L’Architecture en Perse : le majestueux témoin de notre passage sur Terre
L’Architecture est un vaste, très vaste sujet. Traiter de tous les styles, de toutes les spécificités géographiques, culturelles, religieuses est une mission presque impossible. Il y a tout simplement trop à dire. L’infinité de cet Art si particulier dépasse de loin ce que notre esprit est capable d’accepter.
Donc nous créons des genres, des styles, autant de cases à remplir que l’on souhaite. Et cela nous rassure, pas seulement en architecture, mais aussi dans tous les arts, toutes les idées, tous les sujets.
Je m’en vais donc, à travers un certain nombre d’articles et d’illustrations, vous parler en profane que je suis des Arts en Perse, sur de longues périodes de temps, allant des origines du peuple Perse à la période musulmane.
Commençons par l'architecture, parmi les disciplines les plus anciennes et les plus sophistiquées que l’on retrouve en Perse.
L’antiquité en Perse : une architecture majestueuse et impériale
La première Architecture, déjà imposante et raffinée
A l’origine, il n’y avait rien. Puis vinrent, vers 10 000 avant J.C, les plus anciennes traces d’architecture dans cette zone géographique s’étendant du Golfe Arabo-persique au Sud, à la Caspienne au Nord, et du Tigre et de l’Euphrate à l’Ouest à l’Indus à l’Est. Ces indices font de la Perse l’un des premiers lieux d’urbanisation au monde, sous l’influence première des cités du Berceau de la Civilisation, telles Ur, Akkad ou Babylone.
L’époque des Empires préislamiques est le premier Âge d’Or de l’architecture perse
Excusez-moi, il nous faut faire un peu d’histoire pour comprendre ces évolutions.
Les Achéménides, les premiers des Grands Perses
Le premier empire perse, Achéménide, est fondé en -550 par Cyrus Le Grand, premier homme à unifier la Perse, et imposer sa loi sur le Moyen-Orient, jusqu’à la frontière de L’inde, l’Egypte et l’Anatolie. Grâce à cette conquête, par lui puis par ses successeurs, la Perse devient le centre d’une immense richesse, qui se concentre dans les principales villes, Pasargades, Suse et Persépolis, les trois lieux de résidence du Roi des Rois.
C’est ainsi qu’au fil des siècles, les différents souverains s’affairaient à rendre leur Palais et d’autres bâtiments toujours plus riches, plus beaux, plus imposants, montrant ainsi aux représentants des différentes provinces de l’Empire la toute puissance de leur maître.
Cependant, les Achéménides ne construisaient pas uniquement des Palais pour représenter leur puissance. Ils investirent beaucoup de leurs efforts dans des complexes funéraires grandioses, dont le plus connu est celui de Naqsh-e Rostam, non loin de Persépolis. La particularité de ce monument est qu’il s’agit de 4 gigantesques tombes royales Achéménides creusées à même la roche de la montagne. Cette même montagne est aussi ornée de bas-reliefs datant de l’époque Sassanide (de 224 ap J.C à 651 ap J.C), au nombre de 7, et qui représentent des instants marquants de l’histoire des perses sassanides (leur lutte centenaire contre les Romains entre autres).
Malheureusement, la chute des Achéménides face à Alexandre Le Grand provoqua la destruction de nombreuses constructions. Nous pouvons citer la décision du roi macédonien de mettre le feu à la ville de Persépolis, qui perd en quelque jours et pour l’éternité sa grandeur. N’en restent aujourd’hui que des ruines, comme le Palais Royal. Et le même processus fut à l’œuvre dans les autres grandes villes, comme Suse ou Ecbatane. Il ne reste aujourd’hui presque plus rien des constructions de cette époque, si ce n’est ces ruines qui ne font qu’évoquer la gloire passée de ces monuments.
Le Style Parthe et ses déclinaisons : Apogée et fin de l’architecture préislamique
Ce style architectural se divise en 3 grandes périodes :
. Le style séleucide, qui correspond à la période où les Grecs d’Alexandre Le Grand régnèrent sur la partie centrale de l’ancien empire, entre -330 et -63.
. Le style parthe : les Parthes étaient un peuple qui reconquit petit à petit les territoires occupés par les grecs en Perse et instaura un nouvel état, qui dura de -247 à 224 après J.C. Très influencés par ces derniers, on retrouve leur influence dans leurs constructions.
. Le style Sassanide : les Sassanides sont les derniers rois perses non musulmans. Entre 224 et 651 ap J.C, ces derniers voulurent retrouver la grandeur des Achéménides, ce qui les poussèrent à lutter contre l’Empire Romain pendant de nombreux siècles. Leur architecture est la mieux conservée de la période préislamique, en particulier car celle-ci fut reprise par les empires musulmans, et ce dès la chute des Sassanides en 651. Ils remirent au goût du jour l’ancienne architecture perse, en y ajoutant cependant de nombreux nouveaux éléments, dont le principal est le dôme, une technique perfectionnée par ces derniers et qui servira de modèle à l’architecture islamique, en faisant l’une des principales caractéristiques des mosquées et autres palais musulmans.
Ce dôme fut pendant très longtemps le dôme sans soutien le plus haut du monde, et est considéré comme une construction majeure dans l’histoire de l’architecture, en particulier l’architecture musulmane.
L’ère musulmane voit l’architecture perse se surpasser et produire des merveilles
Dans les siècles qui suivent la conquête, l’influence perse s’étend aux nouvelles possessions musulmanes
En 651, les armées de l’Islam font chuter les derniers rois zoroastriens de Perse, et incorporent la Perse dans le jeune et de plus en plus étendu Empire arabe.
La puissance de la culture perse est telle que rapidement, elle est adoptée par les nouveaux maîtres des lieux. C’est ainsi que l’écriture perse est devenue le modèle de l’écriture arabe, tout comme pour la musique et ici, ce qui nous intéresse aujourd’hui, l’architecture.
Comme dit précédemment, de nombreux éléments perses se retrouvent dans l’architecture arabo-musulmane, et en particulier les dômes, qui devinrent rapidement le symbole des mosquées.
Ce style syncrétique de l’Islam en Perse porte le nom, entre 651 jusqu’au Xème siècle, de style khorassanien
Le style Razi, ou la beauté avant la tempête
Entre le XIème et le XIIIème siècle, la Perse vit un âge d’or culturel : les scientifiques sont parmi les meilleurs du monde, l’art bat son plein et ne cesse d’innover et de s’améliorer. C’est dans cette atmosphère qu’apparaît le style Razi, qui couvre les dynasties Samanides, Seldjoukides et l’Empire du Khwarezm.
Durant cette période, l’architecture produit de superbes bâtiments, surtout religieux, et intègre de nouveaux éléments à ses techniques. C’est ainsi qu’apparaissent les modèles floraux et végétaux entre autres.
Après la conquête mongole de la Perse, de nouvelles influences se font ressentir
La tempête a balayé la Perse. Entre 1219 et 1221, les hordes mongoles de Genghis Khan ravagent le pays, massacrent des milliers d’habitants, rasent des villes entières, dévastent les campagnes. Cette catastrophe est une époque sombre pour le pays, et pour ses arts : de grandes villes connues pour leurs beauté et prospérité sont mises à genoux, pillées et parfois même, détruites entièrement, comme Rei.
L’instauration et le maintien de l’Ilkhanat, le gouvernement mongol, permet à la Perse de lentement se relever de cette épreuve. Comme tous les envahisseurs avant eux, les Ilkhans finissent par succomber à l’influence culturelle perse, jusqu’à l’embrasser entièrement, comme en témoignent les différentes constructions qu’ils commandèrent sous leur règne.
Après la chute de l’Ilkhanat en 1357, il faut attendre la fin des divisions internes de la Perse pour voir de nouveaux l’art et l’architecture reprendre du poil de la bête (si j’ose dire).
Vous avez peut-être déjà entendu parler de Tamerlan, le conquérant turco-mongol. Il sema la mort et la destruction dans de nombreux endroits, et particulièrement en Perse, où il détruisit en grande partie Ispahan. Cependant, cet homme était très intéressé par les arts, et entre autres l’architecture. Il fit déporter un grand nombre d’artisans, d’architectes et de savants dans sa capitale de Samarcande, au Nord de la Perse.
C’est ainsi qu’il participa à l’apparition de la Renaissance Timouride, un nouveau souffle pour les arts après des siècles de grandes difficultés.
Après la tempète et les ravages, des siècles de développement et le pinacle de l’architecture perse.
Le style Isfahani est le dernier et le plus récent des styles traditionnels de l’architecture perse. Ce style est divisé selon les différentes dynasties qui y ont participé, à soir les Safavid, les Afsharid, les Zand et les Qajar. Revenons plus en détail sur ces différents points.
La dynastie Safavid arrive au pouvoir en 1501, remplaçant ainsi les descendants de Tamerlan. C’est la première dynastie perse régnant sur le pays depuis la chute des Sassanides 900 ans plus tôt. Dans cette optique, les Safavid se posent en mécènes des arts perses, favorisant la remise au goût du jour des anciens thèmes perses. Cela participe grandement à l’apparition de ce style Isfahani. Aujourd’hui, la plus grande partie des monuments anciens en Perse datent de cette période et correspondent à ce style.
Ce style repose sur une simplification des formes et l’utilisation de beaucoup de couleurs.
Nous pouvons d’ailleurs noter que ce nouveau mouvement architectural inspira même en dehors de la Perse, et en particulier en Inde, où la Dynastie Moghole (créée par les descendants de Tamerlan, et donc influencés par la culture perse) l’utilisera pour créer de nombreux bâtiment, dont le plus connu est le Taj Mahal, dans le pur style Isfahani.
Ce style se maintient même après la chute des Safanid en 1756, et continue de croître à travers la construction de différents palais, mosquées, minarets. Cette évolution se retrouve à la fin du XVIIIème siècle, avec la construction, entre autres, de la Mosquée d’Agha Bozorg.
On y retrouve ici les principales caractéristiques de ce mouvement : une symétrie parfaite, un dôme à double coque, des arches ciselées, un jardin intérieur, des mosaïques colorées de bleu persan.
Après ce mouvement architectural, les bâtiments en Perse, bientôt l’Iran, s’occidentalisent très rapidement, et perdent de leurs spécificités. De nos jours, l’Iran est entré dans une ère de modernisme, à l’image d’innombrables autres pays. Et cela n’est pas le sujet de cet article.
Au final, que retenir de tout cela ? Vaste question ! Mais le plus important reste, à mon sens, de voir que, en terme d’architecture, le reste du monde n’a rien à envier à l’Europe, qui a tendance à être excessivement mise en avant. La Perse reste l’une des patries les plus prolifiques en la matière, l’une des premières et surement l’une des plus importantes. Ne serait-ce que le concept même de jardin, un espace de nature au milieu de la vie humaine, qui est apparu en Perse avant de se diffuser partout dans le monde grâce à la conquête arabe. D’ailleurs, le terme perse de jardin, pairiḍaēza, a donné dans nos langues modernes le terme de Paradis.
La Perse est un réservoir bouillonnant d’idées et de magnificence à travers les siècles. Et, à mon avis, l’un des pays qui met le plus à l’œuvre l’idée du raffinement, de la beauté, et de l’Art. Soyez averti : cet article n’est qu’un commencement.
Nicolas Graingeot