Le Football, du sport au marché économique libéral ?


 
Peter GlaserLigne de crédit : Unsplash

Peter Glaser

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Le football est depuis plusieurs décennies un sport majeur dans la culture européenne mais aussi dans de moindres proportions dans le monde entier. Son importance est telle que de nombreuses chaines télévisées diffusent un grand nombre de matchs et cela dans beaucoup de pays. On peut constater également son importance par l'impact social qu'il a comme en témoigne le grand nombre de supporters dans les stades mais aussi dans les foyers, la vente de maillots conséquente chez les grandes enseignes et sponsors des équipes comme Nike, Adidas ou encore New Balance. Le football est omniprésent et très apprécié par un grand ensemble de la population mondiale. 

Il est apparu au milieu du XIX -ème siècle au Royaume Uni dans le milieu ouvrier, ce sport naissant offre dès le début des valeurs sportives telles que la combativité, la cohésion, l'union, le partage ou encore le dépassement de soi. A cette époque, le football est un véritable loisir, il devient de plus en plus sérieux au fil du temps, les clubs correspondant à des villes différentes se forment et grandissent, les joueurs deviennent professionnels et sont rémunérés. Ces derniers étaient le plus souvent des résidents de la ville ou aux alentours. L'amour du maillot et la ferveur des supporters étaient alors beaucoup plus présents. Les joueurs jouaient sur le terrain pour leur famille, pour leur ville et ses habitants ce qui engendrait une véritable passion que cela soit du côté des joueurs ou des supporters. Ce football est très vite déstabilisé et connait depuis les années 1980 un changement radical. 

En effet le football semble être touché par un capitalisme grandissant, qui prend énormément d'ampleur depuis sa création dans les années 1860. Il est important de mettre en exergue ce fait car si le football a changé c'est bien à cause de ce régime économique et social. L'économie prime aujourd'hui sur le sport donnant alors au football un caractère beaucoup moins "sacré" pour les passionnés. Les joueurs, les clubs et les sponsors ne sont plus dans la même dimension qu'auparavant. L'envie de réussir, de jouer s'en va petit à petit, c'était pourtant la motivation de tous. Aujourd'hui l'argent est la principale motivation comme le souligne Javi Poves, ancien défenseur du Sporting Gijon qui a quitté le monde du football à cause des corruptions, à l’âge de 24 ans : "Quand tu es petit, tu joues par amour du sport, mais plus tu connais le monde du foot plus tu réalises que tout n'est qu'argent". Cette déclaration illustre parfaitement l'idée que le capitalisme détruit la véritable âme du football. 

Le football était avant tout un loisir puis progressivement celui-ci a engendré de nombreux métiers créant ainsi tout un réseau économique. Les joueurs, les membres de la direction du club, le staff technique et médical, les entraineurs et autres acteurs perçoivent un salaire plus ou moins important. Avant les 1970, les joueurs avaient un salaire médiocre, puis dans les années 1980, un véritable biseness se créé en premier lieu en Europe et plus particulièrement en Angleterre. S'en suit alors un véritable changement exponentiel des salaires. Ces derniers étaient autrefois faibles et le plus souvent pas assez conséquents pour pouvoir prétendre vivre uniquement du football, à présent les salaires sont devenus complètement astronomiques. Leur évolution s'est faite de façon constante et à une vitesse folle. En 2007, un joueur de ligue 1 gagnait déjà en moyenne environ 41000 euros selon France Football même si en réalité les disparités salariales sont très fortes dans le milieu du football avec notamment des salaires plus élevés pour les stars. A présent, un joueur de Ligue 1 gagne en moyenne 94000 euros par mois selon FranceTVinfo.fr, ce qui est colossal par rapport à beaucoup d'autres métiers. Ces salaires ont été progressivement normalisés par les médias en particulier, alors qu'ils sont tout simplement excessifs. 

De plus la valeur de transfert des joueurs a également augmenté, dans les années 1960-1970, les transferts, c'est à dire les changements de club d'un footballeur professionnel, étaient plus rares et beaucoup moins chers. Le football est devenu tellement médiatisé qu'il parvient à créer des stars, des stars qui vont coûter chers que cela soit en transfert, en salaire, en sponsor ou encore en droit TV. Aujourd'hui les transferts se comptent la plupart du temps en million d'euros. Certaines sommes provenant des plus gros clubs sont astronomiques, prenons par exemple le PSG qui a acheté Neymar en août 2017, star brésilienne incontournable dans le monde du foot, pour un montant avoisinant les 222 millions d'euros correspondant à sa clause libératoire selon un communiqué officiel de son ancien club : le FC Barcelone. Son salaire annuel en 2017 serait d'environ 36,7 millions d'euros d'après Foot Mercato. Nous pouvons ainsi voir à quel point le football a changé, les clubs sont devenus de véritables entreprises qui recrutent les meilleurs joueurs, afin d'avoir les meilleurs rendements et le plus de bénéfices possibles. Les joueurs ne sont plus considérés comme des personnes mais comme des investissements, des produits qui rapportent de l'argent, on distingue alors une véritable aliénation dans le football. Pierre Rondeau, économiste du sport, va plus loin en affirmant que "le football est l'illustration du capitalisme mondialisé et déréglé" selon le site de l'Humanité. Le capitalisme est présent dans le monde entier par la mondialisation, il touche de nombreux domaines et s'intéresse énormément aux sports depuis les dernières décennies ce qui économiquement semble être avantageux mais d'un point de vue purement sportif, l'argent à outrance est amené à détruire la magie du football.

Le sport évolue, le foot en particulier ; c'est un spectacle avant toute chose aujourd'hui. On y trouve une concentration d'argent majeure dans cette industrie, certains matchs sont truqués dans le plus grand secret, pour diverses raisons, qu'elles soient politiques ou économiques ou même sociales. Le football n'est plus aussi véritable qu'auparavant, la corruption y est bien trop présente comme le souligne L'Equipe avec un article sur un potentiel match truqué entre Getafe et Villareal lors de la saison 2018-2019. Le football est complètement différent depuis sa création, c'est une industrie qui apporte beaucoup économiquement sur le plan interne (clubs, joueurs et autres acteurs) mais aussi sur le plan externe avec les produits dérivés, les paris sportifs, les jeux vidéo incontestables de football : PES et FIFA Football qui font un chiffre d'affaire considérable, favorisant ainsi l'influence du football à l'échelle mondiale et engendrant une "consommation footballistique" plus accrue.

L'affichage de publicité sur les maillots, sur le terrain autorisé à la fin des années 60 et le changement de nom des stades ou des ligues afin de mettre le nom d'un sponsor tel que la Ligue 1 Uber Eats en 2020 ; ternissent de plus en plus la dimension sportive. Le football est maintenant un lieu de publicité, d'intérêt économique, de fraudes que cela soit pour le trucage de matchs, de transferts ou encore de dopage des joueurs. Le monde du football est un monde tabou qui pourtant reflète bel et bien la réalité capitaliste du monde. Tout n'est que surenchère, dans tous les domaines du football. La prolifération et l'omniprésence de l'argent ne peuvent que nuire aux valeurs sportives. L'argent tue le football, comme nous pouvons le constater avec le PSG acheté par le Qatar en 2011, c'est d'ailleurs ce qu'affirme Dominique Sévérac, grand reporter sport du parisien, dans une interview du Parisien en 2020 : "Le PSG version Qatar n'a pas réussi à faire [...] se retrouver autour de valeurs qui surpassent celles de l'argent, l'argent ce n'est pas une valeur". Avec l'achat du Qatar, le club de la capitale achète pour des montants colossaux les meilleurs joueurs tel que Zlatan en 2012, Cavani en 2013 ou encore Neymar en 2017. Ces transferts engendrent une certaine injustice de la part des autres clubs français, moins solides financièrement. L'équilibre entre les clubs est rompu et ce sont les clubs qui ont le plus d'argent qui remporte principalement les titres et les trophées. Ainsi la réussite d'un club réside dans son capital et non plus dans sa combativité. Le football perd de ses valeurs sportives, il est biaisé à cause de l'argent qui possède une importance beaucoup trop élevée comme en témoigne le dossier "Messi".

Evoqué comme étant le meilleur joueur du monde, le sextuple ballon d'or Lionnel Messi, attaquant du FC Barcelone depuis 2001, a souvent été annoncé à Manchester City ou au PSG à l'été 2020. Le joueur après avoir annoncé son envie de quitter le Barça a fait trembler les dirigeants du club, les sponsors et bien d'autres acteurs comme le président de la Liga (ligue espagnole). Messi a finalement décidé de rester une année de plus à cause de sa clause libératoire très élevée de 700 millions d'euros que personne ne pouvait vraiment payer selon Foot Mercato. Manchester City était pourtant le club le plus proche de signer l'argentin avec une offre d'environ 200 millions d'euros + 3 joueurs du club. Cette offre met en exergue la folie du nouveau football. En restant, Messi permet d'éviter une crise économique dans le football espagnol, en effet les sponsors, droits TV et autres acteurs qui apportent de l'argent s'en iront vers d'autres championnats en cas du départ de Lionnel Messi, ce qui aurait un impact direct sur l'économie locale en Espagne. Messi est une véritable star, qui apporte énormément d'argent à la ville, par sa célébrité il favorise le tourisme et la notoriété de Barcelone qui permet une consommation locale plus importante. Par le dossier Messi, nous pouvons constater tous les acteurs cachés dans l'ombre du milieu du football, il s'agit bel et bien de quelque chose de totalement différent, une usine gigantesque cachée derrière la façade sportive. Le football peut donc être défini avant tout comme étant un marché économique très subtile, au réseau dense ; avant d'être défini comme étant un sport. 

L'argent joue donc un rôle fondamental dans le football actuel, tout est lié à lui, le football semble aujourd'hui être un prétexte pour développer un immense marché économique, ses valeurs sportives quant à elles, disparaissent progressivement. Le football d'aujourd'hui est au service du capitalisme ce qui est paradoxal étant donné qu'il provient de la classe ouvrière. Le football a clairement changé d'identité.

Sacha Nizet