Vers un nouveau paradigme économique ? (4/4)

– Vers l'unité par la diversité, suivi d’une brève conclusion à notre série d’articles intitulée " Vers un nouveau paradigme économique? "


 
Nagesh BaduLigne de crédit : Unsplash

Nagesh Badu

Ligne de crédit : Unsplash


De la fin d'une monoculture sectorisée

 

L'agriculture joue un rôle essentiel dans notre société. En effet, la diversité des activités professionnelles est due à la capacité des agriculteurs à nourrir la population. Sans agriculteurs, l'activité de l'humain serait majoritairement consacrée à l'assurance de son alimentation. Toutefois, le modèle de l'agriculture actuelle semble insoutenable. En effet, si une majorité de ressources énergétique est issue de l'extraction, il en va de même pour l'agriculture. Ainsi, pour acquérir des terres cultivables, on se doit de raser des forêts, détruisant de fait les services écosystémique originels pour y installer la monoculture. La monoculture permet une production de masse par l'exploitation d'une grande surface d'exploitation, par la spécialisation sectorisée de certains types de production en fonction de la densité de terrain exploitable, des ressources en eau ou encore du coût de la main d’œuvre. Ce système d'exploitation a pourtant de nombreux désavantages. Tout d'abord, l'uniformisation de la production supprime la diversité des végétaux qui organisaient leur auto-entretien via les échanges inter-végétaux. Toutes les plantes en viennent donc à solliciter les mêmes besoins et les mêmes rejets. Pour palier à ces besoins, l'agriculteur se doit d'importer des ressources extérieures comme les fertilisants et produits phytosanitaires pour les protéger des divers assaillants. L'ami se fait ennemi lorsque ces produits en viennent à attaquer les plants non pas extérieurement comme le font les insectes ou les rongeurs par exemple, mais intérieurement. En effet, ceux-là attaquent directement le système nerveux, hormonal et cellulaire, qui semblable aux nôtres, nous attaquent également directement. L'agriculture est ainsi devenue l'un des secteurs les plus friands de produits toxiques et plus émetteur de gaz à effet de serre. De plus, la recherche d'une grande densité du terrain d'exploitation contraint l'agriculture à s'écarter des secteurs où les consommateurs sont les plus nombreux telles que les villes. L'ensemble de ces considérations à dominance négative nous porte ainsi à la recherche d'une nouvelle agriculture. Et là encore, l'économie symbiotique se tente à une solution plus que séduisante. En effet, celle-ci se positionne en faveur de la permaculture, solution aux maux de la monoculture. La permaculture adopte les principes fondateurs de l'économie symbiotiques tels que le partage des informations et la coopération des différentes entités. L'INRA (Institut national de la recherche agronomique française), s'intéresse par ailleurs de plus en plus sérieusement à cette alternative, tout comme l'en prouve son étude sur la ferme permacole de la famille Hervé-Guyer. Leurs analyses affirment que «La productivité économique d'une surface nouvellement mise en culture de 1000 mètres carrés (soit un dixième d'hectare) destinés à la vente de légumes, de fruits et de fleurs comestibles a été mesurée pendant trois ans. Elle est de 34 euros par heure travaillée et de 55 euros par mètre carré cultivé, soit plus de 10 fois supérieure à la moyenne française des exploitations maraîchères spécialisées pour un temps de travail équivalent. » Ainsi si le modèle d'une agriculture basée sur la permaculture semble plus respectueuse de l'environnement, elle semble également adéquate à la croissance économique : elle est du moins environnementalement et économiquement soutenable. Concernant sa localisation, son manque de proximité avec les foyers de consommateurs, l'économie symbiotique peut là encore se dévoiler en tant que solution certaine. En effet, pour reprendre l'exemple de la ferme permacole de la famille Hervé-Gruyer, celle-ci doit la dynamique de son réseau économique au pari d'un circuit court jumelé à une vente locale sans intermédiaire. De plus, afin d'atteindre l'efficience maximale de l'utilisation des ressources, le territoire exploité doit se limiter à une certaine densité de territoire. En effet, une trop forte densité d'un même territoire « exploité » par la permaculture serait contre-productif dans le sens où l'énergie disponible pour mettre en relation les matières et les informations serait enclin à sa dispersion. Ainsi, de par la quête d'un cycle court en vente directe et d'une densité d'exploitation limitée, l'exemple que nous prenions précédemment d'une micro-ferme serait plus que pertinent. En effet, ces contraintes pourraient être en mesure de créer un élan d'engouement pour la mise en place de micro-fermes au sein même des villes où se trouveraient réunies des parcelles d'exploitation de tailles acceptables, une forte densité de consommateurs, une main d’œuvre de proximité, mais également une source d'approvisionnement en denrées locales et l'aménagement d'espaces verts entretenus par les exploitants, amenant de fait un retour massif de la biodiversité en ville et un amoindrissement de la pollution. La diversité des éléments ne mène pas inéluctablement à leur compétition. En effet, celle-ci peut mener à la coopération. En adéquation avec le binôme demande et offre, « les besoins des uns rencontrent les ressources des autres », se dirigeant dès lors vers une autonomisation des relations économiques par la relation directe entre consommateur et producteur.

 

De l'organisation de la transition : le pouvoir du peuple

 

La description d'un passage à une économie symbiotique peut nous faire rêver. Mais n'est-ce qu'une vulgaire utopie bercée d'illusion ou une possibilité concrète d'un avenir meilleur, voire tout simplement une possibilité d'un avenir pour les générations à venir ? La transition vers une économie symbiotique est-elle réellement possible ? Peut-elle sortir des mots, pour s'attaquer aux maux ? Panser la plaie de notre autodestruction par la pensée ? Et si oui, quels en seraient les processus et ses acteurs ? Soyons tout aussi brefs qu'honnêtes : non, la transition (si elle est), ne sera pas simple. Les moyens d'actions pouvant être mis en œuvre à l'intérieur-même d'une économie dite symbiotique le sont, or, notre plus grand combat sera sans nul doute la transition elle-même. Soyons conscients que le passage d'un capitalisme exacerbé à un système symbiotique révélerait un changement de paradigme sans précédent pour notre civilisation. Premièrement, prenons conscience de la dimension culturelle de la perspective d'un tel changement. En effet le passage à une économie de système, dite symbiotique n'a jamais connu de précédent dans l'histoire de la pensée mondiale et se trouve en plus de cela à l'antagonisme des mécanismes de la pensée actuelle encore bien trop ancrée dans le cartésianisme. En second lieu, voyons les faits tels qu'ils sont : Le pouvoir économique n'a jamais été aussi concentré et ne cesse de s'accroître dans les mains des mastodontes soutenus pas des lobbies hyper-puissants. Et pour ne rien arranger, le pouvoir législatif ne cesse de se développer autour des intérêt du grand capital au sein de l'OMC, ou encore de l'Union européenne qui rappelons-le a été fondée sur la base d'accords économiques et non pas strictement politiques. Ces organisations pourraient trouver leur place dans le passage à une économie symbiotique, toutefois, il semble évident que ces dernières ne font que reporter la mise à mort qu'ils ont eux-mêmes partiellement provoqué au profit d'intérêts à court terme. En témoigne l'autoritarisme réglementaire exerçant sa violence politique quant aux petites entreprises, ne cessant d'émettre de nouvelles réglementation placées sous l'hymne de la sécurité tandis qu'elles ne font qu'écarter de leur échiquier les pions mettant en difficulté le déplacement de leur reine capitaliste. Pour conclure la démonstration de l'inaction des grandes institutions, rappelons que la création monétaire à été déléguée aux banques privés mondiales. Ainsi, les États et assemblées d’états ne sont plus créatrices mais consommatrices, dépendantes des banques privées et soumises au remboursement et à la servitude des grandes puissances économiques et financières privées. Il ne faut ainsi pas s'attendre à une quelconque aide de leur part quant à la mise en œuvre d'une telle transition. La partie semble compliquée, toutefois la confection de notre analyse aurait été stérile sans la croyance sincère en une porte de sortie donnant sur la réalisation de cet ambitieux projet. Ainsi, la réussite de ce projet tient certainement des considérations et implications du peuple et de sa collectivité. En effet, l'efficience maximale de la transition pourra prendre source par la multiplication des ambitions et réalisations de projets populaires collectifs dans le diversité de leur localisation. De plus, les collectivités territoriales seront à même de s'initier positivement dans ces projets par la création d'investissements mutualisés locaux qui leurs seront à coup sûr source de retours positifs.

Brève conclusion à notre série d’articles intitulée " Vers un nouveau paradigme économique? ”

Pour conclure, citons Isabelle Delannoy qui affirme :« Quand vous créez les conditions favorables à la vie, elle revient d'une façon très rapide ». Ainsi, le passage d'un paradigme de destruction, prenant source dans l'accomplissement de la compétition mortifère contre la nature, à un paradigme de régénération, misant sur la coopération de l'homme et de son environnement s'établira en tant qu'acte de naissance : un don de vie, pour la vie. Ce don de vie est possible, plus que cela, il est nécessaire à notre survie. Nous devons nécessairement abandonner notre monde-ventre, qui consomme et rejette en se tournant vers un monde-écosystème, libre de la production de ses propres fonctions vitales. Comme nous avons pu le constater, nombres d'initiatives, plus ou moins isolées, se sont déjà mises en place à travers le monde, laissant s'accroître l'espoir d'une « mondialisation » de ces actions et des prises de conscience. L'économie symbiotique doit briser l'enclavement de notre conception des mécanismes économiques traditionnels pour les dépasser et faire face à la nouveauté dans l'attente commune d'un monde soutenable, tout autant économiquement, environnementalement, politiquement et socialement. Les externalités négatives héritées d'un système extractif doivent devenir positives par l'accomplissement d'une transition vers un système symbiotique. Enfin, comme nous l'avons précisé en dernière partie de notre étude, la perspective de changement est entre nos mains. Entre les mains du peuple, de sa capacité à la collectivité et à l'entretien d'un partage constant d'informations et d'actions. C'est par la multiplication d'actes isolés que pourra s'accomplir l'émergence d'une conscience collective de plus en plus conséquente. Julio Cortazar affirmait que « La lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu'on refuse », ainsi, en tant qu'intendants de la Terre, acceptons, toutes et tous, notre responsabilité quant à la gestion commune de notre maison et de ses habitants. Œuvrons à notre émancipation. Œuvrons à la transition.

Yoann STIMPFLING