et comme un danger pour la pureté de la race allemande. Asperger embrasse la cause nazie et devient un expert médical. Il doit dépister les sujets avec des maladies héréditaires et promouvoir le programme de stérilisation forcée dans le programme d’un eugénisme positif. Cette sélection a entraîné la mort d’environ 5 000 enfants dans à peu près 37 « salles spéciales ». L’une des plus connues est l’Am Spiegelgrund à Vienne. Des enfants, pourtant en bonne santé, mais qui avaient des défauts physiques, mentaux ou comportementaux ont été assassinés dans leur lit. En effet, les infirmières administraient des surdoses de sédatifs afin que les enfants tombent malades pour mourir d’une pneumonie. Certains chercheurs ont montré qu’Asperger a travaillé en collaboration avec des personnalités du programme d’euthanasie de Vienne. Il aurait recommandé le transfert d’enfants au Spiegelgrund, des dizaines d’entre eux ont été tués.

Certains pensaient qu’Asperger avait sauvé des enfants autistes par pure humanité, en montrant leur capacité à intégrer la communauté du peuple. En réalité, il ne faisait que suivre le programme sélectif de la psychiatrie nazie. Par ses observations, il a mis en évidence la « cruauté » et les «traits sadiques» des enfant, énumérant leurs «actes de malice autistes». Il a également appelé les psychopathes autistes des « automates intelligents ». Dans sa thèse de doctorat « Les psychopathes autistes dans l’enfance » publiée en 1944, il met en avant les profils d’autisme léger qui pourraient fréquenter l’école, tout en recommandant l’euthanasie pour les profils « à l’autre bout du spectre ». Il était persuadé que les enfants avec des talents particuliers devaient les utiliser à l’âge adulte.

Aujourd’hui, le terme d’Asperger par son passé sordide est rejeté par de nombreuses personnes et notamment le corps médical. En effet, la définition d’Asperger des « psychopathes autistes » est loin de la compréhension de l’autisme d’aujourd’hui. Avec le DSM-V, les diverses formes de sévérité de l’autisme sont intégrées dans le concept de « trouble du spectre autistique ». On ne doit plus hiérarchiser les personnes autistes selon leur niveau de fonctionnement, l’autisme est un concept beaucoup plus vaste qui mérite d’être plus compris. De plus, de nombreuses personnes autistes ne veulent plus être associées à ce meurtrier nazi. En l’honneur de ces enfants tués, il est donc important d’arrêter d’utiliser le terme Asperger.

Marine